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«Il faut encourager les petits festivals pour qu’ils grandissent»

● Défini par son concepteur comme un festival qui fabrique, accompagne, produit et diffuse, Awaln’Art s’implique dans le développement culturel de la région d’Al Haouz.
● Retour avec Khalid Tamer sur le concept particulier de cet événement, qui n’a pas l’écho qu’il mérite au Maroc.

«Il faut encourager les petits festivals  pour qu’ils grandissent»
«Tous les spectacles qu’on a montés vont être vendus en France et aux Etats-Unis.»

Le Matin : Quel bilan faites-vous des éditions précédentes du festival Awaln’Art ?
Khalid Tamer : Aujourd’hui, Awaln’Art commence à être reconnu à l’international. Au niveau national, c’est un peu plus compliqué. Je crois qu’on ne comprend pas vraiment ce que c’est que ce festival. Awaln’Art défend les arts traditionnels marocains (halqa, acrobates...). Nous proposons un art populaire, mais contemporain et revisité. Aujourd’hui, je suis content parce qu’au niveau de la 6e édition, on commence à inscrire une esthétique marocaine aux arts contemporains dans l’espace public. Nous avons également effectué des formations et nous sommes en train de former la nouvelle génération d’artistes des places publiques. Aujourd’hui, vous avez à la fois les acrobates, les marionnettistes et les traceurs (les yamakazis). Tous partiront l’année prochaine en tournée, certains en Corée et d’autres aux USA. On peut donc dire que notre grand défi pendant les 6 ans du festival était de former des jeunes et de montrer les compagnies étrangères pour essayer d’écrire et de laisser des traces au Maroc. C’est ce qui m’importe le plus.

Qu’est-ce qui reste à faire dans ce festival ?
(Rire). Beaucoup de choses sont à faire. Il reste que le ministère de la Culture comprend tout le travail qu’on fait et qui consiste à accompagner la jeune création contemporaine dans l’espace public. On a besoin que les autorités locales prennent conscience de l’importance de ces enjeux. La jeune génération a soif d’apprendre et a envie d’aller plus loin, mais ne dispose pas d’infrastructures. Très souvent, on n’a pas d’endroit où recevoir les gens ni de lieu pour travailler. Et ça, c’est grave. Aujourd’hui, en 2012, ne pas avoir de lieu pour travailler n’est pas chose normale. Le nouveau gouverneur, que nous avons reçu pendant le festival et avec qui j’ai eu des contacts, doit absolument nous accompagner dans cette mission en nous offrant un lieu de création. C’est de cette manière qu’il va nous aider à bien faire ce que nous essayons de faire maladroitement à droite et à gauche. Il faut également signaler que le plasticien Mourabiti nous a beaucoup aidés. Il nous a accompagnés dans notre manière de travailler en nous ouvrant l’espace Al maqam, un lieu très intéressant pour nous. J’espère, aujourd’hui, qu’on soit forts dans la région du Haouz parce que c’est un festival dédié à cette région et non seulement à Marrakech. Il reste donc beaucoup à faire. Il faut que le ministère de tutelle prenne conscience de cela et qu’il s’intéresse à ce qui se passe dans les villages aux alentours de Marrakech.

Quelles sont vos sources de financement ?
Le festival est financé par projets. On essaie de trouver un partenaire pour chaque projet. L’ouverture et la clôture ont été entièrement financées par Jamel Debbouze. Quant aux autres projets, ils ont été financés qui par l’ambassade de France qui par des fondations dont aucune n’est marocaine. Nous ne recevons aucun soutien financier du Maroc, à part, depuis deux ou trois ans, la mairie qui nous aide au niveau des infrastructures. Je me dis, donc, que si d’ici deux ans, on ne trouve pas l’aide qu’il faut, je vais tout laisser tomber. Ce qui n’est pas un problème en soi puisque j’ai un autre métier. Mais je suis venu ici pour mettre des choses en place. Alors, je demande aux autorités locales de commencer à réfléchir à la manière dont ils peuvent aider les gens de la région. Quand on regarde le budget du festival qui est de 150 000 euros, on se dit que c’est un tout petit budget. Mais quand on voit tout le travail qu’on fait dans Marrakech et Al Haouz, c’est énorme. C’est à peu près 70 personnes qui travaillent durant le festival et une dizaine qui travaillent toute l’année.

Si vous aviez à vendre le concept du festival aux responsables, comment le résumeriez-vous ?
C’est très difficile de répondre à cette question. Pour ce qui est du concept, Awaln’Art est un festival populaire dans le sens noble du terme. Quand je vois le Crédit Agricole, qui a une fondation d’éducation populaire et qui est présent à Aït Ourir, mais qui n’accompagne pas ce genre de projet, je ne comprends rien à sa démarche. Beaucoup d’autres constitutions ont le même raisonnement. Il est malheureux de constater que le concept du festival marche plus à l’étranger. Déjà la ville d’Amien a repris Awaln’Art d’une autre manière. Son festival s’appelle «Confluences nomades». Il y a également le festival du Burkina Faso, qui est conçu de la même manière que le nôtre. Dakar, dont le maire est venu ici l’an dernier, a aussi créé le Fanal de Dakar que nous accompagnons. J’ai l’impression que le monde nous regarde, mais pas le Maroc. Mais ça a toujours été comme ça.
Nous, autres Marocains qui vivons à l’étranger, avons envie de revenir au pays. Nous avons besoin de l’aide des banques au même titre que les autres MRE pour partager notre savoir avec les autres. Ce n’est que de cette manière qu’on peut être plus performants que d’autres pays qui sont à la pointe de l’art contemporain. Aujourd’hui, il y a une telle énergie au Maroc qu’il ne faut pas négliger. Il faut encourager les petits festivals pour qu’ils grandissent.

Comment voyez-vous l’évolution de ce festival ?
Depuis 6 ans qu’il existe, nous constatons que le festival a connu une évolution magnifique. Cette année, on a commencé les premiers laboratoires de création auxquels ont participé des artistes d’Europe et d’Afrique et qui ont donné des stages à des jeunes de la région sur 3 périodes bien définies. A la fin, ils ont présenté un travail commun. C’est ce qui constitue la fierté de cet événement parce que, peut-être que demain, ce sera ça le festival. C’est de cette manière que nous allons créer notre propre économie. Tous les spectacles qu’on a montés vont être vendus en France et aux Etats-Unis. On en a déjà 3 qui sont vendus. Aujourd’hui, c’est ça l’avenir. Et c’est justement ce que j’avais expliqué au ministre de la Culture.
Je lui ai dit que ce qui m’intéresse, c’est qu’on soit exportateurs de notre art et qu’on ne soit pas toujours importateurs. Ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de festivals. Il y a un problème dans la balance. Et nous, on se bat pour changer les choses. A Awaln’Art, nous avons 20 programmateurs de Corée, du Moyen-Orient, d’Amérique, de France… Ils viennent regarder la nouvelle création contemporaine marocaine sur les places publiques. Le pari est à moitié gagné, mais il reste beaucoup à faire. La véritable évolution de ce festival, c’est d’arriver à vendre des projets marocains.

Un dernier mot ?
Nous avons besoin du relais presse pour pouvoir être médiatisés comme il faut. Awaln’Art est un festival de réflexion. J’espère qu’il y aura beaucoup de festivals de ce genre au Maroc.

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