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«Les établissements et entreprises publics pour une gouvernance responsable»

● Un Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance vient d’être officiellement lancé. La dynamique de réforme qu’il induit est exposée avec moult détails dans cet entretien exclusif que nous a accordé Samir Mohammed Tazi, directeur des Entreprises publiques et de la privatisation au ministère de l’Économie et des finances.

«Les établissements et entreprises publics  pour une gouvernance responsable»
Pour Samir Mohammed Tazi, le code met clairement l’accent sur le renforcement de l’éthique et de la transparence.

Le Matin : Qui est concerné par le Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance ?
Samir M. Tazi : Le Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance s’adresse à tous les Établissements et entreprises publics (EEP) qu’ils soient investis ou non d’une mission de service public, agissant dans des secteurs marchands ou non marchands. Évidemment, pour les Établissements publics non marchands, les bonnes pratiques recommandées à travers ce code constituent une source d’une meilleure gouvernance.
Il faut rappeler que ce Code a été élaboré, dans le cadre de la Commission nationale de gouvernance d’entreprise, par un groupe de travail, piloté par le ministère de l’Économie et des finances (Direction des entreprises publiques et de la privatisation), et impliquant de nombreux acteurs institutionnels et du secteur des Établissements et entreprises publics, notamment la Confédération générale des entreprises du Maroc, l’Instance centrale pour la prévention de la corruption, la Caisse de Dépôt et de Gestion, l’Institut marocain des administrateurs, la Société nationale des autoroutes du Maroc, l’OCP SA, le Holding d’aménagement Al Omrane, l’Office national des chemins de fer, l’Agence du bassin hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia, l’Office régional de mise en valeur agricole du Gharb, l’Université Mohammed V-Souissi, etc.

Cette approche participative dans l’élaboration de ce Code a également été renforcée par une consultation élargie auprès d’un ensemble de partenaires nationaux et internationaux. Ce code qui s’est ajouté à l’édifice nécessaire à la moralisation de la gestion des affaires publiques se base sur les meilleurs standards et référentiels nationaux et internationaux en matière de gouvernance des EEP.
Le code a fait l’objet d’une journée de lancement, le 21 mars 2012, présidée par le ministre de l’Économie et des finances et le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance, avec la participation du président de la Confédération générale des entreprises du Maroc, du président de l’Instance centrale pour la prévention de la corruption et du secrétaire général de Transparency Maroc ainsi que de nombreux dirigeants d’établissements et entreprises publics dont certains ont apporté des témoignages de la gouvernance au quotidien tels que l’ONCF, le Holding d’aménagement Al Omrane et l’Université Cadi Ayyad de Marrakech.

Avec pour donner une inflexion politique, une circulaire du chef du gouvernement ?
Tout à fait, M. Benkirane, chef du gouvernement, a adressé, le 19 mars 2012, une circulaire aux membres du gouvernement les invitant à veiller à généraliser et à mettre en œuvre le contenu de ce Code. La circulaire met l’accent sur la nécessité de la mise en place des plans d’amélioration de la gouvernance des EEP à soumettre aux organes de gouvernance qui doivent assurer le suivi de son implémentation.

A-t-on une idée précise du nombre des établissements publics et sociétés anonymes concernés ?
Le portefeuille public est composé de 240 établissements publics et de 42 sociétés anonymes à participation directe du trésor. Ces entités opèrent dans différents secteurs et nombreuses sont celles qui sont chargées de missions de service public et portent la préoccupation de proximité au niveau local et régional. Certains établissements et entreprises publics sont organisés en groupes publics détenant 476 filiales ou participations.

Dans votre intervention au cours du séminaire, vous avez parlé d’un processus de réforme continu engagé depuis des décennies pour améliorer la compétitivité des EEP. Ces réformes n’avaient-elles pas prévu la bonne gouvernance ?
La gouvernance d’entreprise est, par essence, une démarche de progrès continu qui implique d’asseoir une gestion transparente et responsable pour un développement durable et harmonieux. D’ailleurs, le Code qui vient d’être lancé se veut évolutif et sera révisé à échéances périodiques afin de tenir compte de l’expérience acquise et de l’évolution des meilleures pratiques. Effectivement, le secteur des EEP a fait l’objet d’actions permanentes de réforme dont les libéralisations sectorielles pour accompagner la dynamique économique et procéder à l’ouverture de secteurs monopolistiques (télécommunications, communication audiovisuelle, transport aérien, chemins de fer, ports et transport routier), les actions de restructuration et d’assainissement pour renforcer la viabilité économique et financière des Établissements et entreprises publics à travers des plans sociaux, ou des actions d’externalisation des Caisses internes de retraite et de redressement de la situation financière des entités concernées. Il a été procédé également à la transformation d’établissements publics en société anonyme pour rénover leur gouvernance et mieux les préparer à la concurrence. L’ensemble de ces actions de réformes expliquent les performances enregistrées par les établissements et entreprises publics qui, d’année en année, ont enregistré un accroissement remarquable de leur volume d’investissement et de leur valeur ajoutée consolidant ainsi leur rôle en tant qu’acteurs et accompagnateurs importants de la dynamique volontariste enclenchée par les pouvoirs publics pour moderniser l’économie nationale et renforcer sa compétitivité.

Dans leur intervention, les ministres M. Baraka et M. Boulif ont mis l’accent sur la transparence, la reddition des comptes, le contrôle qui fonde la démocratie économique. Un mot peut-être sur le contexte qui exige aujourd’hui cette bonne gouvernance ?
Nos ministres l’ont souligné, le Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance des Établissements et entreprises publics intervient dans un contexte marqué par l’adoption par le Maroc d’une nouvelle Constitution visant la consolidation de l’Etat de droit, la consécration des principes de séparation des pouvoirs, le renforcement de la bonne gouvernance et la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Cette Constitution érige la bonne gouvernance en un principe fondamental dans le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un Etat moderne.
La bonne gouvernance s’attache également aux principes de transparence, de responsabilité, de lutte contre la corruption, d’éthique et de reddition des comptes. La mise en place des bonnes pratiques de gouvernance des Établissements et entreprises publics figure également parmi les principaux objectifs du programme du gouvernement visant à renforcer l’efficacité de l’action publique, à assurer la transparence dans le processus décisionnel et à développer l’éthique par la moralisation et la lutte contre la corruption.

Quelles sont les vertus d’une bonne gouvernance ?
Le renforcement des principes et des bases de la bonne gouvernance favorise non seulement le développement des établissements et entreprises publics et le renforcement de leurs performances techniques et financières, mais également améliore leur image de marque et, partant, renforcent leur crédibilité vis-à-vis de leurs différents partenaires nationaux et internationaux, dont notamment les citoyens, les usagers de services publics, les opérateurs économiques, les bailleurs de fonds et les agences de notation. Par conséquent, et compte tenu du poids des établissements et entreprises publics dans l’économie nationale, l’amélioration de leur gouvernance contribuera fortement à la création des conditions à même de favoriser l’accélération du progrès économique et social. Le Code en question est établi, il faut le dire, sur la base des meilleurs standards internationaux et vise à asseoir les meilleures pratiques de gouvernance des établissements et entreprises publics et à ancrer les valeurs et les principes de transparence, de communication et de reddition des comptes.

Un mot peut-être sur la réforme du contrôle ?
Une étude a été lancée en vue de la réforme du dispositif de contrôle des établissements et entreprises publics conformément aux orientations gouvernementales. Cette réforme vise à répondre aux impératifs de la nouvelle Constitution en termes de corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, le renforcement de la transparence et la rationalisation de la gestion publique. Cette réforme tend, en s’appuyant sur les acquis, à renforcer l’efficacité du contrôle en l’orientant vers le suivi des performances, la prévention des risques et la préservation des ressources et patrimoines publics en plus de la régularité et de la conformité de gestion. Cette réforme permettra de généraliser les bonnes pratiques de bonne gouvernance et de transparence et de moduler le contrôle en fonction des spécificités de l’établissement en termes d’enjeux stratégiques, de poids économique, de risques et de qualité de gestion.

Quels sont les objectifs du Code de bonne gouvernance  (clarification, transparence) ?
Tout d’abord, il y a lieu de signaler que le Code vise un objectif général consistant à asseoir les meilleurs standards de gouvernance des Établissements et entreprises  publics, à promouvoir les valeurs et les pratiques de transparence et de communication ainsi qu’à ancrer une culture de reddition des comptes. Le Code recommande la contractualisation pluriannuelle des relations entre l’Etat et les établissements et entreprises publics permettant ainsi une clarification des fonctions et des missions et une définition de leurs engagements réciproques ainsi qu’une meilleure évolution des rôles de l’Etat en tant que stratège, contrôleur et actionnaire.  Ce Code insiste également sur le renforcement du rôle et des responsabilités de l’organe de gouvernance en permettant à ce dernier d’avoir les pouvoirs, les compétences et l’objectivité nécessaires pour assurer sa fonction de pilotage stratégique et de surveillance.

La responsabilité des managers a été mise en exergue avec, pourrait-on dire, l’obligation de résultat ?
Le rôle et les responsabilités du management ont été effectivement abordés par ledit Code, et ce, dans un souci de plus d’efficacité stratégique et d’efficience opérationnelle. À ce titre, trois instruments sont proposés pour affirmer ce rôle et ces responsabilités dans le respect du principe de reddition des comptes du dirigeant envers l’organe de gouvernance. Il s’agit de la lettre de mission à adresser aux dirigeants, des plans d’entreprise étayant la déclinaison de la vision et des orientations générales de l’entreprise publique et, enfin, de la mise en œuvre et du renforcement des dispositifs de gestion et de contrôle interne. De même, le Code insiste sur le traitement équitable de toutes les parties prenantes et la diffusion de chartes de déontologie. De même, il met l’accent sur le renforcement de l’éthique et de la transparence qui passe nécessairement par le respect des trois aspects : la diffusion régulière par les établissements et entreprises publics d’informations significatives (financières et non financières), la dématérialisation des procédures et l’application stricte des principes de passation des marchés et, enfin, l’élaboration et la diffusion de chartes d’éthique des organes de gouvernance qui permettront le partage de valeurs communes et la lutte contre la corruption.

On a parlé d’administrateurs indépendants, mais aussi de la présence de plus de femmes dans les conseils d’administration. M. Horani, président de la CGEM, a mis l’accent sur la formation des administrateurs. Comment rendre plus performants les conseils d’administration et les conseils de surveillance ?
Oui. Le Code recommande explicitement que « l’organe de gouvernance d’une entreprise publique doit avoir les pouvoirs, les compétences et l’objectivité nécessaires pour assurer sa fonction de pilotage, stratégique et de surveillance de la direction » et qu’il doit « agir en toute intégrité et être responsable de toutes les décisions qu’il prend ». Dans ce cadre, et outre les règles de bon fonctionnement de l’organe de gouvernance, le Code met l’accent sur des lignes de conduite visant la professionnalisation de la fonction de représentant de l’Etat dans les organes de gouvernance des établissements et entreprises publics à travers notamment la nomination, intuitu personae, du représentant de l’Etat sur la base de critères privilégiant la compétence professionnelle, notamment dans les domaines technique, économique et financier, ainsi que l’expertise en relation avec l’activité de l’organisme,  la coordination préalable entre les représentants de l’Etat au sein des organes de gouvernance des établissements et entreprises publics pour une prise de décision conforme aux intérêts de l’Etat actionnaire, l’introduction progressive de l’approche genre lors de la nomination de ses représentants au sein des organes de gouvernance des établissements et entreprises publics et bien sur la formation adéquate des membres de l’organe de gouvernance.

L’Institut marocain des administrateurs, et M. Baraka l’a souligné, est appelé à jouer un rôle de premier plan dans la formation des administrateurs siégeant dans les organes délibérants des établissements et entreprises publics dont ceux représentant l’Etat ainsi que des dirigeants de ces organismes. Les actions de formation menées par cet institut sont intéressantes également pour les parties prenantes pour une meilleure contribution à la diffusion et l’évolution des bonnes pratiques de gouvernance.

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