Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

«Assa, haut lieu de culture et de spiritualité fête son moussem»

Chaque année à l’occasion de la célébration de la naissance du Prophète, un Moussem rend hommage à Sidi Yazza Ou Ihda, fondateur de la zaouïa d’Assa. Spectacle de danse, de musique sacrée, marathon international sur la route de feu Rah Fdaili, un grand combattant et nationaliste, course automobile, et inauguration des points de lecture pour rappeler l’âge d’or de cette civilisation de lettrés et de poètes.

«Assa, haut lieu de culture et de spiritualité fête son moussem»
Ahmed Joumani.

Le Matin : Assa décrite comme étant « un des lieux prédestinés où les civilisations se sont succédé » (Oued Pigaudeau) est une petite ville par le nombre de ses habitants ( environ 16 000) située à 120 km de Guelmim, mais une grande ville par son influence spirituelle et culturelle. On, connaît son oasis, sa zaouïa et son ksar, on connaît moins les « Ayt Oussa ». Qui sont-ils ?
Ahmed Joumani : Les « Ayt Oussa », grands nomades chameliers du Maroc saharien. Ils détiennent une tradition d’importants éleveurs reconnus dans le pastoralisme saharien symbolisé par la place prépondérante accordée au dromadaire. La morphologie sociale du groupement «Ayt Oussa» est de type segmentaire, deux grands blocs constituent l’ossature de la tribu auxquels s’adossent les éléments sédentaires du Ksar d’Assa. Leur rayon traditionnel de nomadisation est très important. La direction des parcours est souvent sud (zone saharienne) et nord-est (le Bani et le Haut Draa), même si plusieurs tentes nomadisaient régulièrement dans des régions plus lointaines au Nord ou dans le grand sud-est.
Les déplacements obéissent à un principe de subdivision clanique calquée sur l’espace permettant de mieux contrôler leur territoire et de mieux gérer leurs rapports internes comme ceux avec leurs voisins (nomades et sédentaires). La cité d’Assa, avec sa population sédentaire, constitue la principale attache fixe dans l’immensité des territoires de parcours nomade, elle abrite la palmeraie et ses récoltes comme elle est le lieu, par excellence, de sacralité rayonnant par la centralité de la zaouïa et des lieux de sainteté qui émaillent la cité. Elle constitue pour cela une sorte de pôle d’attraction : « Moussem du Mouloud », marabouts, culture, etc.

Assa est connue par son Ksar d’Assa, vieux village fortifié que fonda Sidi Yazza Ou Ihda qui a commencé à unifier les tribus de la région pour former la tribu des « Ayt Oussa » de la confédération des « Tekna ».
Le ksar a été restauré par l’Agence pour la promotion économique et sociale des provinces du Sud.
C’est, en effet, l’un des plus grands ksours du Maroc, le ksar d’Assa est situé au sud-est du Royaume entre la ville de Guelmim et Tindouf que l’agence a sauvé des ravages de l’usure et du temps. Son emplacement est stratégique, sur la rive nord du Sahara atlantique au cœur de la trame des fameux itinéraires du commerce caravanier. Le ksar matérialise la symbiose, la complémentarité et la rencontre entre le nomadisme chamelier et le mode de vie sédentaire oasien. Perché sur un éperon rocheux surplombant la grande palmeraie à proximité de l’oued Assa, et s’ouvrant sur les zones de passage et de transhumance, le site détient une valeur historique et patrimoniale incontestable.
« Il faut aller 120 km au sud de Goulimine, écrit Odette de Puigaudeau que vous citez à travers les chaînes de l’Anti-Atlas et du “Bani”, pour retrouver un village maure typiquement saharien. Assa est un vieux ksar de pierres sombres, solitaire, d’aspects farouches, fondé au XIIIe siècle par le saint conquérant Sidi Yazza Ou Ihda; (…) elle garde une fière allure de citadelle par sa situation en haut d’une falaise verticale et par son unité avec les blocs de grès siluriens, brillants de patine rousse, qui la portent et dont elle est bâtie. », (Arts et coutumes des Maures). Incontestablement, ce ksar fut un centre spirituel ou pas moins de 370 marabouts ont été enterrés.

La célébration de la naissance du prophète, « Aid El Mawlid » donne lieu à un Moussem qui honore la cité d’Assa. Que fait-on pendant ce Moussem ?
La cité d’Assa est un haut lieu de mémoire du Maroc saharien. Sa charge symbolique s’est densifiée par l’existence de sanctuaires et de lieux de dévotion associant la sacralité des sites aux cultes des saints et à la généalogie des origines.
Le foisonnement des lieux de sainteté dans et autour du ksar accentue la valeur ancestrale de la cité d’Assa dont le nom évoque les saints fondateurs que les récits de la mémoire collective et l’hagiographie rappellent les faits et gestes et miracles exceptionnels.
Grande et prestigieuse zaouïa, mausolées, tombeaux de saints, cimetière et mosquée antiques font pulluler le sacré dans ce territoire et font jaillir une auréole de spiritualité sur cet espace qui fait drainer vers lui des visiteurs venant de tous les coins du Royaume et même de l’étranger en quête d’une «baraka» tant désirée.
Et c’est pendant l’Aid al Mawlid, jour de la commémoration de la nativité du Prophète que la ville d’Assa s’active et s’anime en organisant le grand Moussem du Mawlûd. Cette rencontre annuelle est l’occasion pour les «Ayt Oussa» de renouveler le lien sacré avec la zaouïa comme elle sert de moment de retrouvailles et d’échanges avec l’ensemble des tribus du Maroc saharien venant visiter et commercer durant le Moussem. Cette année, comme les autres années qui ont vu la participation des ministres MM. El Othamni, Laenser, Lyazghi, Mr Hajji a reçu Mr Ktiri Haut commissaire aux anciens combattants, Mme Seyda Hatice Isikli et Sana Sikli, les députés, Joumani Sidi Ahmed, Joumani Sidi Brahim, Driss Lachgar et son épouse, Mustapha Azzouri, Si Mohamed Naciri et son épouse, Eddah Mohammed Laghdaf, directeur de la chaîne régionale de Laayoune et bien d’autres invités de toute la région.
Pour le programme des Journées culturelles de musique sacrée à Assa, le groupe Meshk Ensemble était présent avec 5 musiciens et 3 derviches tourneurs il y avait les groupes de Madihine de salé, de Laayoune et de zaouïa cherkaouia. L’exhibition de la course de voitures a connu un grand succès. Il y avait des pilotes de voitures de course, le champion du Maroc Mehdi Bennani était présent, Villa Javier, José Ramon Aracil Brice, Aracil Laurent....Même chose pour la Course internationale sur la route Feu Rah Fdaili organisée par le directeur de la Course, Houcine Rah, qui a réuni une centaine d’athlètes du Maroc, d’Afrique et d’Europe et qui a été comme la 5e édition qui s’est tenue l’année dernière autour du thème «L’athlétisme au service du développement durable « un grand moment de sport.

Une des initiatives des plus intéressantes qui renoue avec le passé de la ville c’est l’inauguration de 3 espaces, les Points de lecture, inaugurés à Assa: de quoi s’agit il ?
Pendant ce dernier Moussem, l’Agence du Sud a installé trois espaces de lecture publique équitablement répartis sur le périmètre urbain de la ville. Intégrés désormais au réseau de lecture publique des provinces du Sud, ces points de lecture visent à mettre à la disposition des populations un service de proximité de qualité, en leur offrant des conditions d’accès réel au savoir. Ce réseau est structuré, comme vous le savez, en pôles pilotes (médiathèques) auxquels sont reliées des bibliothèques de quartiers que nous essayons de généraliser sur l’ensemble du territoire.Ces sites de lecture proposent des collections riches, diversifiées, sur de multiples supports, aux publics de tous les âges, sexes et catégories socioprofessionnelles. À Assa, comme dans les autres provinces et communes rurales, l’objectif majeur est de promouvoir le livre et faciliter l’accès à l’information. Et au-delà de leur vocation traditionnelle de mise à disposition de documents, ces structures sont également des espaces de vie culturelle qui invitent aux plaisirs de la découverte et de la connaissance. Nous profitons de l’existence d’une dynamique locale forte et portée par une jeunesse assoiffée de savoir pour consolider cette ambition.

«La culture saharienne, une brillante culture»

On connaît la fameuse bibliothèque de la Zaouïa de Tamaghout, mais combien d’autres zaouïas qui furent des réceptacles de la culture sont ignorées? Pourtant le Sahara comme l’écrit le regretté Attilio Gaudio avec qui j’avais sillonné à plusieurs reprises la région, connut son âge d’or aux XVIII et XIX siècles avec notamment Cheikh Mohammed Ould Salam auteur d’une œuvre mémorable du droit coutumier avec Emmahmed El Tolba, grand poète et grammairien avec Ould Habiballah, maître du recteur de l’Université d’El Karaouine de Fès et qui finit sa vie comme enseignant à l’Université du Caire, avec Cheikh Mohammed El Maani, un grand géographe qui à l’instar de Ibn Khaldoun écrivit un ouvrage de référence « Le livre des nomades », une grande encyclopédie descriptive des paysages, des mœurs des traditions des tribus du Sahara. On pourrait citer Ould Mohamed Ou MBareck spécialiste des lettres en hassani, CheikhMohamed El Maami, Mahmed Ould Tolba grand maître du Tiris …Ces penseurs furent à la fois des savants, des poètes des mystiques et des politiques, écrit l’auteur Attilio Gaudio qui consacra plusieurs ouvrages au Sahara et qui fut fasciné comme nous le fûmes, par cette brillante civilisation qui, force est de le constater, est méconnue par les jeunes et moins jeunes…
C’est dans ce sens qu’il faut rendre hommage au travail de publication de l’Agence du Sud qui a publié une pléiade d’ouvrages et de brochures destinés à faire connaître la culture, les us et coutumes du Sahara. On citera « le Maroc saharien » de Mohamed Faiz, « Azaouan » sur la musique hassani de Ahmed Aydoun, «L’oasis d’Asrir » d’Ahmed Joumani, des ouvrages sur la faune et la flore « Désert plein de vie » d’Emrich et Michel Parier, un ouvrage sur la « Mhalfa » de Claire Mitatre et Herve Negre, «Al khayma, la tente du désert » de Rahal Boubrik et Saad Tazi, les «Gravures rupestres de Smara» de Mme Khatib et « le Moussem de Tan-Tan ». Une importante documentation sur les villes, cultures et patrimoines a été publiée dans la collection « Histoire et sociétés du Sud marocain».

Lisez nos e-Papers