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Les grands chantiers économiques du Maroc moderne

Intervention donnée à l’occasion de la Semaine de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Hawaï par Driss Guerraoui, professeur à l’Université de Mohammed V-Agdal à Rabat, vice-président de l’Association internationale francophone d’intelligence économique, actuellement secrétaire général du Conseil économique, social et environnemental.

Les grands chantiers économiques du Maroc moderne
Driss Guerraoui.

Le Maroc connaît des transformations qualitatives notoires consécutivement aux changements institutionnels impulsés par la volonté politique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et par l’engagement de toutes les forces vives de la Nation à conduire le pays vers une ère nouvelle qui place le choix démocratique et le renforcement de l’État de droit comme fondements d’une modernisation généralisée de l’économie et de la société. Sur le plan économique, cette volonté politique a fait de l’édification d’une économie ouverte et du développement d’un système productif fondé sur de grands chantiers structurants s’appuyant sur les avantages comparatifs, compétitifs et stratégiques des différents secteurs d’activité du Maroc un de ses objectifs prioritaires.

L’objet de cette contribution est d’apporter un éclairage sur les fondements du processus actuel de modernisation économique du Maroc, présenter à grands traits les chantiers économiques majeurs et mettre en perspectives les défis futurs auxquels cette modernisation est appelée à répondre.
La stratégie marocaine de modernisation économique s’appuie sur trois piliers fondamentaux, à savoir des choix politiques favorisant l’émergence d’une nouvelle génération d’entreprises et d’entrepreneurs, réconciliant les citoyens avec leur histoire et renforçant la confiance des acteurs dans leurs institutions. Plusieurs moyens sont mis au service de ces choix politiques, je citerai tout d’abord la consécration par la Constitution des principes de liberté économique et d’initiative entrepreneuriale. J’évoquerai également l’affermissement de l’ouverture de l’économie marocaine sur son environnement international et la libéralisation de ses échanges extérieurs par l’adhésion précoce, dès 1994, à l’Organisation mondiale du commerce, organisation qui a vu le jour à Marrakech cette même année, ainsi que par la signature de nombreux accords de libre-échange, dont un avec les États-Unis d’Amérique.

Sur le plan interne, la création de l’Instance équité et réconciliation a permis de tourner la page des violations graves des Droits de l’homme dans le passé. Le rapport du cinquantenaire, qui est le produit d’une audace politique nationale jamais égalée dans l’histoire récente du Maroc, où l’intelligence collective du pays a permis d’élaborer un diagnostic sans équivoque de 50 années de développement humain, et ce, en mettant en perspective pour l’horizon 2025 deux scénarios : celui de la continuité qui mènera le Maroc à une impasse généralisée, au désordre et au cahot ; et celui choisi, scénario du changement, dit «du Maroc possible», c’est-à-dire celui de la réforme, de la modernité, de la démocratie, de la solidarité et de l’ouverture sur le monde et la civilisation universelle. C’est ce scénario qui se trouve à la base de la construction en cours de la stratégie de modernisation économique du Maroc et qui trouve une traduction sur le plan du droit économique.

Un droit économique moderne

L’existence de ce droit est en soi un garant de l’existence d’un cadre juridique fixant les droits et les obligations des partenaires économiques et sociaux, permettant la conclusion de conventions collectives, définissant les règles de l’arbitrage et de la gestion des conflits collectifs de travail et offrant les conditions de la modernisation des relations professionnelles au sein de l’entreprise. Cela n’a été rendu possible que grâce à des organisations et des associations professionnelles de plus en plus soucieuses des questions liées à la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, grâce à un système de protection sociale pour les salariés des secteurs privé et public assez développés, à l’existence d’instances de médiation favorisant l’éthique des affaires, la moralisation de la gouvernance économique, et l’élaboration de grands contrats sociaux conciliant compétitivité économique et cohésion sociale. Il s’agit notamment du Conseil économique, social et environnemental, de l’Instance centrale de prévention et de lutte contre la corruption et du Conseil de la concurrence.

Une vision géostratégique et géoéconomique nouvelle tournée vers l’avenir

Cette nouvelle vision a élargi les horizons géographiques des échanges du Maroc au sein du marché mondial, faisant que ces horizons ne se limitent plus à l’Europe, la Méditerranée, le monde arabe et l’Afrique, mais aussi et de plus en plus à la zone Amérique-Asie-Pacifique et à l’intérieur du monde arabe la zone regroupant les pays du Conseil de coopération du Golfe. Cette vision géoéconomique et géostratégique part du postulat selon lequel il conviendrait pour le Maroc et ses partenaires amis de promouvoir de nouvelles solidarités économiques qui prennent appui sur une valorisation mutuelle des accords de libre-échange qui les lient, comme c’est le cas avec les États-Unis d’Amérique, et ce, pour se positionner ensemble dans le système de l’économie mondiale, à travers le développement d’investissements joints et d’alliances stratégiques de différentes natures.

L’ensemble de ces fondements constitue les principes directeurs de la vision du Maroc de son futur économique et un substrat des grands chantiers de modernisation économique qu’il promeut. Il y a aujourd’hui au Maroc un projet réel de modernisation économique, piloté par un État moderne s’appuyant sur un système bancaire et financier bien structuré, fort, moderne, très intégré à l’international et porté par une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’entreprises, financières et non financières, en phase avec les grands choix stratégiques du Maroc du XXIe siècle.

Conformément à cette vision, la modernité économique doit consacrer le passage progressif d’une rationalité entrepreneuriale de nature rentière et spéculative portée par des groupes sociaux prospérant sous les effets multiples de la proximité avec le pouvoir politique central, des droits acquis, du clientélisme et des privilèges à une rationalité de plus en plus soumise à la logique de la concurrence loyale, du mérite, de la compétence, de l’innovation, de la prise de risque, de la responsabilité sociale et environnementale, du comportement économique citoyen et du respect du droit et des institutions.

Deux raisons font que cette rationalité a frayé un réel chemin. La première raison réside dans l’incapacité objective de l’État central aujourd’hui de tout contrôler, tout réguler, tout produire et tout échanger, et ce, dans un contexte national marqué par la raréfaction croissante des ressources sur un fond de pression continue des besoins dans tous les domaines stratégiques de la vie économique et sociale des citoyens (l’emploi, l’éducation, la santé, le logement, le transport, etc.). La deuxième raison réside dans la nouvelle donne du système de l’économie mondiale. En effet, ce système est de plus en plus marqué par l’ouverture des économies, la libéralisation des échanges, la mobilité exponentielle des capitaux et des flux financiers divers, la suprématie progressive du droit et des institutions dans les actes économiques, les impacts multiples produits par la profusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur les entreprises, et enfin la fin des droits acquis du fait de l’obsolescence rapide des savoirs, des savoir-faire, des technologies et des qualifications, imposée par une compétition féroce entre les entreprises, les nations et les grands groupements économiques régionaux.

Tous ces faits majeurs ouvrent la voie à tous ceux parmi nos concitoyens qui prennent des risques, qui innovent, qui créent et qui ont du génie.
Pour toutes ces raisons réunies, même si l’État central continue au Maroc à jouer un rôle d’acteur principal et de régulateur dans la vie économique, sociale, politique et culturelle, les acteurs économiques, les PME comme les grands groupes nationaux, commencent réellement à s’aménager des marges de plus en plus grandes d’action, de pouvoir et de décision sur la sphère économique nationale. Les alliances stratégiques internationales conclues par les grands groupes nationaux renforcent davantage ces marges d’action et de pouvoir des nouvelles générations d’entreprises et d’entrepreneurs. Ces réalités nouvelles fondamentales dans le Maroc d’aujourd’hui font que les grands chantiers économiques semblent bénéficier d’une mutation qualitative notoire. La conséquence la plus logique de ce phénomène inédit dans l’histoire récente du Maroc est l’émergence et le développement d’une élite économique en phase avec le grand projet de modernisation économique généralisée du pays.

Six chantiers économiques majeurs

1. Les nouveaux métiers mondiaux du Maroc qui font partie d’un pacte, dit Pacte national pour l’émergence industrielle. Il comprend les secteurs de l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile, le cuir et l’agroalimentaire. Pour tous ces secteurs et métiers, le Maroc entend devenir une plateforme régionale de choix non seulement en Afrique, mais dans le monde.

2. Les secteurs pour lesquels le Maroc dispose d’un avantage comparatif traditionnel : l’agriculture, la pêche, l’artisanat, le tourisme et l’industrie des phosphates. Pour tous ces secteurs, le pays dispose d’un plan fixant la stratégie, définissant les moyens pour sa réalisation, précisant l’horizon et la visibilité temporelle et les objectifs chiffrés datés à atteindre. Il s’agit ainsi du Plan Maroc vert pour l’agriculture, le Plan Halieutis pour la pêche, la Vision 2020 pour le tourisme, le Plan artisanat et la nouvelle politique de valorisation des phosphates.

3. Les secteurs stratégiques correspondant aux défis que le Maroc aura à affronter dans un avenir proche. Il s’agit des secteurs de l’énergie, de l’eau, des biotechnologies liées à la préservation et à la protection du patrimoine végétal et animal national, de la santé et des médicaments, des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications et de l’environnement avec ses multiples composantes (assainissement, traitement des déchets solides et liquides, lutte contre la désertification et la déforestation, la prévention et la gestion des risques et des catastrophes naturelles…).
Trois plans méritent d’être signalés à ce niveau :
- Le plan solaire ;
- La charte de l’environnement et du développement durable ;
- La stratégie nationale pour la société de l’information et de l’économie numérique.

4. Les secteurs de la banque, la finance, l’assurance et la bourse qui connaissent trois phénomènes majeurs :
- Une modernisation soutenue indispensable ;
- Une concentration-centralisation incontournable ;
-Et une internationalisation inéluctable.

5. Les grands chantiers d’infrastructures, notamment les plateformes industrielles intégrées, les routes, les autoroutes, les ports, les aéroports, les chemins de fer, la logistique de transport et les plateformes de logistique en général, le logement, l’électrification et l’adduction d’eau potable.

6. L’économie sociale et solidaire pour la promotion et le développement de l’entrepreneuriat social, notamment :
- Les activités génératrices de revenus dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain ;
- Les activités des associations et fondations de la microfinance ;
- Les activités des coopératives et des mutuelles.

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