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Hay Mohammadi, un haut lieu de mémoire

● Le quartier a accueilli les premiers bidonvilles casablancais et le commissariat de Derb Moulay Cherif et souffre aujourd’hui d’une mauvaise réputation.
● Hay Mohammadi a toutefois été un véritable laboratoire architectural et a vu naître des gens illustres autant dans la résistance que dans le domaine culturel et musical.

Hay Mohammadi, un haut lieu de mémoire
Hay Mohammadi souffre aujourd’hui d’une mauvaise réputation alors qu’il a été un foyer de résistance et de culture.

Connu sous le nom de «L’hay», hay Mohammadi est actuellement une banlieue mal perçue par la majorité des Casablancais. «Ce quartier est rempli de jeunes talents et de personnes cultivées. Néanmoins, il est victime des dealers de la drogue et des bandes de malfrats qui salissent son image», nous confie Saïd, membre d’une association locale. Ce natif du Hay Mohammadi lutte avec d’autres jeunes pour rendre à son quartier son charme d’antan et, surtout, pour en faire un havre de culture et d’épanouissement pour ses habitants. «Ouled l’Hay étaient presque tous des résistants. Ils n’ont rien à voir avec l’image dont ils sont perçus actuellement», ajoute un autre militant civil.

En effet, ce quartier populaire est un véritable lieu historique de la capitale économique. Il est considéré comme le centre de la résistance marocaine sous le protectorat français et un exceptionnel vivier de talents. Hay Mohammadi a contribué à façonner le paysage historique, culturel, social et politique de Casablanca. Foyer d’avant-garde artistique, il a vu naître de grands noms du sport, de la musique et du cinéma. Hay Mohammadi est aussi un réel laboratoire architectural, selon l’association Casamémoire.
Situé au nord-est de Casablanca, le quartier est tristement célèbre pour avoir accueilli les premiers bidonvilles casablancais et pour avoir abrité le commissariat de Derb Moulay Cherif. «Malheureusement méconnu, ce quartier populaire et industriel regorge pourtant d’une incroyable richesse patrimoniale. À l’abri des regards, la vie des habitants se tisse autour d’espaces de vie et de bâtiments historiques qui permettent de retracer l’histoire de Casablanca», indique Casamémoire. En effet, des étudiants en architecture viennent de différents pays pour découvrir le riche patrimoine architectural de L’hay.

Les Carrières centrales

Parmi les lieux célèbres du Hay Mohammadi, on cite les Carrières centrales, un important centre de la résistance marocaine. Feu S.M.
Mohammed V a rendu hommage à la loyauté de ses habitants en choisissant le quartier pour effectuer sa première visite à son retour d’exil. À cette occasion, il a inauguré la mosquée «Jamâa el malik» et a donné au quartier le nom de Hay Mohammadi. Les Carrières centrales regroupaient, dès les années 1920, les ouvriers chargés de la construction de la centrale thermique des Roches noires qui y ont construit des baraques. Les Carrières centrales deviennent en l’espace de quelques années la plus grande concentration d’habitat insalubre.

Réforme de la politique urbaine

Après la Seconde Guerre mondiale, le Résident général, Eirik Labonne, fait appel à l’architecte-urbaniste Michel Ecochard pour réformer la politique urbaine de Casablanca et résoudre la crise du logement qui touche la ville. En 1951, il préconise la création d’une unité de voisinage et d’une trame d’habitation qui mesure 8 mètres de côté, permettant de construire des logements de 64 m avec deux pièces. Ce ratio permet de loger 350 habitants à l’hectare. En 1949, le service de l’habitat achète 100 hectares afin de reloger la population du bidonville des Carrières centrales qui abritaient alors plus de 30 000 personnes. Dès 1954, un an après l’installation des premiers occupants, certains patios ont été recouverts, privant les pièces d’air et de lumière. Les maisons ont commencé à être surélevées afin de sous-louer des chambres. Ce phénomène banal s’est aggravé du fait que les impasses ne mesuraient que deux mètres de large. Ainsi, le souci d’hygiène, primordial dans ces logements, a été rapidement bafoué.
Au milieu de la nappe de maisons à patio des Carrières centrales, «ATBAT-Afrique» (Atelier des bâtisseurs) construit trois immeubles collectifs. L’architecte français Michel Ecochard suggère alors de jouer sur la superposition verticale de la trame 8x8 mètres. Si la petite tour, conçue par l’architecte Bodiansky, n’a rien de remarquable, les deux autres bâtiments explorent deux modes de composition qui visent à en faire des «immeubles-types» reproductibles.

Les cités ouvrières

«En marge de l’action publique, peu efficace, les programmes patronaux d’habitation ouvrière ne cessent de s’élargir. Des entreprises prennent l’initiative de bâtir pour leur personnel des petits ensembles éloignés du centre», indique l’association Casamémoire. Au début des années 1940, Edmond Brion réalise la cité Socica (Société chérifienne de la Cité ouvrière de Casablanca). Ce projet réalisé en collaboration inédite entre le secteur privé, la ville et la municipalité avait pour objectif de recevoir 10 000 ouvriers du quartier industriel encore logés dans des paillotes et des baraques et de lutter contre la prolifération de «derbs» lamentables qui s’implantaient anarchiquement dans des terrains de la zone industrielle. Cependant, la Seconde Guerre mondiale provoque une pénurie de fonds et de matières premières, ce qui ralentit considérablement les travaux. Bien que la Cité n’ait jamais abouti, par rapport au programme initial, c’est aujourd’hui un petit quartier cohérent avec son propre fonctionnement. Depuis peu, certains habitants ont acquis leur logement.

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