Cela fait près d’un demi-siècle que les notaires marocains réclament une loi qui les représente et crient à l’abrogation du Dahir de 1925 qui définissait les notaires comme des fonctionnaires publics français.
La loi 32-09 est, enfin, entrée en vigueur la dernière semaine du mois de novembre, mais cela ne semble pas satisfaire tout le monde pour autant. En effet, la loi est jugée par certains professionnels comme répressive, voire inapplicable. «Cette loi enlève toute crédibilité à l’institution du notariat. La profession est menacée. Nous nous attendions à une loi qui fait évoluer le Dahir de 1925 et nous nous retrouvons avec une loi qui massacre la profession et la fait reculer de plusieurs années», fustige Mohamed Alami, président délégué du Conseil national des notaires (CNN). Et d’ajouter : «Le formalisme mis en place par cette loi est très lourd, cela va impacter et retarder toute activité économique du pays. Il faut que cette loi soit réformée en urgence».
Autre disposition de la loi qui déplait aux notaires, c’est l’interdiction d’ouvrir un compte bancaire. Selon l’article 33, il est, en effet, interdit à tout notaire de conserver les sommes qu’il détient pour le compte d’autrui, à quelque titre que ce soit ; il est tenu de les déposer à la caisse de dépôt et de gestion dans un délai qui ne peut dépasser un mois à compter de leur réception.
«Les notaires casablancais sont dans l’impossibilité d’appliquer cet article, puisque l’agence CDG à Casablanca est toujours en travaux. Donc nous serons obligés de déposer notre argent à Rabat, ce qui n’est pas pratique», lance un notaire.
Toutefois, alors que le CNN crie au scandale, la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc (CNNMM) tente de temporiser. «Il est prématuré d’évoluer une loi qui vient d’entrer en vigueur, surtout nous somme aujourd’hui devant une nouvelle situation. La loi 32-09 implique beaucoup de changements que ce soit au niveau de l’organisation de la profession ou la rédaction des actes. Mais elle n’est pas impossible à appliquer. D’ailleurs, nous ne pouvons nous permettre de croiser les bras et critiquer. Nous devons travailler et essayer de nous adapter du mieux que nous pouvons», indique Amine Zniber, président de la Chambre régionale des notaires de Rabat et chef du département communication de la CNNMM.
En effet, à travers la loi 32-09, la profession de notaire bénéficie d’une réglementation qui se veut plus actuelle. En ce sens, les notaires qui étaient par le passé considéraient comme des officiers publics, sont désormais définis comme effectuant une profession libérale. «Le notariat est une profession libérale qui s’exerce conformément aux conditions et attributions prévues par la présente loi et par les textes particuliers», dispose l’article 1er de la loi.
Concernant la rédaction des actes, la loi prévoit dans son article 42 que : «Les actes et écritures sont rédigés en langue arabe sauf si les parties optent pour une autre langue. Les minutes, les exemplaires et les copies des actes sont établis de façon lisible et indélébile sur un papier offrant une garantie totale de conservation». «Il nous faudra du temps pour préparer des modèles en arabe, mais cela ne cause pas de problèmes», souligne M. Zniber. Autre nouveauté de la loi, l’obligation de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. Une disposition qui a pour avantage de permettre l’indemnisation du client en cas de négligence ou d’omission commise par le notaire, sauf que cette disposition devra attendre la publication au Bulletin officiel d’un décret d’application, tout comme celle traitant des honoraires des notaires ou de l’examen des clercs notaires. «Contrairement à ce que pensent certains, les décrets d’application n’ont rien à voir sur le dispositif légal de la loi, puisque seulement 9 articles sur 133 sont soumis à la voie réglementaire, malgré la portée importante que ces articles représentent pour l’organisation de la profession», explique Zniber.
Par ailleurs, la Chambre affirme qu’une série de rencontres ont été organisées depuis octobre dernier pour discuter des principales difficultés de la loi. «La réunion névralgique a eu lieu le 26 novembre dernier, durant laquelle le ministre de la Justice et des Libertés a assisté en personne pour mettre au clair quelques-unes de nos interrogations. Et le moins que l’on puisse dire, est qu’il a été très décisif et coopératif», indique le président de la CNNMM.
Les principales interrogations consistent, par exemple, en l’article 46 relatif aux documents annexés. «Sont annexés à l’acte les documents ayant servi au notaire pour son établissement. Ces documents portent une mention indiquant cette annexion et sont émargés par les signatures du notaire et des parties le cas échéant». «Le ministre a clairement expliqué que seuls les documents qui ont un impact direct sur le contrat doivent être annexés», précise Zniber.
