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Le rap «made in Morocco»

● Bigg, H-Kayne, Muslim, Casa Crew, Fnaire ont marqué de leur empreinte la musique rap, même à l’échelle internationale.
● Une nouvelle génération marocaine se reconnaît dans ces groupes et souhaite ainsi faire entendre ses revendications.

Le rap «made in Morocco»
Fnaïr, un des groupes qui ont su marier rap et musique traditionnelle.

Et si le rap permettait de transmettre un message de respect, de partage et d’universalisme ? C’est la question que se sont posée plusieurs jeunes artistes marocains confrontés aux défis des temps modernes. Plusieurs festivals de musique, comme celui de Gnaoua d’Essaouira, Timitar d’Agadir, L’boulvard... ont d’ailleurs ouvert la voie aux sons de la musique rap. Une musique qui traduit la lutte, les craintes et les espoirs de toute une jeunesse.

Toutefois, certains artistes dans ce domaine tirent la sonnette d’alarme, dénonçant le manque d’implication des professionnels de la musique pour encourager ce style bien particulier. «Dernièrement, il y a un déclin du rap sur la scène musicale marocaine. On en voit de moins en moins dans les festivals et les autres manifestations», déplore Ottmane, membre du groupe H-Kayne. Il ajoute que le rap est une musique à part entière avec un fondement puriste, des bases bien définies et un message. En provenance des USA, cette manière de chanter a su «enchanter» des jeunes Marocains imitant la mode des rappeurs occidentaux. D’ailleurs, les racines du rap au Maroc peuvent être recherchées loin, dans les années 80, avec le groupe «Out-Life», originaire de Tanger. Semblable à celui d’autres pays, le rap marocain implique la parole immergée avec la poésie parlée, à côté d’un accompagnement musical. «La musique rap fait bel et bien partie du paysage culturel marocain», explique l’un des membres du groupe H-Kayne. «Nous avons un public très vaste, sans tranche d’âge défini. Des filles voilées, des parents et même des enfants de 11 ans et plus», a-t-il ajouté.

Cependant, pour plusieurs artistes dans ce domaine, il s’agit de relancer le débat sur la nécessité de mettre en place des moyens et des outils pour promouvoir cette musique au Maroc. «Depuis un certain temps, on remarque un déclin du rap et nous ne trouvons pas de raison pour expliquer cela. C’est un point d’interrogation qui trône comme une couronne au dessus de nos têtes», confie Ottmane, membre du groupe H-Kayne.

Une vision partagée par le musicologue Ahmed Aydoun qui décrit le rap comme un signe des temps modernes : «la jeunesse du Maroc intègre à grands pas les normes de la culture mondialisée. Bien qu’elle tienne à intégrer des éléments de la culture marocaine traditionnelle : des rythmes, des sons, des textes en arabe dialectal et en tamazight, sans parler des thématiques qui collent à la réalité urbaine», a-t-il indiqué, en insistant sur le fait que le rap est un style qui peut être apprécié pour son texte, son flow, sa musique d’accompagnement et son énergie. «La valeur de tout cela se décide dans la conjonction de ces éléments», conclut-il. Et c’est justement faute de moyens que la musique rap peine à trouver une place bien définie au sein de la scène musicale marocaine.

En attendant, de jeunes Marocains aux valeurs traditionnelles se tournent vers le rap comme un exutoire à leurs frustrations. Ils voient les paroles poétiques de cette musique comme un style original et expressif utilisé pour unir leurs concitoyens et exprimer leurs problèmes de manière suggestive, invitant le public à décrypter leurs messages.


Question à : Ahmed Aydoun, musicologue 

«Les rappeurs marocains ont été les pionniers dans la région arabe»

Comment voyez-vous l’évolution de la musique rap au Maroc ?
Je peux en parler, seulement, à travers le concours Génération Mawazine que je préside depuis 2006. Je remarque que, du point de vue quantitatif, 70% des candidatures et plus se réclament du rap. Néanmoins, très peu de qualité se dégage de ce nombre. Sur le plan professionnel, la mouvance rap/hip-hop au Maroc avait progressé au début de ce millénaire. Les groupes et les individualités de cette période continuent à occuper le devant de la scène. Ils ont eu le mérite d’ouvrir le chemin. Malheureusement, les vagues suivantes ont été confrontées à un style qui est saturé, la plupart d’entre eux se bornant à imiter leurs aînés. D’un autre côté, faute d’une vraie émulation, la créativité dans ce domaine est plutôt sporadique.

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