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Réalisation d’une double prothèse du genou chez un malade hémophile au CHU Ibn Sina

Les hémorragies répétitives qui se produisent au niveau des genoux sont une des principales complications de l’hémophilie. Elles aboutissant à une destruction de l’articulation, induisant de la sorte un handicap à vie. La personne qui en souffre ne peut plus plier les genoux, ce qui rend impossibles les gestes simples de la vie.

Réalisation d’une double prothèse du genou  chez un malade hémophile au CHU Ibn Sina
Par Dr Anwar Cherkaoui

Ce destin dramatique est le lot de ce jeune homme, âgé de 28, suivi pour son hémophilie depuis plus de 14 ans, qui vient de bénéficier d’une double prothèse du genou au CHU Ibn Sina de Rabat. Cette opération chirurgicale prend toute son importance quand on sait que l’hémophilie se caractérise par l’absence d’un facteur dans le sang, dont le rôle est de stopper toute hémorragie quand elle se déclenche. L’implantation de deux prothèses du genou chez ce malade a été rendue possible, grâce à la conjonction des efforts de 3 équipes médicochirurgicales du CHU Ibn Sina. Le Centre d‘hémophilie (Pr Mohammed Khorassani) relevant du service d’hémato-oncologie pédiatrique de l’hôpital d’enfants, la traumatologie adulte de l’hôpital Ibn Sina (Pr Omar Lamrani) et la traumatologie pédiatrique (Pr Tariqa Medhi). Le malade opéré avec succès suit actuellement un programme de rééducation de trois mois, grâce à une kinésithérapeute spécialisée, afin de retrouver une autonomie progressive.

Cet acte chirurgical aussi spectaculaire et aussi lourd dans sa réalisation pouvait être évitable chez ce patient, relève avec amertume Pr Khorassani. La non-disponibilité de facteurs antihémophiliques et le recourt par le passé à une fraction du sang (plasma frais congelé), sont et seront encore à l’origine de ce genre de complications chez plusieurs centaines d’hémophiles marocains livrés à eux-mêmes, en dehors de toute prise en charge thérapeutique adéquate. Cependant, la réalisation de cette double prothèse de genou interpelle à plusieurs niveaux. En premier, elle confirme les centres hospitaliers universitaires (CHU), dans leur rôle de prestataire de soins tertiaires de haut niveau, nécessitant une haute technicité et un certain degré d’expertise. Elle pointe du doigt une faille dans le système de prise en charge de pathologies pédiatriques, quand les malades deviennent adultes. Les enfants atteints d’hémophilie continuent d’être suivis à l’hôpital d’enfants, par faute d’une consultation d’hémophilie adulte. Mais la grande compensation est que le CHU Ibn Sina rend possible la disponibilité des facteurs antihémophiliques, ainsi que les médicaments utilisés dans la prise en charge de la thalassémie, et cela, en application des orientations du Programme national de lutte contre les hémoglobinopathies (thalassémie et hémophilie), lancé par le ministère de la Santé en 2011.

D’ailleurs, c’est grâce à ce programme que les prémices d’une régionalisation de la prise en charge de l’hémophilie et de la thalassémie aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte seront dorénavant possibles. Car depuis février 2012, et grâce à l’appui du mouvement rotarien marocain et italien, plusieurs réunions régionales de formation continue assurées par les professeurs Khorassani et Khattab, ont été tenue à Kénitra, Fez, Béni Mellal, Tanger et bientôt à Oujda, et cela en coordination avec le ministère de la Santé. Ainsi, plusieurs centaines de médecins de ces régions ont bénéficié d’une formation pratique pour une meilleure prise en charge de l’hémophilie et de la thalassémie. La réalisation de cette prothèse de genou chez un patient issu d’une famille avec 18 malades atteints d’hémophilie, sonne de nouveau l’alarme, sur le phénomène de la transmission familiale de plusieurs maladies pour lesquelles aucun programme de conseil génétique n’est mis en place (voir thèse de médecine, n °66, «L’hémophilie au Maroc, état actuel et perspectives». Enfin, à l’ère où les personnes atteintes d’hémophilie jouissent, dans les sociétés occidentales, d’une qualité de vie identique à celle des personnes non atteintes et qu’ils ont droit à des autoperfusions de facteurs antihémophiliques à domicile à visée préventive de tout risque hémorragique, on déplore qu’aujourd’hui au Maroc plus de 50% des malades atteints d’hémophilie présentent encore des handicaps majeurs, aussi bien des genoux que des coudes. Pour Pr Khorassani, il faut doubler d’efforts, afin que les médicaments disponibles puissent contribuer à assurer un minimum de besoins aux patients, notamment éviter le handicap, le décès à l’âge jeune et permettre un certain degré d’intégration sociale. Pour l’histoire, le patient qui a bénéficié de la double prothèse de genou se prépare à convoler en justes noces.

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