Selon une étude publiée récemment sur l’appartenance religieuse des Américains, l’Islam est la religion dont la progression est la plus rapide aux Etats-Unis. Ce que beaucoup d’Américains ignorent peut-être, c’est qu’à mesure que la communauté musulmane s’élargit, le rôle de ses responsables religieux évolue.
En ce qui concerne les communautés juives et chrétiennes, leurs chefs religieux – les rabbins et les prêtres – remplissent plusieurs rôles. Ils ont un rôle de dirigeant, d’organisateur et d’officiant. Contrairement aux rabbins et aux prêtres, les imams n’endossent pas un rôle d’accompagnement pastoral : ils ne rendent pas visite aux malades et aux personnes âgées, ils ne donnent pas de conseils et ne s’occupent pas de programmes pour les jeunes. Les responsables religieux de la communauté musulmane américaine sont généralement soit formés aux Etats-Unis, où ils se concentrent sur leurs études religieuses, soit dans des institutions traditionnelles à l’étranger. Dans un cas comme dans l’autre, l’accent n’est pas mis sur l’accompagnement pastoral. Les imams ne sont pas non plus formés à s’exprimer dans les médias et aux Etats-Unis, les mosquées ne servent généralement pas de centres communautaires au même titre que les églises ou les synagogues.
Mais aujourd’hui, la nature du leadership religieux au sein de la communauté musulmane américaine est en train de changer. Les imams s’occupent d’un éventail de choses très diverses et notamment d’accompagnement pastoral et s’occupent davantage des jeunes.
Comment expliquer ce changement ? Il est sans doute lié au fait que les imams sont de plus en plus souvent des personnes nées aux Etats-Unis. Nous ne disposons pas encore de statistiques précises, mais ce facteur est confirmé par plusieurs spécialistes de l’Islam en Amérique. Mais ce changement est principalement dû à une attention croissante aux besoins des fidèles et aussi au fait que deux tiers de ceux-ci sont nés aux Etats-Unis. Un grand nombre d’entre eux considèrent le rôle pastoral du chef religieux comme faisant partie intégrante de sa fonction. Les jeunes musulmans américains attendent du clergé qu’il soit engagé et présent sur le terrain ; et le clergé pour sa part tente de répondre à cette attente.
Les leaders religieux doivent être capables de parler dans la langue et comprendre la culture des personnes qu’ils représentent. Les imams américains ont affaire à la communauté musulmane la plus diverse du monde en terme de populations, les distinctions liées à l’ethnicité ou aux sous-groupes de l’Islam étant de moins en moins importantes dans la communauté musulmane américaine.
New York est un microcosme des changements positifs mentionnés. Khalid Latif et Khalil Abdur-Rashid, respectivement, aumôniers de l’Université de New York et de l’Université Columbia, mettent à disposition des fidèles des espaces ouverts à tous. Sunnites et chiites y prient côte à côte, formant un arc-en-ciel de races différentes.
Le cadre de l’université permet aussi aux imams de créer des programmes communautaires. Par exemple, un grand nombre d’universités organisent des «fast-a-thons», sortes d’épreuves de jeûne, se déroulant pendant le Ramadan, auxquelles les étudiants de tous milieux sont encouragés à participer, en versant notamment la somme équivalant à un repas à une association caritative. Khalid Latif et Khalil Abdur-Rashid représentent, à plusieurs égards, l’avenir du leadership musulman américain et son visage ; un leadership ouvert, intéressé aux membres de sa communauté et doté d’une formation lui permettant de remplir un large éventail de rôles.
Plus important encore : aujourd’hui, les imams travaillent avec d’autres personnes et collaborent avec des institutions. Dans le passé, les musulmans n’étaient souvent pas assez représentés dans les programmes communautaires locaux; désormais, ce n’est plus le cas. Les imams sont de plus en plus nombreux à apprendre à s’engager activement dans les communautés dans lesquelles ils vivent. Khalid Latif, par exemple, sert non seulement d’aumônier à l’Université de New York, mais aussi au sein du Département de police de la ville de New York. Encourager les imams à endosser un plus grand rôle dans la vie communautaire n’est qu’un aspect de la question. Ce qu’il faudrait – et c’est d’ailleurs, ce que l’on constate de plus en plus – c’est une collaboration de l’ensemble des acteurs de la communauté musulmane américaine. Figures religieuses, universitaires, militants et organisateurs forment ensemble l’élite émergente de la communauté musulmane américaine.
Reconnaître la nature diverse du leadership de cette communauté est dans l’intérêt de tout le monde : chacun fait ce qu’il sait faire, tout en collaborant avec d’autres personnes. Les imams musulmans américains apprennent pour leur part à accepter la diversité de leur rôle et sont en train de changer le visage de l’Islam en Amérique.
Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews)
www.commongroundnews.org
