Comme une seule hirondelle ne fait pas le printemps, le voyage de Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, à Alger ne fera pas à lui seul la normalisation de la relation entre les deux pays. Le mal est profond et le contentieux est lourd. Les deux acteurs l’admettent. Cependant, il y a une seule chose sur laquelle un consensus rapide est possible, ou quasi réalisé, c’est que le statu quo bilatéral n’est plus tenable pour de multiples raisons, parfois fort opposées, internes ou externes.
L’effet du Printemps arabe, la pression de la communauté internationale, la résolution ferme des amis communs, la nouvelle configuration géopolitique maghrébine, le délitement sahélien, les intérêts objectifs des deux pays, etc. Tout concourt, aujourd’hui, à une révision des positions. Révision à petits pas, progressive, graduelle, digérable pour des estomacs fragiles, mais révision quand même.
M. El Khalfi est ministre de la Communication et non pas patron de la diplomatie marocaine. Il exprime par conséquent, selon l’angle précis de ses propres responsabilités, une position gouvernementale. Il contribue donc, et il ne sera apparemment pas le seul, au dégel des relations bilatérales en essayant de déminer le chemin qui pourra conduire à terme à un réel rapprochement entre les deux pays.
La voie est difficile et le chemin est étroit. Le volontarisme seul n’est pas un gage de réussite, sinon il confinerait à la naïveté s’il n’est pas décliné selon des objectifs stratégiques, tellement les dommages de la guerre froide algéro-marocaine sont considérables.
Une pause dans la guerre médiatique est-elle envisageable ? Rien n’est moins sûr.
Le défi pour le jeune ministre de la Communication marocain est d’obtenir un désarmement médiatique mutuel, concomitant et significatif, ce qui relève d’une gageure tellement les sillons de la haine sont profonds depuis au moins quatre décennies.
Ce n’est ni l’accord entre la MAP et l’APS qui pourra magiquement inverser les rapports. Ni la création du Forum algéro-marocain d’éditeurs et de journalistes qui pourra modifier les postures traditionnelles lourdes. Ni la coopération avancée entre les télévisions et médias publics ne pourra atténuer un divorce politique abyssal.
C’est un pari audacieux, ambitieux. Son seul mérite est d’exister. Et Mustapha El Khalfi a raison de tenter ce pari devant une opinion publique plus que sceptique et des observateurs politiques plus que dubitatifs. Si, par une grâce divine, le pieux ministre est payé en retour, les choses pourront alors aller assez vite, mais là aussi il ne faut pas rêver. La situation politique actuelle en Algérie surdétermine le rapprochement avec le Maroc. Pour des raisons de politique internationale, l‘effritement des positions traditionnelles et la disparition brutale de quelques alliés de taille. Pour des raisons liées au Printemps arabe, l’immobilisme politique se transformant rapidement en menace à court terme. Et pour des raisons liées à un impérieux re-partage du pouvoir, certaines positions de force à Alger ont été frappées d’obsolescence. Le statu quo n’est plus tenable en Algérie, y compris dans le rapport au voisin de l’Ouest. L’Est, en feu et en désordre, étant devenu une menace moins virtuelle, plus concrète et plus réelle. C’est dans ce contexte que le discours marocain semble habile et bien construit.
L’affaire du Sahara trouvera une issue dans le cadre des Nations unies. Nous avons sur la table un plan d’autonomie apprécié valablement par toute la communauté internationale comme une base pacifique de résolution du conflit. Les questions de la contrebande et de la drogue qui polluent les relations sont solubles, comme toutes les questions de sécurité, dans une coopération a maxima dans le cadre de rapports normalisés.
Enfin, la question de l’ouverture des frontières, sur laquelle la position du Maroc est connue de la manière la plus solennelle, relève en dernière instance d’une décision de souveraineté de la part de l’Algérie. C’est-à-dire, en clair, quand les « décideurs » algériens trouveront plus d’avantages, y compris sécuritaires, dans l’ouverture des frontières que dans leur fermeture, ils agiront.
