Mon ado se renferme sur lui-même

Pas facile d’être parent d’un ado. En effet, à l’adolescence l’enfant cherche son identité, il se découvre. Il s’apprête à quitter le monde de l’enfance pour entrer dans celui des adultes. Ni enfant, ni adulte, il cherche sa place. L’ado veut se différencier des autres et de ses parents. Alors il s’affirme et teste ses limites. Parfois, il lui arrive de se renfermer sur lui-même et de refuser de parler, de sortir, de participer aux activités quotidiennes à la maison… Il reste allongé sur le canapé à regarder la télé. Il ne va plus faire de sport et préfère passer son temps enfermé dans sa chambre derrière son ordinateur plutôt que de prendre part à une activité familiale. Pour les parents, cette attitude est aussi agaçante qu’inquiétante.

Ils se sentent souvent déstabilisés et dramatisent la situation. Or, un ado inactif qui ne parle pas beaucoup n’est pas automatiquement un ado qui se sent mal dans sa peau. Il faut savoir que la puberté engendre d’importants changements hormonaux. Résultat : il s’ensuit inévitablement une réelle fatigue. Il s’agit, en effet, d’une période de bouleversement physique et psychique difficile à aborder. Il ne faut pas oublier que ses journées sont bien remplies. Il se lève tôt pour se rendre au collège ou au lycée où il doit se montrer attentif et concentré en classe. Le retour est parfois tardif, il doit encore faire ses devoirs.
Certains ados vivent mal ces contraintes quotidiennes, ils se sentent fatigués, stressés et incapables de réussir dans tous les domaines.

Et sur le plan psychique, il ne sait plus comment occuper son temps libre. Ses activités d’enfant ne l’intéressent plus et il n’a pas encore d’autres centres d’intérêt. Alors il se met au ralenti. Et par envie d’opposition, l’hyperactivité de ses parents (travail, courses, ménage...) l’irrite. Il ne veut surtout pas s’identifier à eux et encore moins répondre à leurs doléances (fais tes devoirs, range ta chambre, fais ceci, ne fait pas ça...). Inutile alors de s’inquiéter devant un adolescent silencieux ou inactif parce que ce silence et cette inactivité peuvent lui permettre de rêver, de se ressourcer et de réfléchir à son avenir. Il faut le laisser profiter de cette période de repos pour trouver une solution à ses problèmes. Souvent l’adolescent gère très bien son stress seul et les choses rentrent rapidement dans l’ordre.

Par contre, certains signes peuvent être révélateurs d’un malaise profond chez l’adolescent. Ils sont très visibles et ce sont d’ailleurs les mêmes chez le bébé et l’enfant, même si leurs manifestations sont différentes. On peut dire qu’un ado est en souffrance quand il rencontre de sérieux problèmes dans l’un des trois domaines nécessaires à son développement, à savoir le physique, quand il refuse de s’alimenter, dort mal, néglige son corps, le maltraite…, le relationnel où il se replie sur lui-même en se montrant dépressif et agressif avec les autres et enfin les apprentissages quand il désinvestit l’école, sèche les cours et que ses résultats sont en chute libre. Dans ce cas, il ne faut surtout pas ignorer le problème.

Afin de l’aider à surmonter cette situation, les parents doivent offrir à leur enfant leur soutien et leur compassion et faire preuve de compréhension. Il faut encourager la communication, mais sans faire de pression.
Les parents doivent se mettre en tête qu’ils n’ont pas besoin de résoudre le problème ou de donner des conseils. Parfois, le seul fait d’écouter, d’être attentif à l’ado et de ne pas porter de jugement apporte toute la compréhension nécessaire. Si, malgré tout, l’adolescent s’enfonce dans une attitude destructrice, il faut envisager un suivi médical et psychologique. Généralement, il va refuser de consulter un thérapeute. Pour l’aider à assumer, les parents peuvent lui proposer de suivre une thérapie familiale, plus sécurisante pour lui. 

Explications : Fatima Kettani, psychologue spécialiste de la famille

«Le rôle des parents est d’épauler leur enfant sans l’étouffer»

❶ Est-ce qu’un ado qui se replie sur lui-même doit toujours nous inquiéter ?
Non pas forcément. L’adolescence est une période très difficile et perturbante où l’ado renonce au monde de l’enfance et essaye d’accepter les transformations de son corps qui évolue. Pendant cette période l’enfant découvre également de nombreuses choses… Parfois, ce passage à l’âge adulte, naturellement compliqué, peut se faire dans la douleur et déclencher quelques signes de dépression, ce qui ne doit pas inquiéter. Et comme cette période de transition est souvent incomprise ou mal comprise par les parents, l’adolescent a tendance à les rejeter. Il ne supporte plus leur autorité excessive ni qu’ils le prennent pour un enfant. C’est pourquoi il préfère se replier sur lui-même à la maison et évite de trop parler.

❷ Quand est-ce que le comportement d’un ado peut être inquiétant ?
Normalement, un ado qui ne parle pas beaucoup à la maison et se renferme sur lui ne doit pas beaucoup inquiéter. Mais si à cela s’ajoute un désintérêt profond pour tout ce qui l’entoure, un isolement relationnel, une rupture de dialogue ou des troubles de l’alimentation et du sommeil, il est possible que ce soit le signe d’une dépression. Il faut également s’inquiéter si l’ado souffre d’une faible estime de soi, se sent sans intérêt ou rejeté par les autres enfants.

❸ Comment peut-on faire sortir l’ado de cet état ?
Le rôle des parents est d’épauler leur enfant sans l’étouffer ni le juger. Il faut l’accompagner discrètement dans sa quête de lui-même afin d’éviter que cet état d’oisiveté ne cache pas un mal plus important. Au lieu d’être autoritaires, les parents doivent expliquer à leur enfant qu’ils comprennent qu’il soit dans une période de transition, mais qu’il leur semble important pour son développement de devenir un peu plus sociable, de faire une activité physique…

❹ Et si l’ado refuse de changer de comportement ?
Dans tous les cas, il faut toujours favoriser le dialogue entre les parents et leur enfant. Il est important qu’il puisse exprimer son malaise et mettre des mots sur son comportement. En effet, il doit faire face à ses difficultés plutôt que de les fuir. Les parents doivent également l’encourager et lui montrer qu’ils lui font confiance. Souvent, l’enfant a du mal à communiquer avec ses parents. Dans ce cas, ils peuvent lui conseiller de se confier à une autre personne.