Menu
Search
Vendredi 26 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 26 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

Comment renforcer le rôle du rail dans la chaîne logistique globale ?

● «D’ici 2040, les investissements mondiaux dans le secteur du transport seront de l’ordre de 10 000 milliards de dollars, dont 50% pour les chemins de fer ! 5 000 milliards de dollars vont être investis dans le système ferroviaire : fret, voyageurs et grande vitesse. La grande vitesse captera 1 200 milliards de dollars ! Le Maroc peut être fier d’être dans cette dynamique pour les prochaines décennies.»
● Déclaration de Jean-Pierre Loubinoux, DG de l’Union internationale des chemins de fer à Tanger

Après New Delhi et Saint-Pétersbourg, le Congrès mondial sur le fret ferroviaire qui s’est tenu à Tanger du 17 au 19 octobre fera date avec «la déclaration de Tanger» qui clôt cette rencontre internationale.
Le choix de la ville du Détroit, dont le développement est tiré par le port de Tanger Med – qui dispose aujourd’hui de 3 millions de conteneurs avec, à l‘horizon 2015, quelque 9 millions de conteneurs –, riche en plateformes logistiques, est déjà tout un symbole, la ville ayant déjà accueilli plusieurs conférences et salons de logistique.

Ce congrès fera date également par l’annonce faite par le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres, Lahcen Daoudi, qui a fait état de la création d’une université spécialisée dans les métiers de la logistique, «afin de répondre à la demande accrue en cadres, induite par le développement des projets logistiques mis en place au Maroc». Ce projet sera réalisé en partenariat avec l’Université de Valenciennes et le groupe Alstom, en vue d’accompagner le développement de ce secteur dont les besoins en ressources humaines sont estimés à quelque 60 000 cadres et techniciens.

Si le Maroc a développé de façon significative ses infrastructures maritimes aéroportuaires ferroviaires et routières qui, avec le projet de lignes à grande vitesse, seront connectées aux corridors logistiques internationaux, un retard a cependant été pris dans la mise à niveau des acteurs privés et publics dans le secteur de la logistique.

Les besoins des opérateurs logistiques de rang mondial, tels que Maersk Logistics, Geodis, Graveleau et DHL, qui se sont installés dans la région n’ont pas toujours eu de réponses et le déficit en cadres, ingénieurs et opérateurs de base (magasiniers, caristes, palettises, etc.) s’est fait sentir lourdement. L’optimisation, la planification et l’organisation des flux de marchandises et donc la compétitivité du secteur tout entier s’en ressentent. C’est dire que l’annonce de M. Daoudi a été applaudie, particulièrement par les représentants des pays africains intéressés par cette formation.

Quel développement du fret en Afrique ?

Les perspectives de développement du fret ferroviaire en Afrique, très peu dense pour le moment, pourraient en effet être décuplées selon le directeur de l’UCI, Jean-Pierre Loubinoux, grâce «à l’essor des mécanismes de logistique multimodaux axés sur la complémentarité entre transports ferroviaire, routier et maritime, dans une optique d’interopérabilité à la fois entre les pays et régions et entre les modes logistiques et les besoins en cadres et main-d’œuvre seront importants».
L’actuelle conjoncture de crise financière mondiale ne doit pas masquer les perspectives positives de croissance du secteur à long terme, a-t-il souligné, précisant que le trafic de fret ferroviaire devrait progresser de 8 fois à l’horizon 2050.

Les perspectives de croissance sont particulièrement palpables en Afrique qui ne pèse actuellement que par 2% du volume du fret mondial, a-t-il ajouté. Pour M. Khlie, DG de l’ONCF et président de l’UIC-Afrique, une étude de vision horizon 2025 Afrique a été initiée et traduite en stratégie et plan d’action, formation, investissement.. qui seront portés par les compagnies de chemin de fer africaines. «Nous sommes dans une phase de déploiement sous-régional qui fera, pour ses besoins en investissement, l’objet de présentation à l’Union africaine.

Bien positionné dans la chaîne logistique mondiale, le secteur du rail représente une opportunité en termes de coût, d’environnement et de partenariat pour une Afrique qui dispose de potentiels des plus intéressants».
L’exemple du Maroc avec le détroit de Gibraltar, appelé, comme l’a souligné Mohamed Rabie Khlie, à être la référence de la logistique internationale, est probant.

Il a rappelé les grandes lignes de la Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique présentée devant le Souverain, qui prévoit la création de 70 zones logistiques, totalisant 3 300 ha, au niveau de 17 villes, avec pour objectifs à l’horizon 2015 de baisser les coûts logistiques par rapport au PIB de 20% actuellement à 15%, de soutenir la croissance économique et de réduire de 35% les émissions de CO2.

L’ONCF a déjà commencé à transporter des conteneurs de Tanger Med vers Casablanca, en partenariat avec des compagnies maritimes qui se déploient vers l’Asie, l’Amérique du Nord, l’Afrique…
Un contrat 2014-2024 est également en préparation entre l’OCP, qui double sa production de phosphates, passant de 30 à 60 millions de tonnes, et l’ONCF qui va continuer à transporter des phosphates parallèlement au pipeline.
Mais si le cap est fixé, avec l’ONCF comme un opérateur de référence, il reste à se donner les moyens de son ambition.

Ces moyens passent par un investissement conséquent dans les innovations technologiques, notamment dans le système logistique ferroviaire, par un investissement dans la formation de la jeune génération de cheminots internationaux aux nombreux métiers du ferroviaire et de la logistique, l’investissement dans le développement de grands corridors ferroviaires inter-régions ou inter-continents permettant un meilleur équilibre des modes de transport.

L’interopérabilité entre les différents modes de transport serait ainsi améliorée «en réussissant la compatibilité technique entre les différents systèmes ferroviaires nationaux et régionaux, la simplification des procédures et la recherche d’une complémentarité partenariale entre les différents acteurs d’une chaîne logistique intégrée au service du client». Une agence sera bientôt créée pour piloter et donner de la cohérence à la stratégie de la logistique nationale.


Trois questions à : Jean-Pierre Loubinoux, directeur général de l’Union internationale des chemins de fer

«Des perspectives de croissance impressionnantes pour le secteur mondial des transports»

Vous êtes directeur général de l’Union internationale des chemins de fer. Pourriez-vous présenter cette Association ?
L’UIC, créée en 1922, siège à Paris et regroupe 200 membres du monde entier, dont une centaine d’Europe à cause du poids historique des chemins de fer européens. Nous avons des opérateurs, des gestionnaires d’infrastructures, des chercheurs du monde entier, des secrétariats d’État aux transports qui rejoignent l’UIC pour participer aux échanges d’expériences.
Les valeurs de l’UIC c’est «Unité, universalité et solidarité» qui rappellent que les chemins de fer sont un moyen d’accompagner la mobilité des biens et des personnes qui se fait à l’échelle mondiale. À Tanger, nous avons beaucoup parlé des grands corridors internationaux, car le premier souci de l’UIC c’est toujours l’interopérabilité.
En 1922, il fallait reconstruire les infrastructures détruites par le premier conflit mondial de manière à ce que les échanges puissent se faire de manière interopérable avec des systèmes compatibles les uns avec les autres.
Cette question d’«interopérabilité entre pays, régions et continents grâce aux chemins de fer» porte toujours le développement mondial de l’UIC. Nous sommes aujourd’hui dans une démarche qui se veut interopérable entre les modes. Nous sommes passés d’une démarche de concurrence du XXe siècle à une démarche de complémentarité du XXIe siècle pour mieux tirer profit de moyens limités sur un marché mondial.
Chacun apporte sa bonne dimension, le fret ferroviaire étant un mode capacitaire performant sur les longues distances, sur les gros volumes, la route est nécessaire pour faire le ramassage à distribution ou pour les zones d’appoint...
Tout cela passe par des articulations avec des hubs logistiques. Ce message de complémentarité partenariale positif entre les modes par rapport à une concurrence libérale a évolué. Nous en sommes, nous UIC, un peu «responsables», car la crise nous a aidés à voir plus clair pour optimiser nos moyens.

Après New Delhi en 2007, puis Saint-Pétersbourg en 2010, l’UIC se réunit pour son troisième Congrès mondial, en Afrique, à Tanger. C’est une première rencontre en terre d’Afrique ?
Après l’Asie et la Russie, au confluent de l’Europe et de l’Asie, c’est avec un très grand plaisir que nous nous sommes retrouvés pour cette troisième édition de notre Congrès mondial au Royaume du Maroc, au Nord de l’Afrique, mais aussi aux portes de l’Europe, du Moyen-Orient et, un peu plus loin, de l’Asie.
Les Congrès mondiaux du fret ferroviaire, les GRFC, ont en effet pour vocation de se tenir dans des régions du monde où existent de véritables perspectives pour le fret ferroviaire et pour les services logistiques intégrant le rail et les autres acteurs de transport. Le nord du Maroc et la ville de Tanger constituent un exemple d’une région en plein développement, en plein devenir, pôle d’activités industrielles et d’échanges entre plusieurs continents.
Beaucoup d’acteurs, non seulement les acteurs ferroviaires, mais tous les métiers qui interviennent dans le système logistique mondial : logisticiens, transports maritimes, ports, opérateurs intermodaux, industries, transitaires, intermédiaires commerciaux, sans oublier toutes les autorités, comme les douanes, ou les institutions internationales, qui interviennent dans les questions de transport, étaient à ce Congrés, fruit d’une excellente coopération qui s’est établie entre les équipes de l’UIC et l’Office national des chemins de fer du Maroc.
Le directeur général de l’ONCF, Mohamed Rabie Khlie, président de la région Afrique de l’UIC, très engagé dans la définition d’une stratégie et la mise en œuvre d’un plan d’action pour la coopération régionale africaine au sein de l’UIC, a également tenu, avec une partie des membres africains de l’UIC, une réunion en marge de ce Congrès.

Le développement du transport, et de la logistique en particulier, augure d’une très forte dynamique, notamment pour le fret ferroviaire, et ce malgré la crise ?
La crise économique ne doit pas masquer des prévisions à long terme très positives sur l’évolution de la demande de transport mondiale. Ainsi, des prévisions font état d’une croissance de la demande de transport, à l’horizon 2050, de 80% pour le fret et 50% pour le transport de passagers. Les transports de fret par le rail devraient progresser de 8 fois et les transports ferroviaires de personnes de 12 fois.
D’ici 2040, les investissements mondiaux dans le secteur du transport seront de l’ordre de 10 000 milliards de dollars, dont 50% pour les chemins de fer ! 5 000 milliards de dollars vont être investis dans le système ferroviaire, fret, voyageurs et grande vitesse qui captera à elle seule quelque 1 200 milliards de dollars !
Ces perspectives de croissance impressionnantes sont liées aux principaux atouts du fret ferroviaire en termes de performances, en particulier sur les longues distances, de fortes capacités, de sécurité et de fiabilité, de contribution au développement durable.
Ces atouts devront être complétés par une plus forte intégration avec les autres opérateurs de la chaîne logistique, la réalisation de nouveaux corridors de fret intercontinentaux, l’introduction de nouvelles technologies innovantes pour optimiser la chaîne d’approvisionnement globale, la constitution de hubs performants avec les autres modes ou les autres services et la formation de la prochaine génération de cheminots !

Lisez nos e-Papers