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Ramadan, le mois de tous les excès et envies alimentaires

Les bienfaits du ramadan sont nombreux, mais rares sont les familles qui, aujourd’hui, le mènent correctement. Sur les tables, on assiste à une déferlante de mets en tout genre. Cet excès peut rapidement nuire à la santé et au portefeuille.

Dans les supermarchés, c’est l’effluve. Les files d’attente pour le passage en caisse vont jusqu’à l’autre bout du magasin. Les chariots sont remplis à ras bord : 12 litres d’eau, autant de jus de fruits et de sodas, grands sacs de farine, pots de miel, confitures en tout genre, yaourts à cheval sur l’ensemble du pourtour chariot, sachets de thé, pains de sucre… Dans les souks, hommes et femmes accourent par centaines, armés de boîtes et de seaux, et marchandent le kilo de «sellou» et de biscuits. Dans les rues : l’odeur de la «chebbakiya» (une des pâtisseries les plus prestigieuses de la cuisine marocaine) arrive jusqu’à nos narines. Le ramadan approche !

«Moi, je ne comprends pas. La veille du ramadan, tout le monde va faire ses courses. On dirait qu’il va y avoir une guerre ! Pourquoi faire des réserves ? Les magasins ne ferment pas durant ramadan. Et on trouvera ce qu’il faut aussi le lendemain», s’interroge Brahim, retraité. En effet, durant cette période, frères et sœurs font tout pour avoir une table bien garnie et faire de ce mois sacré, une grande fête. C’est l’occasion de se retrouver en famille, de partager de bons moments. Mais pour certains, elle devient un véritable concours de «qui aura la meilleure table ?» Pour en mettre plein la vue, tous les moyens sont bons, contracter un crédit est une solution.

Aujourd’hui, de plus en plus de familles prennent cependant conscience que manger équilibré prime sur la quantité servie à la table du «ftour» (rupture du jeûne). Hélas, beaucoup cèdent sous le poids de la tradition et des invitations, et oublient que c’est l’unique mois dans l’année, où on peut réaliser une réelle «cure de jouvence».
«La plupart des tables marocaines abondent de mets sucrés. Or, manger trop de sucre empêche le corps de puiser dans ses réserves de graisse. Résultat : les jeûneurs prennent rapidement du poids», se désole une nutritionniste. Le manque d’hydratation surtout entre les repas est également un problème des familles marocaines qui au lieu de boire de l’eau préfèrent jus ou soda. Certaines familles ne se contentent que d’un «ftour» très copieux où l’on retrouve tout et n’importe quoi : crêpes, pâtisserie, soupes, «briouates», omelette au «khlîi», tajine, dattes, fritures… Bref, tout ce qui leur a donné envie durant la journée. «Il est vrai que faire ses courses à jeun n’est pas la meilleure chose à faire», confie Rachida, mère de famille. «Nous faisons des courses la journée pour le “ftour”, et bien entendu, beaucoup de choses nous font envie sur les étalages. On achète ce qui nous fait saliver… au final, on n’en mange que la moitié et le reste va à la poubelle», poursuit-elle. «C’est un vrai budget pour notre porte-monnaie. On n’a pas réellement la notion de quantité. On se demande si cela va suffire pour notre mari, nos enfants, notre famille. On veut qu’ils ne manquent de rien et on en achète toujours plus», commente une autre femme.

Deux verres d’eau, un bol de soupe et quelques dattes !

Quand on interroge la spécialiste au sujet du «ftour» idéal, celle-ci nous répond qu’il faut dans un premier temps s’hydrater. «Comme après toute traversée du désert, une réhydratation est indispensable», commente-t-elle. Après un ou deux verres d’eau, elle recommande «une soupe, type “harira” ou autre, selon les goûts de chacun». Elle autorise la consommation de «quelques dattes, sans excès, car cela risque de couper l’appétit. Et c’est tout !»

Une à deux heures plus tard, et en fonction de l’appétit, on remet le couvert. Ce second repas devra être composé de volaille ou de viande rouge, et un jour sur trois de poisson (environ 100 à 150 grammes).
Pour les pro-tajine, beurre, huile, et féculents sont à bannir des préparations. Fruits et légumes (crus et cuits) sont bien entendu à consommer à volonté. Veillez également à ingurgiter le 1,5 litre d’eau recommandé par les spécialistes. Paradoxalement, au cours de ce dernier repas, il est conseillé de manger du fromage et des aliments salés afin de retenir cette eau durant la nuit. Beaucoup de gens sautent le «s’hour» (repas servi tard dans la nuit). C’est le cas de Mohamed, instituteur, qui nous explique qu’il est pour lui «impossible» de se lever aux alentours des 4 h du matin, de manger et se recoucher ensuite, pour finalement se lever 2 ou 3 h plus tard. «Une fois que je suis réveillé, c’est pour de bon», poursuit-il. Pourtant, ce repas est le plus important de la journée et donc, selon la spécialiste, «à ne pas négliger».

Elle conseille «d’éviter les aliments salés qui pourraient déclencher une sensation de soif rapide». À proscrire également, «la consommation de boissons diurétiques (café ou thé)». Enfin, l’activité physique durant le jeûne doit rester normale, sans trop d’effort. En effet, les Marocains profitent parfois du mois sacré pour faire du sport. «Cela me permet de décompresser et de passer le temps en attendant le “ftour”. Pour moi, c’est toujours mieux que de rester à dormir toute la journée», affirme Kamal, un étudiant de 22 ans. Pourtant, pour notre spécialiste, «jeûne et sport ne sont pas vraiment compatibles. Surtout lorsqu’on y ajoute la variante du climat actuel, qui risque d’amplifier transpiration, fatigue, risques de déshydratation et d’évanouissement déjà existants en temps normal».

Loin de vouloir proscrire toute activité sportive, elle recommande plutôt de rester «prudents et à l’écoute de son corps en privilégiant la marche (30 à 60 min) et s’arrêter rapidement en cas de sensation de malaise». Il est toutefois possible de s’entraîner après la rupture de jeûne ; 2 à 3 heures après le repas et de façon modérée.

Respecter son corps, c’est aussi respecter son sommeil. Car les fêtards ne tarderont pas à voir apparaître les conséquences de leurs écarts. En effet, de nombreuses études ont démontré que le manque de sommeil durant le ramadan (une diminution de 30 minutes à 2 heures par nuit) avait pour conséquence directe une baisse du rendement au travail, une augmentation des accidents de la circulation ou de travail, et une grande irritabilité. «Pendant le ramadan, mes batteries sont complètement à plat. La sensation de faim n’est pas en soi ce qui me dérange le plus, si ce n’est les premiers jours. Mais elle est très vite remplacée par la fatigue contre laquelle on ne peut rien», déclare Youssef, agent commercial. «Je reconnais que, dans mon métier, cela n’a pas trop d’impact, mais pour d’autres professions, comme les médecins… Je ne les imagine pas s’endormir en pleine opération», plaisante la même source.

C’est pourquoi notre spécialiste recommande la plus grande prudence aux personnes qui occupent «des postes nécessitant une vigilance soutenue (chauffeurs ou personnes manipulant de grosses machines), de ne pas changer le rythme de leur sommeil durant le ramadan et de prendre des précautions supplémentaires pour éviter tout danger». Il est donc fortement conseillé d’éviter les repas tardifs pendant le ramadan et de ne pas veiller après minuit.

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