Ils jouent, ils se dépensent, ils explorent, ils expérimentent, ils ne tiennent pas en place, n’arrivent pas à se concentrer et font souvent du bruit. Chaque parent l’a au moins prononcé une fois dans sa vie : « Mon enfant est turbulent ! ». « J’ai 2 enfants en bas âge, une fille et un garçon. Ma fille est assez calme, mais mon fils a de l’énergie à revendre, il est intenable à la maison comme à l’école », témoigne Amina, mère de famille qui vit au quotidien avec un enfant turbulent. Un passage obligé dans la vie d’un parent, une étape essentielle dans la vie d’un enfant, car ce dernier a besoin de s’exprimer et de laisser libre cours à sa créativité. Ce qu’on appelle turbulence n’est-ce pas plutôt de l’énergie non canalisée et mal distribuée qu’une forme de violence ?
« Je pense qu’il faut savoir canaliser l’énergie d’un enfant au lieu de l’opprimer comme on a tendance à le faire avec des appels au « silence ! » à répétition et des « hchouma », explique Khadija, maîtresse dans une crèche à Casablanca. « C’est pour cela que nous avons autant d’enfants timides au Maroc, je pense », continue la même source.
Ainsi, un enfant turbulent a tellement d’énergie qu’il ne sait plus quoi en faire. Il s’agit bien pour ces enfants, d’une difficulté à contrôler leur comportement moteur et social, à réguler cette mobilité, cette agitation, face à l’environnement et aux exigences éducatives scolaires ou familiales. Ainsi, si la turbulence de l’enfant peut entraîner des troubles d’apprentissage et de conduite, il convient de réfléchir à des stratégies éducatives à développer au sein de la famille et à l’école, susceptibles d’aider l’enfant à contrôler ce comportement turbulent.
Turbulence ou hyperactivité ?
Un enfant turbulent n’est pas un enfant hyperactif. Au sens strict du terme, le trouble d’hyperactivité est un trouble neurologique provoqué par des anomalies du fonctionnement cérébral. Plus précisément, ce trouble s’appelle Trouble déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH). Certains enfants (ou adolescents) présentent soit un trouble de l’attention, soit celui d’hyperactivité ou encore les deux en même temps (ce sont les cas les plus fréquents : un enfant a du mal à se concentrer et bouge très souvent).
Depuis une quinzaine d’années, dès qu’un enfant bouge beaucoup, éprouve des difficultés à se concentrer ou réagit impulsivement, il est classé hyperactif. Ce n’est pas automatique puisqu’il faut impérativement avoir une confirmation neurologique qui devrait impérativement être diagnostiquée par des examens médicaux approfondis : électro-encéphalogramme, scanner cérébral, anamnèse approfondie, examen psychomoteur, examen des capacités intellectuelles, visuelles et auditives. Sur la base d’un dialogue entre la famille et le médecin, une médication adaptée sera parfois nécessaire. Nous devons donc absolument souligner la différence entre le trouble d’hyperactivité, d’origine neurologique ou génétique, et la turbulence ou l’agitation motrice issue d’un dysfonctionnement psychoaffectif de l’enfant et de son environnement. Dans le cas de turbulence ou agitation ayant une origine psychologique, la médication peut être inutile et surtout, on risque de passer à côté de la possibilité de travailler sur l’origine des symptômes grâce à un accompagnement psychologique adapté.
Un enfant turbulent ou agité peut aussi manifester, à des degrés divers, les mêmes comportements qu’un enfant ayant un trouble d’hyperactivité. La seule différence réside, peut-être, dans le fait que dans le premier cas il y a une origine psychologique
et dans le second, une origine neurologique.
Avis du spécialiste
Hjiej Houda, docteur
«L’agitation pathologique est constante dans
le temps»
Un enfant naît-il turbulent ou le
devient-il ?
La période de 3 à 6 ans est une phase cruciale dans le développement de l’enfant ; c’est la période pendant laquelle il intègre la notion d’interdits et apprend au fur et à mesure des interactions avec son environnement à s’ajuster, à tolérer la frustration et à accepter les règles. C’est aussi une phase où les manifestations anxieuses sont fréquentes et peuvent être à l’origine d’une certaine instabilité chez l’enfant. Donc il est normal que l’enfant après l’acquisition de la marche soit dans une exploration presque permanente de l’espace et donc souvent en mouvement, mais cette agitation va baisser au fur et à mesure que l’enfant investit d’autres sources de plaisir et de satisfactions pulsionnelles et qu’il intègre les règles de vie adaptées à son âge.
Le contrôle parental est-il bénéfique ou nocif pour son développement et son éducation ?
Le fait de poser des limites, de mettre en place des règles et d’aider l’enfant à les appliquer est très important à mettre en place dès que l’acquisition du «NON» par l’enfant; soit vers 18 mois. Ceci dit, il est important de différencier entre un enfant qui est agité par défaillance de l’environnement ou qui souffre d’un trouble structural des enfants, dont l’instabilité vient révéler une angoisse, un problème d’adaptation ou une quelconque autre souffrance.
Est-ce que la grande agitation des enfants en bas âge est passagère ou est-ce un trait de
caractère ?
L’agitation est un comportement qui varie du normal au pathologique en fonction de sa durée de son intensité et de l’impact qu’il a sur la vie de l’enfant et de la famille.
Quand l’agitation est constitutionnelle, donc pathologique ; elle est constante dans le temps et quelques soient le lieu ou les personnes présentes avec l’enfant ; elle envahit alors toutes les sphères de sa vie et a souvent un impact sur sa socialisation, sa scolarisation, notamment à travers les troubles attentionnels qui lui sont associés. L’agitation transitoire est généralement bénigne, sensible aux interventions de l’environnement. La reconnaissance de l’origine de l’agitation de l’enfant est importante afin de permettre aux parents de réagir de la façon la plus adéquate. On ne peut réagir de la même façon quand un enfant est agité à cause de son angoisse que quand on est face à un enfant qui a un problème de limite et qui a du mal à accepter les règles et les interdits.
