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«Mirages», sous le soleil du désert

Entre fantastique et horreur, «Mirages», du jeune réalisateur Talal Selhami, surfe sur la vague du genre.
Un genre que le cinéaste expérimente à travers une histoire où les limites entre réalité et imaginaire sont difficiles à définir.

«Mirages», sous le soleil du désert
Errance et illusions sont le lot des cinq candidats qui tentent de survivre à leurs propres peurs.

Après avoir participé à plusieurs festivals nationaux et internationaux, «Mirages», de Talal Selhami, trouve enfin le chemin des salles obscures marocaines. Le public marocain, découvrira donc, à partir d’aujourd’hui, le premier long métrage du jeune réalisateur qui a à son actif plusieurs courts métrages dont «Sinistra», le plus célèbre et le plus abouti.

Une sortie qui ne laisse pas indifférent le réalisateur. «Il y a forcément une appréhension. Les festivals c’est bien et gratifiant, mais on fait des films avant tout pour le public. J’espère que celui-ci sera au rendez-vous et surtout que cela encouragera des producteurs et réalisateurs marocains à s’essayer à d’autres genres cinématographiques qui sont plus rares chez nous. Quoiqu’il arrive, le film sera sorti, c’était très important pour moi et ça me permettra définitivement de tourner la page et de continuer d’avancer sur mes projets futurs».

Cinq profils différents

Mélangeant plusieurs genres (thriller, horreur, drame… ), l’histoire de «Mirages» met en scène cinq personnes aux profils très différents qui se retrouvent en compétition pour décrocher un emploi important dans une multinationale «Matsuika» qui vient de s’installer au Maroc. Pour départager les gagnants, le PDG de la boîte ne trouve de meilleur moyen que de les soumettre à une ultime épreuve. Une sorte d’expédition aux allures de mission impossible. Les protagonistes s’embarquent dans une aventure singulière qui commence à bord d’un minibus dépourvu de vitres et qui les emmène dans un désert sans fin où ils sont livrés à eux-mêmes. Commence alors pour eux un voyage au milieu de nulle part, une traversée du désert où chacun des personnages explore des contrées inconnues de sa personnalité. Errance et illusions sont ainsi le lot des cinq candidats qui tentent de survivre à leurs propres peurs…

Le spectateur suit donc avec attention les péripéties des personnages admirablement interprétés des comédiens de talent, triés sur le volet par Talal Selhami qui en parle en ces termes : «Aissam Bouali transpire une sincérité rare dans son jeu, Karim Saidi déborde de charisme, Mustapha El Houari a une présence “shakespearienne” et Omar Lotfi une intelligence au service de son jeu. Je rêve de revoir Meryem Raoui sur un écran de cinéma. J’ai rarement vu une comédienne aussi dévouée à ce qu’elle fait. Mohamed Choubi est un grand acteur, d’une grande écoute. Il a suffi de quelques mots échangés à propos de son rôle et dès la première prise j’avais sous les yeux le personnage que j’avais en tête». Un témoigne qui donne envie aux spectateurs de se faire leur propre opinion de cette œuvre. Le seul moyen d’y parvenir, c’est de voir le film.


Questions à : Talal Selhami, réalisateur du film «Mirages»

«Les genres nous permettent de rendre le quotidien extraordinaire»

«Mirages» est un film qui regroupe plusieurs genres. Cette ouverture vous a-t-elle permis plus de liberté au niveau de la réalisation ou était-ce le contraire ?
D’un point de vue subjectif, je dirais sans hésitation qu’un cinéma qui aborde «les genres» offre un plus grand champ de liberté à la réalisation, à contrario d’un cinéma plus intimiste qui se focalise uniquement sur les émotions de ses personnages. Les genres nous permettent ainsi d’aller au-delà du réalisme et de rendre le quotidien extraordinaire. En ce sens cet aspect extraordinaire fera davantage appel à notre imagination de cinéaste et donc à une certaine liberté. À condition bien évidemment que l’on respecte les contraintes de productions, de cahiers des charges et de budget. Lorsqu’on parle de genre, on pense tout de suite à des effets où le but est d’impressionner le spectateur. Mais un bon film, qu’il soit un thriller, un film d’horreur ou une comédie romantique doit croiser ces deux méthodes et ainsi user de ce qu’un cinéma plus intimiste à de mieux à nous offrir, et ainsi appliquer les codes de la dramaturgie aux effets du genre. En d’autres termes, un bon film de genre est une histoire ou les effets sont avant tout au service de ses personnages, de son intrigue et donc de ses spectateurs.

Dans «Mirages», vous avez choisi de faire une critique de la société à travers des métaphores. Expliquez-nous ce choix ?
Ce n’est pas tant une critique, mais plus un constat, un état des lieux. Un bon film se doit de parler de son époque de façon directe ou indirecte. Dans le cas de «Mirages» et du Maroc, à l’époque où notre beau pays est plus que jamais ouvert sur le monde et qu’il met beaucoup d’énergie sur l’industrialisation et les investissements mondiaux, le film pose la question de notre identité. Jusqu’à quel point je suis prêt à sacrifier qui je suis, mes valeurs et ma culture pour avoir un travail et une place dans la société ? La mondialisation a du bon c’est évident, mais elle se fait, à mon sens, forcément au détriment de certains principes de notre vie, de nos valeurs, différents de ceux des Occidentaux. Ainsi l’individualisme, prend progressivement la place de notre légendaire générosité locale. En ce sens le Maroc est un pays schizophrène, coincé entre les influences de l’Occident et les nôtres. En gros dans «Mirages», le désert c’est notre société, les visions, la paranoïa : les symptômes de quelque chose qui nous ronge. Mais bon, «Mirages» est avant tout un divertissement, tout cela peu se lire en filigrane.

Un mot sur le casting ?
J’ai eu la formidable chance de m’entourer de comédiens talentueux. Ils portent sur leurs épaules l’énergie du film. Cette génération de comédiens tranche avec un cinéma égyptien qui a fait longtemps école chez nous et qui est beaucoup plus théâtrale. J’aimerais beaucoup les retrouver sur un autre film et il y a beaucoup de comédiens au Maroc avec qui je rêve de tourner. Quelque chose est en marche aujourd’hui, c’est évident.

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