Menu
Search
Vendredi 19 Décembre 2025
S'abonner
close
Vendredi 19 Décembre 2025
Menu
Search

Le CPU regorge de patients

Réputé être le plus ancien et le plus grand, le centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd de Casablanca (CPU) connaît des carences matérielles et humaines importantes, ce qui l'empêche de répondre à la demande des centaines de patients qui viennent consulter chaque jour.

Le CPU regorge de patients
«Nous recevons, pendant les jours ouvrables, entre 100 et 120 malades par jour. Il s'agit de patients venant essentiellement de Casablanca, mais également d'autres villes du Maroc. Il nous arrive même de recevoir, parfois, des patients venant de l'étranger. Que ce soit pour des consultations «à tout-venant» ou des consultations d'urgence, afin de décider de l'hospitalisation ou non du malade», indique Driss Moussaoui, directeur du CPU Ibn Rochd.

Selon le professeur Moussaoui, l'essentiel du travail du CPU se fait à travers les consultations, plus que l'hospitalisation. Le manque important de lits au centre en est sans doute l'une des causes. «Nous avons actuellement 104 lits, dont une vingtaine non fonctionnels, à cause du manque de personnel paramédical», affirme Moussaoui. Un nombre absolument insuffisant selon le professeur qui estime avoir besoin de beaucoup plus pour répondre aux besoins du centre. «Il nous faudrait, au minimum entre 600 et 1.000 lits pour pouvoir répondre à la demande. Par contre, j'ai entendu dire que le ministère de la Santé, avec la wilaya et la ville de Casablanca, allaient signer bientôt une convention pour doubler le nombre de lits au CPU de Casablanca», souligne-t-il.

Faute de lits, le centre arrive à peine à hospitaliser les cas jugés dangereux pour eux-même, leur famille ou l'ordre public. Outre l'insuffisance de places, le centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd souffre également d'un manque considérable d'infirmiers, d'assistants et de personnel d'entretien. Cependant, le nombre de médecins qui exercent au CPU est suffisant par rapport au nombre de malades, selon le directeur. «Si on compte les médecins en formation et les médecins psychiatres, je peux dire que le nombre de médecins par rapport aux patients est, à peu près, suffisant.

Toutefois, le nombre d'infirmiers et de personnel de service et d'entretien est très déficient, ce qui nous cause une grande souffrance. Par exemple, dans le service des femmes, nous avons des malades très difficiles et pénibles, très agressives, qui menacent le personnel, les autres malades, etc.», indique M. Moussaoui. Et d'expliquer : «Le peu de personnel que nous avons au centre ne peut pas gérer toutes ces contraintes.
Ils en souffrent énormément. C'est pareil également dans les autres services. J'insiste encore une fois, nous sommes en manque considérable de personnel paramédical et de personnel d'entretien, parce que les malades cassent, détruisent les infrastructures, déchirent les couvertures, mettent le feu… Il faut leur assurer une bonne surveillance et de l'entretien en permanence. Il faut dire que ce genre de malades (dangereux) ne constitue qu'une minorité parmi les malades du centre, cependant ils exigent des moyens financiers et humains importants».

Selon le professeur, ce manque de personnel est expliqué par l'insuffisance de postes budgétaires et le non-remplacement du personnel qui quitte son poste au centre. «Il y a beaucoup de membres du personnel qui démissionnent, pour aller travailler ailleurs, souvent dans les pays du Moyen-Orient, ou pour prendre leur retraite, sans jamais être remplacés. Nous sommes dans une situation particulièrement critique en ce moment. L'administration, consciente de la gravité de la situation, nous a envoyé un infirmier et nous a promis six autres très prochainement, mais espérons que cette promesse sera réellement tenue», confie M. Moussaoui.

Le manque de personnel n'est pas le seul point noir du centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd, ce dernier souffre également de problèmes de ressources financières.
«La gestion financière est basée sur le peu que nous donne l'hôpital et le beaucoup que nous donne les bienfaiteurs et la Ligue pour la santé mentale, qui est une association que j'ai créée en 1979 pour aider le CPU. L'hôpital paye, quand même, l'eau, l'électricité, le personnel médical et paramédical, ce qui est important, mais insuffisant. Cependant, les plus grandes dépenses sont réglées par les bienfaiteurs», dit le professeur. Et d'ajouter : «La nourriture est normalement assurée par l'hôpital, toutefois, les familles y participent énormément».

En plus des aides alimentaires, les familles jouent un rôle important dans la vie des malades, du fait qu'elles sont de plus en plus conscientes de la réalité et de la gravité des problèmes mentaux. En effet, depuis l'annonce des résultats de l'enquête nationale en 2007, la société marocaine considère les troubles mentaux de moins en moins comme étant des caprices et de plus en plus comme étant de vraies maladies. «Les demandes de consultations ne cessent d'augmenter, les chiffres sont là pour le prouver. C'est dire à quel point les gens sont de plus en plus conscients de l'importance de la santé mentale. Par contre, la stigmatisation des malades mentaux persiste, malheureusement. Il faut absolument changer cette façon de percevoir les choses», insiste M. Moussaoui.

Le centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd accueille des malades souffrant de différents types de pathologies mentales. En haut de la liste, on retrouve les troubles dépressifs et d'anxiété qui, en général, ne font l'objet que de consultations. Vient ensuite la schizophrénie, les troubles bipolaires, les accès psychotiques aigus et les confusions mentales, qui représentent des maladies «lourdes» et exigent donc une hospitalisation.
Selon le professeur Moussaoui, les troubles dépressifs et anxieux sont les plus fréquents. Et ce à cause des changements que connaît le monde en général et le Maroc en particulier. «Par exemple, la migration vers la ville peut être un vrai traumatisme pour certains. Il n'est pas facile de s'adapter au stress, au bruit et à tous les autres désagréments de la métropole. Il ne faut pas oublier qu'en 1956, le Maroc comptait une population à 80% rurale et 20% urbaine. Actuellement, on est passé à 40% de population rurale contre 60% urbaine. Il y a donc eu un changement considérable», explique le Professeur Moussaoui. Outre les mutations du mode de vie, d'autres facteurs peuvent également favoriser les troubles mentaux.

La génétique, une enfance difficile (manque d'affection parentale, violence ou abus sexuels) et les événements de la vie quotidienne peuvent affecter la santé mentale de tout un chacun. Concernant le traitement, il ne faut pas s'attendre à un miracle dès la première consultation. Pour M. Moussaoui, les pathologies mentales sont traitées de la même manière que les maladies organiques chroniques. «La famille du malade mental a du mal à accepter une guérison à long terme. Elle croit qu'une simple consultation de 10 minutes peut être suffisante. Ce qui est tout à fait faux. Les troubles mentaux sont des sortes de maladies organiques, dans le sens où elles touchent le cerveau du patient. Ce qui demande beaucoup de travail médical, tout comme pour les diabétiques ou les hypertendus», affirme Le professeur. Il ajoute que certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres. Pour cela, une prévention contre les maladies mentales est de rigueur. Il faut, entre autres, apprendre à respecter l'intimité de la personne dès l'enfance, privilégier une alimentation riche en iode, surtout à l'enfance et apprendre, également, à être satisfait pour bien gérer sa vie émotionnellement.

Santé mentale

Personne n'est à l'abri d'un trouble psychiatrique. En effet, de récentes études ont prouvé que la schizophrénie touchait 1% des Marocains, les troubles bipolaires 1% également, alors que la dépression fait entre 10 et 20% de victimes au Maroc. Selon l'enquête nationale de 2007, entre une personne sur quatre et une personne sur cinq souffre de dépression. Vulnérables, ces personnes ont besoin de beaucoup de compréhension, d'attention, de sympathie et d'assistance. De leur côté, les troubles psychiques de gravité moyenne ou minime, beaucoup plus nombreux, nécessitent une sérieuse prise en charge quotidienne.
Mais malgré toutes ces données, la psychiatrie n'a malheureusement jamais été une priorité dans notre pays.
En effet, les centres psychiatriques bénéficient de très peu de moyens humains et matériels, ce qui entrave la bonne prise en charge des nombreux patients qui souffrent de troubles mentaux.

L'unité d'art thérapie

Depuis le 8 avril dernier, le centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd possède une unité d'art thérapie. C'est la première du genre au Maroc. Après quelques mois d'utilisation, les résultats sont plutôt satisfaisants, selon le professeur Driss Moussaoui, psychiatre et directeur du centre. «Je peux dire que l'unité d'art thérapie est la meilleure chose qui nous soit arrivée dans ce centre. L'utilisation de cette méthode a eu beaucoup d'effets positifs sur la santé des patients», indique-t-il. En effet, l'art thérapie est une technique psychologique pour aider les personnes en souffrance à exprimer, justement, leur souffrance, pas oralement, mais plutôt par l'écriture ou par le dessin. Un art thérapeute dispose d'outils à même de déchiffrer les dessins des patients ou leurs peintures et, à partir de là, il repère les symptômes qui vont contribuer à sortir avec une évaluation.
Un art thérapeute ne peut pas travailler seul, vu qu'il a besoin de psychiatres avec lesquels il doit collaborer.
Lisez nos e-Papers