Menu
Search
Vendredi 10 Mai 2024
S'abonner
close
Vendredi 10 Mai 2024
Menu
Search
Accueil next Michael Hoey et Karen Lunn sur le podium

Le débat sur les OGM relancé

Les grands sujets qui préoccupent les sociétés doivent être tranchés par des institutions indépendantes.

Le débat sur les OGM relancé
Le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime s’est précipité pour rassurer l’opinion publique nationale sur l’absence d’OGM dans les produits de consommation.

Les photos des tumeurs grosses comme des balles de ping-pong sur des rats nourris au maïs transgénique, révélées dernièrement par l’étude, réalisée par l’équipe Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen, ont marqué les esprits. Cette étude a également relancé le débat sur les Organismes génétiquement modifiés (OGM).
L’onde de ce choc émotionnel n’a pas tardé à traverser nos frontières. Pour rassurer les Marocains, choqués par des images de ces rats atteints de cancers, le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime s’est précipité pour rassurer l’opinion publique nationale sur l’absence d’OGM dans les produits de consommation. 

«Au Maroc et en application du principe de précaution, les aliments transgéniques sont interdits à la consommation humaine. Aucune présence d’OGM n’est admise dans les produits importés destinés à la consommation humaine, ils sont absents dans la production agricole nationale et également dans tous les intrants utilisés dans les cultures agricoles marocaines (semences, etc.)», a indiqué le ministère de l’Agriculture. Et d’ajouter : «La pratique et les législations à travers le monde admettent leur présence dans certains aliments destinés à l’alimentation animale. Il est à préciser que les variétés de maïs transgénique ciblées par l’étude française ne sont pas autorisées au Maroc même pour des fins d’alimentation animale». Dans cette affaire, il est important de faire deux principales remarques.

La première, c’est qu’il ne faut surtout pas profiter de ce débat pour faire l’amalgame et condamner définitivement les OGM. Ces derniers sont utiles à la fabrication de médicaments par exemple l’insuline. Mais quand il s’agit de l’alimentation destinée à l’homme, pour le moment, les effets ne sont pas connus pour garantir la santé des consommateurs et il ne faut donc pas prendre le risque de les utiliser.
À ce stade, il faut imposer le principe de précaution. La deuxième remarque, c’est que le communiqué du ministère de l’Agriculture au lieu qu’il émane d’un organisme indépendant qui statue sur des questions de biosécurité, il provient d’une administration qui s’est érigée en même temps comme juge et partie.
Selon le Protocole de Carthage sur la biosécurité, les pays l’ayant signé et ratifié comme le Maroc devront mettre en place une instance représentative, composée de différents acteurs (ministères, société civile, scientifiques, etc.) pour statuer indépendamment sur les grandes questions de société. «Le débat sur les OGM devra être tranché par un comité indépendant», a précisé Mohammed Saghi, professeur universitaire à l’Université Mohammed V - Agdal à Rabat. À l’avenir, le marché des semences sera dominé par de grandes multinationales des OGM, telles que Mansonto, qui est en train de breveter des semences.

Pour ne pas être dépassé dans ce domaine, le Maroc devra développer sa recherche dans le domaine des biotechnologies pour assurer sa sécurité alimentaire en produisant des semences locales de qualité et adaptées à la sécheresse.
Aujourd’hui, les enjeux des OGM sur l’environnement dépassent les frontières. Par exemple, le Maroc n’est pas à l’abri du pollen du maïs transgénique cultivé en Espagne. Personne ne peut l’arrêter, cela ressemble à la pollution de l’air qui se déplace partout au gré des vents.
OGM, pollution et autres questions sont devenus des problèmes transfrontaliers et c’est pour cette raison qu’ils sont débattus lors de conférences internationales : biodiversité, climat, etc.


Questions à : Zoubida Charrouf, présidente de Slow Food au Maroc

«Les agriculteurs ont toujours su améliorer leurs semences»

Les OGM représentent-ils un danger pour les produits du terroir ? Si oui, comment ?
Les produits OGM n’ont pas de liens historiques ou culturels avec un territoire. Le Maroc est en train de promouvoir la variété des produits locaux et leur identité, l’introduction de produits anonymes et sans histoire affaiblirait un système qui a également des liens étroits avec l’industrie du tourisme. Par ailleurs, les produits OGM ne pourront rester confinés à la surface du champ dans lequel ils seront cultivés. Les exploitations étant de petites dimensions et les barrières naturelles adéquates, qui protégeraient les cultures biologiques ou conventionnelles, font défaut. D’où une contamination par les cultures OGM dans les champs. Cette diffusion, même limitée, changerait à jamais la qualité et l’état actuel de notre agriculture, nous priverait de notre liberté de choisir ce que nous mangeons.

Les grandes multinationales des OGM s’attaquent aussi au brevetage des semences. Comment défendre les variétés locales ?
Le rôle d’une agriculture à petite échelle dans la protection des territoires, la défense du paysage et la lutte contre le réchauffement climatique est de plus en plus évident pour les consommateurs, les gouvernements et les scientifiques. Les multinationales promettent que les OGM vont nourrir le monde. Mais depuis qu’ils ont commencé à être commercialisés, il y a environ quinze ans, le nombre de personnes affamées dans le monde n’a fait que croître, tout comme les bénéfices de Monsanto. Les agriculteurs ont toujours su comment améliorer et sélectionner leurs propres semences. Ils ont tout un savoir-faire qu’il faut préserver. Les semences OGM, au contraire, sont détenues par des multinationales auxquelles l’agriculteur doit s’adresser chaque nouvelle saison et il lui est interdit d’essayer d’améliorer la variété sans payer d’importantes redevances.

Le brevetage des semences ne représente-t-il pas une menace pour la sécurité alimentaire des pays ?
La souveraineté alimentaire des communautés est mise en péril par le contrôle qu’exercent sur le marché des semences les multinationales qui brevètent et produisent les semences OGM, ainsi que par le risque élevé de contamination entre OGM et cultures traditionnelles. Pour défendre les variétés locales, il y a tout un travail de sensibilisation au niveau des consommateurs pour combattre les OGM. Cela pourrait se faire en parallèle avec la mise en place d’une réglementation sur l’étiquetage qui permettra aux consommateurs de choisir en toute liberté leurs aliments.

Lisez nos e-Papers