Menu
Search
Samedi 20 Décembre 2025
S'abonner
close
Samedi 20 Décembre 2025
Menu
Search

Décrispation et rapprochement des relations entre le Maroc et l'Algérie

No Image
Depuis près d'un demi-siècle, les relations entre le Maroc et l'Algérie sont passés alternativement d'une phase d'espoir porté par les peuples du Maghreb, aux phases de désenchantement, de lassitude, de méfiance, voire d'amertume, qui traversent le monde politique de cette région mais aussi les sociétés civiles…D'où ce devoir de vigilance de tout observateur averti face aux évolutions des relations inter-maghrébines happées elles aussi par «le Printemps arabe» qui devient un élément important dans l'analyse. La chute des présidents Ben Ali, Kadhafi et Moubarak, l'arrivée au Maroc d'un nouveau gouvernement et de nouvelles générations aux postes de commande, l'ébullition encore présente dans la région, la crise financière mondiale et l'émergence de nouveaux pôles de compétitivité ont fait prendre conscience de l'impérieuse nécessité de s'atteler à construire le Maghreb. Un espace commun où la géographie des régions pourrait transcender les tumultes de l'histoire et où «le coût du non Maghreb» pourrait être remplacé par «la valeur ajoutée» des coopérations dans différents domaines, de la libre circulation des biens, des capitaux et des hommes, ouvrant ainsi une nouvelle page dans les relations inter-maghrébines où les nombreux potentiels existants pourraient être activés pour le bien-être des populations. A la lecture et au décryptage des discours des responsables maghrébins, force est de constater qu'une forte inflexion a été donnée ces dernières semaines.

Le 14 janvier dernier, date de la célébration du 1er anniversaire de la révolution tunisienne, un signal important était lancé au plus haut niveau. Le président algérien avait, dans son discours de Tunis, souligné «la détermination de l'Algérie à poursuivre les efforts visant la relance de l'Union du Maghreb arabe. Nous saluons, avait-il déclaré, les étapes franchies par la démocratie dans notre Grand Maghreb arabe, tout en étant convaincus qu'elles sont susceptibles d'ouvrir la voie devant la relance de l'édification de l'Union maghrébine. Nous sommes résolus à poursuivre les efforts de relance et de changement pour faire de notre région un espace de stabilité, de coopération et de prospérité». Signal important, renforcé par la déclaration de l'Emir du Qatar, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, qui entretient d'excellentes relations à la fois avec le Maroc et l'Algérie et qui faisait part, toujours à Tunis, de «la disposition de son pays à soutenir tous les efforts visant l'édification d'un Maghreb arabe uni». De son côté, le Président Marzouki, qui entreprendra début février une visite à Alger et à Rabat, souligne son «attachement à l'idée de relancer l'espace maghrébin», faisant part de la disponibilité de son pays à abriter un sommet maghrébin.

Pour jauger de l'importance de la visite de M. Othmani à Alger, il faut rappeler qu'il s'agit là de la première visite officielle à Alger d'un chef de la diplomatie marocaine depuis 1989, mais aussi la première visite officielle à l'étranger du nouveau chef de la diplomatie marocaine, ancien SG du PJD, qui s'entretiendra avec son homologue algérien Mourad Medelci et sera reçu par le président Abdelaziz Bouteflika. Dans le décryptage des signaux, il faut rappeler la déclaration du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, SG du PJD, qui avait appelé en décembre dernier à un rapprochement avec l'Algérie, pour transcender le problème du Sahara.

«Si nos différends avec l'Algérie sont réglés avec l'ouverture de la frontière, le problème du Sahara sera résolu. La fraternité avec l'Algérie résoudra tous les problèmes», avait-il déclaré en réponse aux déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères.
Mourad Medelci avait en effet déclaré « que les relations algéro-marocaines transcendent la conjoncture que traverse la région, soulignant que les deux pays se sont engagés dans une coopération plus large et qu'il était temps de se mettre à table pour parler sérieusement de l'Union du Maghreb arabe». Sur la question de «l'engagement des décideurs des deux pays pour la normalisation des relations et l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc», Medelci avait déclaré récemment à Moscou « espérer trouver des solutions à tous les problèmes avec le Maroc par étapes et en fonction de la situation et de notre volonté d'amorcer une relance solide et transparente dans l'intérêt des deux peuples et des deux pays». S'agissant de l'Union du Maghreb arabe (UMA), le chef de la diplomatie algérienne a affirmé que cette question a toujours été l'espoir de l'Algérie et de tous les Maghrébins sans exception, malgré la divergence des politiques économiques ou autres. Il a rappelé qu'»à titre d'exemple, l'Algérie a fonctionné pendant vingt ans avec un système centralisé où le secteur public avait un quasi-monopole des relations économiques et de la production alors que le Maroc était ouvert au libéralisme». «Les régimes étaient alors différents au plan politique, a ajouté le ministre, précisant qu'après certains changements et les évènements qu'ont connus les pays arabes, ces régimes se sont rapprochés petit à petit au plan politique et autour d'un projet clair». Il a affirmé dans ce contexte que la convergence aux plans économique et politique allait permettre d'aller de l'avant.

«Ce rêve que nous caressons depuis bien longtemps est aujourd'hui une nécessité...La fermeture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc, dit-il encore, n'a jamais été une décision irréversible et la réconciliation avec le Maroc sera consolidée avec le nouveau gouvernement marocain». A retenir, également, la déclaration du porte-parole du ministère des AE algérien annonçant dans un communiqué la visite de Saâd Othmani et soulignant que cette visite s'inscrit dans le cadre de «la dynamique constructive engagée par les deux pays à travers l'échange de visites ministérielles et la concertation pour raffermir les liens de fraternité et de coopération qui unissent les deux peuples frères». Selon Amar Belani, le porte-parole, outre les relations bilatérales, les deux ministres «examineront les voies et moyens susceptibles de relancer l'Union du Maghreb arabe en réorganisant certaines de ses institutions et de ses mécanismes en vue d'une meilleure efficacité. Les deux parties évoqueront également les questions régionales et internationales d'intérêt commun».

Au-delà du vocabulaire diplomatique, force donc est de constater un changement de posture qui s'explique en premier lieu par les changements intervenus dans la scène régionale qui font qu'aujourd'hui une page peut être tournée dans cette chaîne mémorielle, parfois douloureuse et porteuse de divisions, pour aller vers l'avenir et vers « ce rêve d'un Maghreb uni devenu …une nécessité ! » .
Lisez nos e-Papers