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Sortie du Maroc sur le marché financier international : quel sens en tirer ?

Sidi Thami Elouazzani
docteur en économie, Paris X-Nanterre,

Sortie du Maroc sur le marché financier international : quel sens en tirer ?
La levée de 1,5 milliard de dollars est l’expression d’une confiance dans les fondamentaux du Maroc.

Maintenant que les félicitations sont faites, que le moment euphorique a été marqué par les mass-médias et que les caisses de l’État ont été renflouées de 1,5 milliard de dollars, quelle lecture devons-nous faire de la dernière sortie du Maroc sur le marché financier international ? Est-ce qu’il s’agit d’une manne financière, d’une aubaine, d’une réussite ? Ou alors d’une chimère ? Il me semble, humblement, que c’est tout à la fois.

Ambivalence

C’est une manne financière, dans la mesure où la levée de ces fonds s’est réalisée à des conditionnalités financières intéressantes (1 milliard de $ sur 10 ans assorti d’un taux d’intérêt de 4,25% et 0,5 milliard de $ sur 30 ans assortis d’un taux d’intérêt de 5,50%). Certes, l’attribution par Standard and Poor’s et Fitch ratings du triple B aux obligations souveraines marocaines à la veille de la signature y a immanquablement concouru. De même, l’obtention de la ligne de précaution de liquidité du FMI (6,2 milliards de $) a vraisemblablement été considérée comme une caution infaillible. Néanmoins, force est de reconnaître que cette confiance des agences de notation internationales et du FMI est adossée à des atouts et des performances dont le Maroc peut jusqu’alors s’enorgueillir. Stabilité politique, taux de croissance positif, déficits budgétaires et courants certes fragiles, mais encore maîtrisés, dette extérieure soutenable et une inflation enviable.

C’est une aubaine, parce que le montant mobilisé correspond à l’équivalent d’une quinzaine de jours d’importation, sachant qu’en période de tension économique, un jour d’importation y compte pour beaucoup. De même, cet emprunt a fait le bonheur des trésoreries bancaires qui souffrent de faiblesse des liquidités. Certes, la baisse du taux de la réserve obligatoire à 4% en septembre 2012 (8 milliards de DH) a donné une bouffée d’oxygène au système bancaire, mais il n’en demeure pas moins que cette entrée de devises contribuerait à son tour à l’accélération du rythme du cercle vertueux du fonctionnement de l’économie, à savoir l’accroissement des crédits bancaires, la dynamisation du secteur privé et la relance de l’activité économique.

C’est une réussite, dans la mesure où cette sortie constitue une bonne référence pour les émetteurs nationaux d’obédience publique et privée qui peuvent désormais se financer sur le marché du billet vert à de bonnes conditions et, ce faisant, permettront un allégement de la pression sur le marché bancaire national. Des opérations se sont déjà concrétisées en ce sens.

C’est une chimère, du moment où l’on apprend que le montant levé allait servir principalement à régler la facture des arriérés de la Caisse de compensation. Sur les 13 milliards de DH, 10 milliards allaient être versés aux opérateurs économiques. Certes, faute d’autres alternatives, cette affectation se présente comme une issue incontournable, mais il n’en demeure pas moins que cette mesurette restera juste du saupoudrage en absence d’une grande réforme de la Caisse de compensation. C’est une réforme qui s’impose plus que jamais, surtout qu’elle obère une partie non négligeable du budget, soit 53 milliards de dollars ou 6% du PIB au titre de 2012 et, de plus, ce sont les plus riches qui en bénéficient amplement. Cette urgence a été également corroborée par l’équipe du FMI qui a effectué une mission au Maroc du 5 au 18 décembre 2012 dans le cadre des consultations de 2012 au titre de l’article IV des statuts du FMI.

Des voix officielles s’élèvent et nous informent que cette réforme sera imminente et progressive. Ainsi soit-il, pourvu que le processus s’enclenche le plus tôt possible ! Espérons que les prochaines assises de la fiscalité, prévues en février prochain, seront une opportunité à saisir pour donner un sérieux élan à cette réforme, dans la mesure où le récent rapport du Conseil économique, social et environnemental sur «le système fiscal marocain, levier du développement économique et cohésion sociale» souligne qu’il est inconcevable d’isoler le système fiscal du système de compensation et de la couverture sociale. Sur ce dernier point, Monsieur le Chef du gouvernement a été très limpide lors de son intervention à la Chambre de conseillers, le mercredi 9 janvier, en déclarant que le gouvernement s’attèlera contre vents et marées à la réforme des Caisses des retraites.

Ceci étant, aucune réforme ne produira l’effet escompté si l’usage que l’on en fait manque d’un suivi rigoureux et responsable. Le gouvernement en est pleinement conscient.
Dans la note de présentation de la loi de Finances 2013, il y a été souligné qu’il sera procédé au renforcement des institutions en charge de la bonne gouvernance, à l’approfondissement des processus de modernisation de l’administration publique et à la réforme des modes de contrôle et de gouvernance des entreprises et des établissements publics.

La bonne gouvernance, clé de notre réussite

L’espoir fait vivre. On y croit, on ne doute pas de la bonne foi du gouvernement et de ses bonnes intentions, mais les rapports internationaux nous interpellent et nous forcent à rester dans l’expectative. Le mois passé, le rapport annuel de l’organisme gouvernemental des États-Unis d’Amérique «Millenium Challenge Corporation» faisait savoir que la notation du Maroc dans le domaine de la bonne gouvernance ne s’est guère améliorée. Au début du mois de décembre, «Transparency international», organisation non gouvernementale internationale ayant pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements, attribue au Maroc la note de 37 sur une échelle allant de 0, fortement corrompu, à 100, très peu corrompu, signifiant ainsi que la corruption demeure encore un fléau dans notre pays.

Il est clair que les conclusions rendues par ces organismes ne sont pas indemnes d’insuffisances. La méthodologie utilisée et les supports sur lesquels ils se basent peuvent faire l’objet de discussions, mais force est de reconnaître qu’ils jouissent d’une légitimité internationale. Leurs rapports annuels sont attendus impatiemment par les uns et les autres, chacun selon ses centres d’intérêt. Les chercheurs y recourent pour élaborer leur théorie, les partis politiques au pouvoir s’en abreuvent pour étayer leurs réalisations positives, les formations politiques de l’opposition les utilisent pour dénigrer le bilan de leurs adversaires et les opérateurs économiques les consultent pour décider de l’acte d’investir.

Sans mythifier ces rapports internationaux, il y a lieu de rester humble et considérer leurs observations moins positives à l’encontre de notre pays comme un catalyseur pour redoubler d’efforts.
De toutes les manières, c’est une lapalissade de souligner que la bonne gouvernance est la clé de notre réussite. Ce n’est un secret pour personne. C’est une priorité qui devrait être hissée au premier rang et qui devrait mobiliser non seulement le gouvernement et le Parlement, mais requiert également l’implication des formations politiques, de la société civile et des citoyens. C’est l’affaire de nous tous, chacun peut y contribuer de sa position. La moralité est qu’il faut en faire un leitmotiv.

C’est un travail de longue haleine, mais qui ne doit nullement hypothéquer le court terme. Le mal-être social persiste encore et requiert des réactions immédiates, des mesures imminentes.
Détrompons-nous, le Printemps arabe n’est pas complètement dernière nous. Les cendres peuvent à tout moment se transformer en braises ardentes. La voie royale à emprunter pour les étouffer à jamais, c’est celle au bout de laquelle on trouve les couvercles nommés la consécration de l’État de droit, le respect de l’autorité de la loi, le renforcement de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Bref, c’est l’intransigeance dans l’application de la loi. Si clémence il y a, elle devra concerner les campagnes de sensibilisation.

Celles-ci devraient couvrir un champ élargi, touchant à la fois les mondes urbain et rural, les femmes et les hommes, les jeunes et les moins jeunes. Elles seront d’autant plus efficaces qu’elles dureront le plus longtemps possible et s’inscriront dans un espace-temps relativement long.
On ne cessera de le ressasser, c’est un engagement de tout un chacun. Notre devenir en dépend, mais pour éviter de torpiller à notre insu cette œuvre, il y a lieu de nous interroger sur nos droits et devoirs. L’exigence légitime des droits appelle naturellement l’accomplissement des devoirs, en ce sens que l’occupation illégale de l’espace public, les grèves à répétition et l’absentéisme injustifié sont à reconsidérer.
Désormais, dans le Maroc d’aujourd’hui, les manifestations extérieures d’un malaise social devraient prendre d’autres formes, d’autant plus que la nouvelle Constitution prévoit les canaux nécessaires au renforcement des libertés et des droits fondamentaux. Faisons en sorte que la suprématie de la Constitution l’emporte, que le dialogue constructeur ait le dessus sur le dénigrement destructeur.

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