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«La pollution de l’Oued Sebou est générée par les rejets importants en métaux lourds»

● Au Maroc, comme dans beaucoup d’autres pays arides, la rareté des ressources hydrique est aggravée par la dégradation de la qualité de l’eau. Le bassin du Sebou, zone extrêmement importante du point de vue socio-économique, en est un exemple frappant.
● Explications du professeur Abdelhak Kherbeche.

«La pollution de l’Oued Sebou est générée  par les rejets importants en métaux lourds»
Pratiquement tous les rejets sont évacués dans l’oued sans traitement.

Le Matin : Vous avez piloté de nombreuses études sur Oued Sebou en  tant que directeur du Laboratoire de catalyse, matériaux et environnement. Quelles appréciations faites-vous de la pollution subie par ce bassin ?

Abdelhak Kherbeche : Au Maroc, comme dans beaucoup d’autres pays arides, la rareté des ressources en eau est aggravée par la dégradation de la qualité. Le bassin de Sebou, zone extrêmement importante du point de vue socio-économique, en est un exemple frappant. Tous les rejets, quels que soient leurs types (organique ou métallique) et quelles que soient leurs origines (domestique, artisanale ou industrielle), sont jusqu’à présent évacués presque sans aucun traitement vers le cours d’eau. Dans la ville de Fès, plusieurs activités, notamment la tannerie et la dinanderie, génèrent des rejets importants de métaux lourds dans les eaux de surface. Monsieur Koukal, de l’Université de Genève, citait en 2004 des estimations de 400 kg/j pour le chrome et de 100 kg/j pour le nickel. Compte tenu de l’importance de l’Oued Sebou dans l’irrigation et dans la production de l’eau potable, l’impact de cette pollution sur la santé publique a été démontré par Mme El Qaj de l’Université Ibn Tofail de Kénitra. Une étude de la problématique est en cours depuis 2009, financée par la coopération Wallonie-Bruxelles International (WBI) en collaboration avec le Maroc.

Quels sont les premiers résultats de cette étude ?

Cette étude a montré qu’en étiage (lorsque le niveau de l’eau est au plus bas), le fleuve du Sebou est dépourvu d’oxygène sur plus de 40 km à l’aval de la ville de Fès. Dans ces conditions, les sédiments anaérobiques (milieu où il y a pas de dioxygène, O2) jouent un rôle très important dans le piégeage des métaux toxiques, les empêchant de se retrouver sous forme dissoute dans l’eau. La restauration des conditions d’oxygène dans la rivière grâce à la nouvelle station d’épuration pourra bouleverser cet équilibre. L’ampleur de ce phénomène dépendra des conditions biogéochimiques et de la forme sous laquelle les métaux sont stockés dans les sédiments. En effet, la fixation des métaux par les sédiments n’est pas définitive à cause des variations des conditions du milieu (oxygène dissous, par exemple). Ces changements peuvent entraîner une remobilisation importante de la phase réactive des métaux toxiques et provoque de lourdes conséquences sur la vie biologique des systèmes aquatiques et indirectement sur la santé publique. Les résultats de l’étude en question ont révélé que les fractions réactives des métaux les plus concernés tels que le chrome et le nickel sont très faibles. De plus, d’après les travaux de laboratoire, l’oxydation du fer et du manganèse permettrait une autorégulation des niveaux des métaux dans l’eau durant le retour des conditions anaérobiques dans la rivière.

Ces conclusions sont donc rassurantes ?

Ces conclusions rassurantes doivent être confirmées par un suivi. Mais elles ne doivent pas être un prétexte pour abandonner la surveillance de la qualité des ressources hydriques du bassin du Sebou. Car les besoins en eau sont sans cesse croissants au Maroc pour répondre aux besoins de plusieurs secteurs socio-économiques importants tels que l’agriculture avec le Plan Maroc vert, le tourisme avec la Vision 2020, l’industrie avec le plan Émergence II, mais aussi pour répondre à la croissance démographique et à l’amélioration des conditions de vie, encouragées par la politique marocaine pour le développement humain (INDH). Tous ces plans seront compromis si l’on ne valorise pas correctement les ressources hydriques du Royaume.

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