«Ceux qui se ressemblent s’assemblent», ce dicton n’est plus de vigueur ces derniers temps. Aujourd’hui, on est plus dans «Les opposés s’attirent». En effet, de plus en plus de Marocains osent le mariage mixte et les familles sont légèrement plus ouvertes à l’idée.
Toutefois, cela n’empêche en rien l’éclatement de problèmes entre belles-familles. Ces derniers peuvent même être très violents et pousser à la séparation du couple. «J’ai choisi mon mari en me basant sur mes sentiments et je pensais que notre amour pouvait être plus fort que les problèmes, mais s’était sans prendre en considération nos différences culturelles. En effet, dès les premiers jours, nous étions confrontés, mon mari et moi, aux divergences de traditions entre nos deux familles et j’ai appris, à mes dépens, que les Marocains et les Turcs étaient plus différents que ce que je pensais. Nous n’avions presque rien en commun. Les fiançailles, le mariage, les fêtes… tout était sujet de discorde entre nos deux familles. En plus, sa mère était persuadée que j’ai épousé son fils pour l’argent, donc elle ne me portait pas du tout dans son cœur. Après deux ans de vie commune en enfer, les problèmes familiaux ont eu raison de notre mariage», confie tristement Imane.
Les conflits et les discordes entre belles-familles s’accentuent davantage, lorsqu’il s’agit de l’éducation des enfants. «Je pensais que les histoires sur les mariages mixtes n’étaient qu’un cliché, surtout qu’au début tout s’est bien passé entre nos deux familles. Mais dès que notre premier bébé est venu au monde, les conflits ont fait surface. On avait beau être d’accord sur l’éducation à donner à nos enfants, nos parents respectifs ne voyaient pas cela du même œil. Chacun voulait imposer sa manière, sa langue, et sa culture. C’était devenu une compétition où tout était permis, y compris les critiques et les moqueries. Ne pouvant plus vivre dans cette situation qui risquait de briser notre mariage, nous avons décidé d’immigrer au Canada, loin de tous», souligne Issam, Marocain marié à une Belge.
Par ailleurs, si les hommes réussissent plus facilement à imposer leurs choix à leur famille et que les Marocains acceptent, plus ou moins, sans peine une belle-fille étrangère, la situation est plus compliquée lorsqu’il s’agit d’un gendre d’une autre nationalité. Là, le critère qui semble s’imposer, c’est la situation financière du «prince charmant». «J’ai cru qu’en me mariant avec un Arabe musulman, je n’aurais pas à subir les foudres de ma famille, mais je n’ai pas été épargnée. Dès le départ, mes parents ont refusé que je me marie avec cet Égyptien “misérable” qui ne répond pas à leurs critères.
Et même si j’ai réussi à leur faire changer d’avis, mon mari continue de souffrir des commérages de ma mère et des blagues de mon père et mes frères. Je suis déçue par ma famille. Je n’ai jamais pensé qu’ils étaient matérialistes et encore moins xénophobes. Et j’ai du mal pour mon mari», indique Meriem.
Selon Mohssine Benzakour, psychosociologue, pour qu’un mariage mixte réussisse, chacun doit faire des concessions, se trouver des points communs et aider à contrebalancer le poids de cette différence, qui pèse surtout aux familles. «Nés au pays, les parents ont parfois du mal à s’en accommoder. Mais il est rare aujourd’hui que l’on renonce à l’élu de son cœur pour se sacrifier au plaisir du clan. Donc, tout dépend des couples mixtes. Savoir s’ils ont réussi à créer l’harmonie ou pas, car les belles familles ne peuvent être source de problèmes qu’en cas de conflits perpétuels. Pour ce qui est des jeunes, le problème se pose de moins en moins, vu le nombre de mariages mixtes qui est en nette augmentation», explique-t-il. Et d’ajouter : «Communication, imagination et tolérance sont les ingrédients obligatoires du quotidien des couples mixtes».
L’incompatibilité interculturelle selon Mohssine Benzakour, psychosociologue
«C’est lorsqu’il y a incompatibilité interculturelle qu’il y aurait production d’antagonismes et de conflits au sein du couple mixte»
Compte tenu du fait que chaque société structure différemment le cycle de vie, chacun des partenaires porte en lui un modèle implicite, intériorisé au cours de l’enfance, des étapes du cycle de vie et des moments de passage qui les séparent. L’une des spécificités du couple mixte est de réunir deux représentants de cultures, d’ethnies, de sociétés, de races ou de nations qui ne s’accordent pas, parce qu’ils ont des conceptions du monde susceptibles d’être inconciliables. C’est donc lorsqu’il y a incompatibilité interculturelle qu’il y aurait production d’antagonismes et de conflits au sein du couple mixte. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a deux facteurs importants derrière le fait de contracter un mariage mixte : le premier c’est que souvent il est associé à une plus grande ouverture d’esprit antérieure. Le second se rapporte aux événements de la vie quotidienne qui ont conduit une personne à sortir de son groupe social et culturel d’origine pour s’intégrer dans un autre.
Le mariage mixte apparaît comme le lieu privilégié où les cultures s’affrontent, dialoguent et se fondent. Le couple mixte se présente comme un laboratoire intensif d’échanges, d’analyses, de synthèses, capable d’imaginer des solutions originales. Mais cette union se voit altérer par le recours à des systèmes de représentation, des projections imaginaires, des modèles de comportements qu’adoptent la société, en général, et les belles familles, en particulier : la réaction est le plus souvent suscitée par la différence culturelle et religieuse elle-même.
Comme dans tout couple, l’arrivée d’un enfant est une étape décisive qui permet d’asseoir le consensus ou qui le fait éclater. Dans certains cas, le couple mixte comprend qu’il devra élever son enfant d’une autre manière sans l’aide d’une famille élargie, mais celui qui n’en est pas conscient devient sujet à problèmes. Pour les parents, originaires de deux cultures différentes, l’essentiel est d’arriver à simplifier la situation et à choisir ensemble les lignes directrices de l’éducation de leurs enfants. En effet, plus il y aura harmonie et plus leurs fils et filles seront favorisés par rapport aux autres.
