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«Nous attendons toujours des actes forts en matière d’accès des femmes aux postes de responsabilité»

Le mouvement féminin nourrit de grands espoirs quant à la promotion de la situation des Marocaines tant sur le plan social que politique, d’autant que l’équité en matière d’accès aux postes de décision reste toujours un vœu pieux. En cette Journée internationale de la femme, l’ancienne ministre et députée Nouzha Skalli a bien voulu nous faire part des attentes mais aussi des inquiétudes des militantes féminines, concernant notamment la question de la parité.

«Nous attendons toujours des actes forts en matière d’accès des femmes aux postes de responsabilité»
Nouzha Skalli.

Le Matin : Le constat sur la situation de la femme est unanime. Quelles sont les attentes du mouvement féminin pour promouvoir la représentativité féminine sur le plan politique ?

Nouzha Skalli : On attend que le gouvernement agisse pour faire changer la situation de la femme. Il doit exprimer avec force sa volonté politique dans ce sens. Il est, en effet, inadmissible que plus d’un an après la formation de ce gouvernement on n’aperçoive aucun changement tangible.
Il ne s’agit pas seulement de la représentation des femmes au sein du gouvernement, mais aussi de leur accès aux postes de décision. Les nominations aux postes de responsabilité qui ont été jusque-là adoptées par le gouvernement ne montrent pas l’existence d’une réelle volonté de promouvoir la représentativité féminine. On ne voit pas encore les prémices de la mise en œuvre de l’obligation constitutionnelle relative à la parité. La mise en place de la commission dite scientifique pour préparer le texte de loi sur l’Autorité pour la parité et la lutte contre la discrimination donne également lieu à bon nombre d’observations. Beaucoup d’éléments poussent à s’inquiéter quant au statut de ce conseil étant donné que la Constitution a placé cet organisme au même niveau que les trois autres conseils (CNDH, CCME et le Médiateur). Alors que les questions de ces trois entités ont été traitées par des commissions indépendantes, l’Autorité pour la parité est en train d’être mise en œuvre par une commission sous l’orientation d’un secteur gouvernemental. C’est inquiétant ! On s’interroge sur les raisons de cette discrimination à l’égard du Conseil de la parité.

Que craignez-vous au juste ?
Étant donné que la mise en œuvre de ce projet est préparée sous la houlette d’un seul secteur gouvernemental, on craint que les prérogatives qui seront assignées à cette autorité ne lui permettent pas de jouer son rôle constitutionnel. La Constitution prévoit un conseil qui soit une instance supra-gouvernementale capable de contrôler les mesures prises par le gouvernement et être ainsi en mesure de réagir à l’égard des manquements éventuels. Cette instance doit avoir une place élevée au niveau de la hiérarchie institutionnelle. Cela dit, outre le conseil, une grande responsabilité incombe au gouvernement en matière d’égalité et de parité en vertu de l’article 19 de la Constitution.

Quelles sont les actions menées par le mouvement féminin pour pousser
le gouvernement à mettre en œuvre les objectifs de la parité ?
Le mouvement féminin est en train de préparer un mémorandum pour la commission chargée de la mise en œuvre de l’instance de la parité. Mais j’estime que la première obligation en matière d’implémentation des dispositions constitutionnelles ayant trait à l’égalité et à la parité incombe aux pouvoirs publics. Nous aimerions que le gouvernement manifeste sa volonté en matière de promotion des droits de la femme tant au niveau de la protection de la violence que sur le plan de l’accès aux postes de responsabilité.
On se demande où en est la réforme du code pénal. Notre groupe parlementaire a déposé une proposition de loi pour lutter contre la violence fondée sur le genre. Nous attendons encore des actions de la part du gouvernement en matière de protection de la femme contre la violence.
Par ailleurs, on ne le répètera jamais assez : nous attendons encore des actes forts et des signaux rassurants en matière d’accès des femmes aux postes de responsabilité. Il y a aussi la question de l’agenda gouvernemental de l’égalité qui a été préparé pendant deux années par l’ancien gouvernement. L’actuel gouvernement dit que ce plan a changé et qu’il a été baptisé «Ikram».

Ce nom ne se réfère pas à l’approche des droits humains prônée par la Constitution, mais plutôt à une approche caritative qui ne correspond pas à la promotion de la situation des femmes dans tous les domaines. Normalement, cet agenda a été fait par 25 secteurs gouvernementaux qui sont appelés à coordonner leurs actions. Il s’agit d’un plan intégré qui est censé faire avancer la situation des femmes dans la perspective d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement : la lutte contre la vulnérabilité, l’accès aux équipements sociaux de base, l’accès à un enseignement de qualité, la lutte contre la violence… Jusque-là, on n’a pas de visibilité sur ce qu’est réellement ce plan d’action. On n’a pas encore réussi à avoir une version officielle. Tout cela laisse planer un climat de doute sur la volonté réelle de ce gouvernement de se conformer aux dispositions de la Constitution en matière d’égalité et de parité.

Êtes-vous pour un remaniement ministériel pour promouvoir
la représentativité féminine au sein du gouvernement ?
Bien sûr ! Mais, il faut que cela reflète une véritable prise de conscience. Le gouvernement doit compter en son sein des femmes compétentes dans différents domaines et pas seulement dans les secteurs sociaux. Le Maroc regorge de compétences féminines dans divers domaines et il faut que cela se manifeste au sein du gouvernement et à tous les niveaux de l’administration : ambassadeurs, délégués régionaux des ministères, etc.

Comment évaluez-vous l’action des femmes députées dont le nombre
a considérablement augmenté au cours de cette législature ?
Les femmes députées sont très actives. Elles sont présentes dans les réunions des commissions du début jusqu’à la fin. Au début des réunions, quand les caméras sont allumées, les députés sont présents en masse. Mais vers la fin, on trouve un pourcentage de femmes qui dépasse les 17 % et qui est le pourcentage réel des femmes dans le Parlement. Il s’agit généralement d’un pourcentage de 30 à 50 % de présence féminine dans les travaux des commissions.

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