Grâce à l’investissement public, les projets sont réalisés : autoroute Fès-Oujda, chemin de fer Taourirt-Nador, dédoublement des voies de la route Oujda-Nador, rocade méditerranéenne, requalification de Saïdia, aéroport de Bouarfa, aéroport d’Oujda-Angad, requalification urbaine d’Oujda, complexe touristique de Saïdia, complexe touristique de Marchica… Et bien d’autres réalisations qui ont permis à la région de dépasser les dysfonctionnements dus à une région frontalière marquée par la contrebande et l’informel. La vision nouvelle a placé l’Oriental comme projet territorial au cœur de la stratégie de développement. De grands projets ont suivi: technopoles, agropoles, pôles industriels... Aujourd’hui, il faut construire une nouvelle étape, préparer des plans d’avenir pour les dix prochaines années, surmonter la crise qui touche comme partout l’économie réelle. Il faut fédérer, structurer, réorganiser, lancer. C’est ce que tente de faire le wali de la région, Mohamed Mhidia, très à l’écoute des opérateurs économiques, mais aussi le président de la région, Ali Belhaj, le directeur général de l’Agence de l’Oriental, Mohamed Mbarki, et Abdelkrim Mehdi, le président de l’antenne CGEM dans l’Oriental, qui a organisé une rencontre débat sur le thème : «Quels leviers pour dynamiser l’investissement privé dans la région de l’Oriental ?». Nous publions les recommandations les plus importantes de cette rencontre qui a posé les vrais problèmes et proposé des pistes de solutions. Les idées comme les doléances ne manquent pas et sans doute ce formidable bouillonnement gagnerait à être fédéré par un leadership, comme l’a suggéré Mohamed Fikrat, président de la Commission pour l’investissement à la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc). Pour sa part, la présidente de la CGEM, Miriem Bensalah Chaqroun, qui a des liens très forts avec la région, a promis de s’engager davantage.
Entretien avec Miriem Bensalah Chaqroun, présidente de la CGEM
«Nous avons besoin plus que jamais d’intelligence collective et d’intelligence de situation»
Le Matin : la journée du 18 mars a été marquée par une grande émotion des participants, par de la fierté, mais aussi des questions sur l’avenir. Vous étiez présente au dixième anniversaire fêté en grande pompe, l’occasion de revenir sur les réalisations ?
Miriem Bensalah Chaqroun : l’Oriental, d’où je viens, est une région qui m’est chère et dont je connais les richesses et les potentialités. Il y a une décennie, l’Initiative royale a développé une nouvelle vision du développement de la région de l’Oriental, pour en faire un pôle régional, un ensemble économique viable et une communauté socialement équilibrée. Cette vision était fondée sur des projets prioritaires, des programmes de développement structurants et sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs nationaux et régionaux. Cette Initiative royale et les grandes décisions qu’elle a impliquées en matière d’aménagement du territoire ont créé un contexte favorable à l’Est du Royaume, et ce, grâce à la mobilisation d’une enveloppe d’investissement considérable.
Aujourd’hui, dix ans après, et grâce à une mobilisation collective, grâce à tous les acteurs, les résultats sont là : la région est désenclavée, des pôles de production de richesses ont été créés bénéficiant à cette région et à sa population et à tout le Royaume, grâce aux projets structurants entrepris par l’État en matière d’autoroute, de voie ferrée et d’équipements publics et éducatifs. D’autres projets sont en cours de réalisation et accéléreront davantage le développement économique de la région. L’État joue mais ne continuera à jouer que le rôle de catalyseur, de facilitateur des affaires. Mais il n’y a pas que l’économie dans cette vision. La création du CHU et d’une faculté de médecine à Oujda témoigne d’une volonté de rendre à ce pôle urbain, dont la naissance remonte à l’année 1994, ses lettres de noblesse en tant que carrefour de l’éducation. Le renforcement des infrastructures de service public ou encore les nombreux partenariats menés entre la Fondation Mohammed V pour la solidarité et le tissu associatif local témoignent quant à eux du souci, toujours réaffirmé, du souverain d’accompagner le décollage économique, le développement humain et le bien-être social.
Vous avez rendu hommage aux entrepreneurs. Il reste que l’investissement privé n’est pas au rendez-vous…
Les investissements publics ont permis la réalisation des infrastructures, mais nous savons que seule l’initiative privée peut pérenniser la dynamique économique. Une autoroute Fès-Oujda ou une voie ferrée Taourirt-Nador sert à véhiculer les flux de marchandises nés de l’activité économique entre l’Oriental et le reste du pays, une station de Saïdia ou de Marchica offre le terrain propice pour accueillir des établissements touristiques, une technopole d’Oujda, une agropole de Berkane et un parc industriel de Selouane sont là pour accueillir des projets d’investissements industriels productifs et de créer des emplois pérennes pour nos jeunes.
L’investissement privé est donc la clé et il faut lui offrir à la fois des leviers incitatifs et supprimer les freins qui entravent sa réalisation. Or, que ce soit à Oujda, à Casablanca, à Agadir, ou à Laâyoune, les contraintes que rencontre un investisseur sont les mêmes. Elles tournent autour du triptyque : foncier, financement, climat des affaires. Ainsi, si la région dispose d’une offre structurée en matière de zones industrielles, les correctifs nécessaires doivent être apportés pour que ces espaces remplissent réellement leur rôle. À cet effet, on peut se poser la question de la vocation d’une zone industrielle. Est-il nécessaire qu’elle soit dédiée à un groupe d’activité déterminé ? N’est-ce pas là, quelque part, un frein quand d’autres activités cherchent du foncier sans succès ? On peut également mettre en exergue le mode d’accès à ce foncier. Pour un investisseur qui démarre, n’est-il pas plus judicieux de permettre une location ou une formule de crédit-bail plutôt qu’un achat qui grève la mise de départ ?
À côté de ces questions, on a parlé des «3F» comme obstacles, à savoir le foncier, que vous avez évoqué, le financement et la fiscalité. Qu’en est-il du financement ?
L’accompagnement par le système bancaire fait parfois défaut au moment où les entreprises naissantes en ont le plus besoin, car ce sont les moments les plus risqués. Les banques devraient en ce sens avoir une approche régionale intégrée au lieu d’une approche sectorielle nationale. Ou alors, il faudrait multiplier les exemples de financement alternatifs comme celui de ces fonds importants mobilisés à travers le Firo (Fonds d’investissement pour la région de l’Oriental), avec 300 millions de dirhams destinés au financement et à l’accompagnement des porteurs de projets et aux PME de la région à fort potentiel de développement. Il y a aussi le climat des affaires que l’on doit constamment améliorer. L’investisseur souffre de la multiplicité des interlocuteurs du point de vue des procédures. L’environnement réglementaire représente un frein considérable à l’investissement. Beaucoup d’entreprises trouvent que les textes juridiques sont complexes, incohérents, voire inappropriés. Il faut ajouter à cela les vides juridiques, la lenteur des procédures judiciaires, la non-application des décisions judiciaires et les possibilités de recours, qui sont considérées comme des freins importants à l’investissement par la grande majorité des chefs d’entreprises.
Une fois le constat et le diagnostic faits, comment transcender ces dysfonctionnements et ces obstacles ?
Tous ces problèmes ne demandent qu’une chose : l’intelligence des situations. L’intelligence des situations c’est quand les acteurs publics et privés s’assoient autour d’une même table, au niveau régional, pour fluidifier les procédures et les démarches. L’intelligence des situations est aussi celle de voir ces régions se transformer en force de proposition pour peser sur des décisions qui peuvent être prises au niveau central. Je pense à la fiscalité, à la desserte aérienne, à l’accompagnement des entreprises, à la formation. À la CGEM, nous militons pour que ces entraves à l’investissement soient levées grâce à la plateforme CGEM-gouvernement de laquelle émanent 5 groupes de travail dédiés à la compétitivité, l’emploi et la formation, le développement à l’international, la PME et le climat des affaires. Aujourd’hui que le comité régional du climat des affaires au niveau de l’Oriental a été créé, et qu’il est à même de saisir les spécificités locales et de faire avancer les chantiers à un rythme plus soutenu, les résultats seront au rendez-vous.