Le Matin : Le cinéma indien va célébrer à partir de janvier son Centenaire d’existence. Quel constat portez-vous sur ce long voyage cinématographique ?
Prakash Jha : Nous sommes en ce moment arrivés à la meilleure période du cinéma indien. Notre industrie cinématographique vit, actuellement, son âge d’or, parce qu’il y a énormément de nouveaux réalisateurs qui sont différents des anciens et ont le pouvoir de faire voir leurs productions. Et ce à travers les nombreux multiplexes.
Vous faites des études de physiques, puis vous optez pour une école de peinture. Mais, tout est chamboulé
à un certain moment où vous assistez à un tournage de film. Que s’est-il passé au juste ?
Dès le début, je voulais faire quelque chose de différent. À l’époque, je me rappelle que j’aimais peindre. Je me suis, donc, orienté vers des études d’art à Bombay, en m’inscrivant dans une école. Mais, lorsque j’ai assisté au tournage du film «Dharma», j’ai été vraiment séduit par la réalisation. Je rentre alors au Film and Television Institute of India (FTII), à Pune en 1973. Et j’ai entamé ma carrière en réalisant des films documentaires.
Vous avez beaucoup travaillé sur le film documentaire. Qu’est-ce qui vous attire dans ce genre cinématographique ?
Je me suis aperçu que le documentaire est une manière de filmer les choses qui m’apprenaient la vie qui m’entoure ainsi le métier du cinéma. J’ai toujours été intéressé par la réalité, les choses concrètes de la vie. Par la suite, quand on regarde les films que j’ai faits, on se rend compte que c’est un point central de toute ma réflexion en tant que réalisateur. La plupart de mes films parlent de sujets ancrés dans la vie réelle, que ce soit la politique ou la vie de tous les jours. C’était un excellent moyen d’apprendre mon métier.
Vous avez, en général, travaillé sur des documentaires engagés politiquement. Quel était votre objectif en faisant cela ?
Ce qui m’intéresse c’est la direction dans laquelle la société se dirige ou change ou encore bouge. À un moment donné, l’Inde a commencé à accepter des rentrées d’argent qui venaient de l’étranger. Ce qui n’arrivait pas avant. C’était l’un des changements qui ont affecté le pays avec tout ce qui s’ensuit comme influence sur la société. Ce qui gouverne, c’était plutôt l’argent et les marchés. Les changements politiques, également, étaient très lisibles bien plus que l’idéologie d’un courant ou d’un autre. Je prends tous ces thèmes qui m’attirent, je les mets ensemble et je crée une histoire qui se greffe sur ces thèmes donnant naissance à mon film.
À un certain moment de votre carrière, vous laissez tomber les tournages et vous retournez dans votre région pour fonder deux associations. Quel en était vraiment le but ?
J’ai continué à faire des films à budgets très restreints jusqu’au moment où l’on ne pouvait plus faire de films avec les petites aides de l’État, du fait que les coûts des productions allaient en augmentant. J’ai décidé de prendre un peu de recul en repartant chez moi. Et là, j’ai monté ces deux associations, dont l’une servait à initier les jeunes à devenir réalisateurs. Ce qui était bénéfique pour eux, puisque la plupart de ces jeunes ont facilement trouvé du travail quand les choses ont changé en mieux.
Vous vous êtes présenté à deux reprises aux élections (2004 et 2009). Mais, vous perdiez à chaque fois. Quelles en sont les raisons, alors que vous êtes un cinéaste qui a une grande popularité ?
Vous savez, la politique est quelque chose de totalement différent du métier de réalisateur de film. Je n’ai jamais été intéressé par la politique. Mais, à un moment donné, j’avais envie d’essayer pour rentrer au parlement. Je me suis dit qu’avec mon expérience, ma vie et ce que je sais, je pensais que je pouvais changer des choses, ajouter d’autres, au niveau, par exemple, de la santé, de l’éducation, de l’enseignement. J’ai décidé de mettre, entre 50 et 60 ans, cette décennie de ma vie au service de mon pays. C’est vrai que la première fois c’était plus symbolique, mais la seconde fois j’ai été plus impliqué et j’étais proche de la réussite. Mais, en politique, on gagne ou on perd. Après cet échec, je suis retourné vers mes films où je prends un grand plaisir.
Êtes-vous satisfait de votre carrière cinématographique ? Ou bien avez-vous encore des rêves à réaliser ?
En fait, je ne suis jamais satisfait. J’ai l’impression que je ne fais que commencer, à chaque fois. Et pour vous donner un peu de mes projets, j’ai encore trois films qui sont sur le tuyau. Le premier, je vais commencer le tournage à la fin de janvier prochain, le second est prévu pour 2014 et le troisième pour 2015. Après cela, j’ai prévu de m’arrêter un peu pour me consacrer à d’autres loisirs, car j’ai envie de me remettre à la peinture, ou apprendre le piano ou encore recevoir des cours de pilotage. Ce sont des choses qui m’intéressent beaucoup. Mais, s’il y a des idées de films qui passent par ma tête, je n’hésiterais pas à les exploiter. Ce n’est pas compliqué, puisque je suis mon propre producteur.
Avez-vous une idée sur le cinéma marocain ?
C’est un cinéma que je ne connais pas assez. Mais, j’apprends de jour en jour sur les productions marocaines. J’ai feuilleté le catalogue du festival, j’ai pris connaissance des réalisateurs. Mais, le vrai choc pour moi quand j’arrive au Maroc est de me rendre compte de la popularité du cinéma indien chez les Marocains. Ils connaissent tout sur nous et nos productions. C’est impressionnant !
Votre impression sur ce séjour au Maroc...
Je suis très touché par cette invitation qui honore le cinéma indien et très touché par cet amour du peuple marocain. Face à cette appréciation, on se demande comment rembourser cette dette. C’est vraiment formidable et j’ai l’impression d’être chez moi. Je remercie le peuple marocain de nous avoir honorés de cette manière.
