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À la veille du second anniversaire, la classe politique toujours divisée

La célébration du deuxième anniversaire de l’adoption de la Constitution de juillet 2011 intervient, lundi, dans un contexte marqué par un débat sempiternel autour de l’aptitude des différents protagonistes de la scène politique à assimiler l’esprit de la Loi fondamentale et ses dispositions et leur propension à rompre avec une ancienne culture tant au niveau du discours que de la pratique.

À la veille du second anniversaire,  la classe politique toujours divisée
À la veille du second anniversaire, la classe politique toujours divisée

En effet, l’interprétation des dispositions constitutionnelles et de leur mise en œuvre en vue d’en faire un référentiel unique de la vie politique et un régulateur des relations entre les institutions cache mal une interrogation beaucoup plus profonde : à quel point l’élite politique s’est-elle imprégnée de l’esprit de la Constitution de juillet 2011, dont l’adoption fut le fruit, à la fois, d’un processus de réformes entamé depuis la fin des années 90 et d’une réaction audacieuse de l’Institution monarchique vis-à-vis des contestations ayant accompagné le «Printemps arabe» ?
Quiconque s’aventurerait à faire une évaluation cavalière des débats et des polémiques ayant émaillé la mise en œuvre de la Constitution, ne manquerait pas de relever à quel point l’élite politique est loin d’avoir assimilé ce corpus et encore moins d’en accélérer l’application à travers la promulgation des lois organiques y afférentes.

À bien des égards, ce constat est d’autant plus vrai que, hormis la promulgation par le Parlement d’une seule loi organique relative à la nomination aux hautes fonctions, d’autres lois restent toujours à la traîne, dont celle relative au Conseil économique, social et environnemental, toujours en suspens à la deuxième Chambre après son adoption par la Chambre des représentants.

Hassan Tariq, membre du groupe socialiste à la première Chambre, a estimé que cette parcimonie en matière de promulgation des textes législatifs ne cadre pas avec l’engagement constitutionnel intimant à l’Exécutif et à l’Hémicycle d’adopter toutes les lois organiques (plus d’une vingtaine) avant la fin de l’actuelle législature. Dans une déclaration à la MAP, M. Tariq a déploré l’essoufflement de la volonté consensuelle ayant présidé à la rédaction de la Constitution, notant que «le gouvernement a failli à la démarche du consensus dans l’élaboration de textes censés être un prolongement du corpus constitutionnel». Car, a-t-il expliqué, la promulgation des lois organiques ne devrait pas obéir au seul paradigme majorité-minorité, mais être plutôt l’émanation d’un large débat public, mettant l’accent sur l’impératif pour les acteurs politiques d’accompagner l’élan de la nouvelle Constitution.

Khalid Rahmouni, membre du secrétariat général du PJD, a fait endosser cette lenteur à certaines parties qu’il n’a pas nommées et qui, a-t-il dit, «veulent fermer la parenthèse de la transition démocratique amorcée dans le contexte du Printemps arabe et cherchent à bloquer le processus des réformes». M. Rahmouni, dont le parti est mis à l’index par ses détracteurs politiques, n’a pas éludé la part de responsabilité qui revient en la matière au Chef du gouvernement et à l’Exécutif dans son ensemble, «quoique les facteurs de blocage proviennent essentiellement de certaines familles politiques traditionnelles ayant monopolisé le paysage partisan». Il a, à cet effet, critiqué certains usages du texte constitutionnel ayant ponctué le débat public, suite au recours à l’article 42 de la Loi fondamentale dans le sillage de la décision du Parti de l’Istiqlal de se retirer du gouvernement.

Adil Benhamza, membre du comité exécutif et porte-parole du PI, le parti allié du PJD au gouvernement, ne l’entend pas de la même oreille, puisqu’il en impute la responsabilité au chef du gouvernement et à sa méthode de travail avec les partenaires politiques. «Le gouvernement s’applique à gérer les choses avec une Constitution boiteuse alors qu’il est censé faire valoir la large démarche de dialogue et de concertation ayant présidé à l’élaboration de la Constitution», a-t-il soutenu, considérant que le débat autour des lois organiques devrait transcender les clivages majorité-opposition du fait que ces textes sont, bien plus qu’un cadre juridique régissant la gestion des politiques publiques, une plateforme permettant d’établir un équilibre entre les pouvoirs en tant que principe consacré par la Loi suprême.

M. Benhamza a regretté le fait que le gouvernement, un an et demi après son investiture, «soit toujours complètement incapable de sortir des lois organiques, dont certaines sont d’une importance extrême, comme celle relative au gouvernement», rappelant que les mémorandums adoptés par la koutla démocratique étaient tous mus par le souci d’ériger le Conseil du gouvernement en une institution constitutionnelle avec des attributions claires lui permettant de mettre en place des politiques publiques et de leur insuffler la célérité requise. «Aujourd’hui, chaque pouvoir neutralise l’autre et c’est ce qui transparaît à travers la tension existant entre les composantes de l’appareil judiciaire et le ministre de la Justice», a-t-il fait observer, estimant que «celui qui veut faire avancer les choses cherche sans relâches les moyens de le faire et celui qui en est incapable cherchera toujours des prétextes».

Au-delà des joutes des politiciens, l’universitaire Najib Ba Mohamed, membre de la Commission consultative de révision de la Constitution, a relevé que «La mise en œuvre démocratique de la Constitution est lisible à travers le chantier législatif, l’interprétation de la Constitution et la difficile adaptation politique au parlementarisme rénové». Pour ce qui est du chantier législatif, M. Ba Mohammed a estimé, dans une déclaration à la MAP, qu’il «satisfait aux exigences de la Constitution-programme de l’État marocain, qui est la vocation du texte constitutionnel de 2011». «La Constitution de 2011 est aussi et essentiellement une Constitution-norme dont l’application-exécution la dote d’une impérativité», a-t-il indiqué. En ce qui concerne l’interprétation de la Loi fondamentale, il a précisé que celle du gouvernement n’est pas forcément celle du Parlement.

La crise au sein de la majorité (retrait de l’Istiqlal du gouvernement), et le boycott par l’opposition des séances hebdomadaires ou mensuelles du débat avec le gouvernement, participent de l’interprétation de la Constitution, a souligné ce professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Mohammed Ben Abdellah de Fès. La doctrine savante (constitutionnaliste et politiste) a été «impressionnante» par ses manifestations, qui ont permis à la Constitution d’investir l’espace public. Par respect du principe constitutionnel du pluralisme, les médias ont «largement accompagné la mise en œuvre de la Constitution. L’argumentation politique qui en découle peut se développer sur un plateau de télévision, à la radio, sur les colonnes d’un journal et de plus en plus sur le Net», a-t-il relevé.

S’agissant du troisième volet, le rééquilibrage judicieux est opéré à la faveur du Parlement pleinement législateur-contrôleur et évaluateur des politiques publiques, face à un gouvernement dont émane le pouvoir exécutif effectif, tous deux acteurs d’un jeu parlementaire d’affrontement d’une majorité coalisée et d’une opposition statutairement renforcée, érigée en contre-pouvoir constitutionnalisé. D’aucuns estiment que, indépendamment des lectures et interprétations des uns et des autres, l’enjeu principal serait d’amener les acteurs politiques et les décideurs à s’approprier l’esprit de la Constitution de juillet 2011, qui a ouvert de larges perspectives devant la praxis politique.

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