Quand on évoque le déficit commercial, on a tendance à pointer directement du doigt la faiblesse des exportations et l’incapacité des producteurs marocains, dont notamment les industriels, à rivaliser à armes égales avec leurs homologues étrangers et s’imposer sur les marchés extérieurs. De même, certaines analystes mettent en cause la capacité de ces mêmes producteurs à se faire une place sur leur propre marché, marocain. Toutes ces analystes ne sont pas sans fondement, car elles mettent en évidence une réalité qui est bien présente. Toutefois, d’après les économistes du CNCE (Conseil national du commerce extérieur), il ne s’agit que d’une partie du tableau qu’il faut compléter par d’autres éléments, dont notamment un qui est très déterminant et qui n’est pas assez mis en relief. Ainsi, pour eux, si le Maroc en est arrivé à une cette situation insoutenable du déficit de la balance commerciale, c’est qu’il s’approvisionne trop de l’étranger, important deux fois plus qu’il exporte.
Dans leur dernier rapport, ils sont catégoriques : « la fragilité de l’équilibre du commerce extérieur résulte plus de la progression soutenue des importations que des faibles performances à l’exportation ». En fait, en l’espace de 11 ans, les importations des biens et services ont triplé, passant de 133 milliards de DH en 2001 à 399 milliards en 2011. De plus, les exportations marocaines ne déméritent pas vraiment et vont même progressant. Selon le CNCE, le Maroc était sur un palier de croissance des exportations des biens plus bas avant 2010 (moins de 10%). Depuis 2010, il est sur un palier supérieur à 10%, à l’image de l’année passée où les exportations des biens ont augmenté de 14,3%.
Cette situation marquée par le déséquilibre commercial n’est pas près de changer, puisque, insiste-t-on auprès du CNCE, la croissance économique présente un « fort contenu en importations ». En fait, précisent-ils, 85% des produits importés sont incompressibles et les prix des produits dominants sont en augmentation, en l’occurrence l’énergie et les matières premières. Un fait aggravé par l’effet de soutien des prix importés, qui « ne stimule pas une rationalisation de la consommation » et aussi l’effet des marges préférentielles (droit commun et droit de douane) appliquées dans le cadre des accords de libre-échange signés par le Royaume. Dans ce contexte, le CNCE fait savoir que les marges préférentielles accordées par le Maroc au profit des importations en provenance de l’Union européenne dépassent de loin celles accordées aux exportations marocaines.
Et même les marges relativement importantes accordées par les pays arabes ne profitent pas vraiment au Maroc, puisqu’elles ne génèrent pas de flux d’exportation, du fait de l’absence de complémentarité. Par conséquent, cette dérive commerciale, qui sera difficile à endiguer, devra se prolonger pour culminer à 190 milliards de DH de déficit en biens et services vers 2015.
Cette situation est d’autant plus probable que la montée de la demande interne, qui est appelée à supplanter la contraction de la demande étrangère consécutive aux grosses difficultés que connaissent les partenaires commerciaux du Maroc en Europe, ne contribue pas que positivement à l’économie nationale. En effet, explique-t-on, « le lien entre la demande intérieure et les importations pose les limites de la politique de soutien à cette demande interne : les effets multiplicateurs des politiques de relance se trouvent contrariés par la forte propension à l’importation ».
Le système productif est dépendant des intrants importés
L’analyse du CNCE concernant le commerce extérieur permet de dégager un élément de grande importance. Il s’agit de la dépendance du système productif à l’égard d’intrants importés, ce qui pose la question de la diversification productive en mesure de favoriser l’intégration du tissu industriel. « L’analyse de biens d’équipement mérite d’être approfondie pour évaluer le potentiel de substitution par des produits fabriqués localement dans des conditions compétitives », souligne-t-on. Cela suppose la prise en considération d’une production mondiale de plus en plus internationalisée, étant entendu que la dépendance exportations-importations a progressé dans tous les pays.