Jouissant d’une reconnaissance amplement méritée, les œuvres de l’artiste-peintre Mohammed Lekleti sont exposées à la Matisse Art Gallery, jusqu’au 16 mai courant. Des toiles retraçant la vision «fantasmagorique» de cet artiste au talent indéniable. Ses travaux récents interrogent le corps dans sa diversité parcellaire. Des corps entremêlés, enchevêtrés, influencés par la mythologie. Fusion improbable du masculin et du féminin, association de chevaux cabrés et d’anges déchus, tensions et distorsions de la partie au détriment du tout, rythmique imprévue des points de vue, des raccourcis, des repentirs et du sens enfoui.
«De la fluidité ponctuelle, rose et bleue du subjectile, émergent la rigueur acérée du trait, la rigidité de structures austères, l’automatisme d’une graphie sensible affirmant clairement la suprématie de la ligne, du dessin sur le pictural, la prédominance du non fini par rapport à l’achevé, de l’instable par rapport au définitivement clos», peut-on lire du côté des organisateurs. L’espace ramassé de l’œuvre, collage dessiné d’un réel imaginaire, perturbe l’acquis de nos certitudes, l’ancrage ordinaire de nos repères spatio-temporels. La construction du tableau est un montage insolite de fragments de corps déstabilisés, de femmes culbutées, d’anges sur roulettes, de chaises électriques débranchées, d’anatomies incertaines, d’extase et de violence, de chaos et de rigueur, de mouvement et de dédoublement.
Et c’est à travers la fragilité des espaces ambigus que l’artiste révèle ses créations complexes : univers onirique décomposé/recomposé. Lekleti désarticule le monde et le reconstitue en associations nouvelles qui modifient notre perception. Par le dessin et les techniques mixtes, il analyse le mouvement des êtres et des choses en privilégiant l’instant prégnant pour mieux nous permettre de sonder l’invisible, ce que l’œil ne perçoit pas. Par la succession d’images dessinées et la multiplication des parties d’un réel reconstructible, il instaure quelque chose d’indéterminé qui génère une sorte de malaise diffus. Ainsi s’invite un monde imperceptible, inventé, rêvé, qui distille une «inquiétante étrangeté». Une vision artistique originale à découvrir.
