Après le succès de son exposition photographique «Orientalisme» en 2010, la galerie d’art L’Atelier 21 invite Majida Khattari pour une autre prestation, intitulée «Luxe, désordre et volupté». Un voyage de rêve à travers lequel nous emmène l’artiste pour découvrir toute la splendeur féminine faisant autant appel à l’imaginaire qu’à une réalité recréée par l’artiste.
Luxe des étoffes, soies damassées et organzas, matières précieuses, raffinement des motifs floraux et des dentelles, extrême souci du détail et de la mise en scène de jeunes femmes alanguies dans des intérieurs somptueux et baroques, sont autant d’accessoires et de scènes auxquels nous convie cette artiste pleine de talent. «C’est une artiste contemporaine parmi les plus créatives de notre temps. Son art est connu et salué internationalement. Dans ses œuvres, elle interroge sa propre culture, tout en remettant en question des clichés imaginés par les Occidentaux. Ce qui est frappant dans ses œuvres, c’est la richesse des détails très soignés et aussi minimes soient-ils que ne peut déceler parfois qu’un vrai professionnel» souligne Aziz Daki, codirecteur de L’Atelier 21, très séduit par sa nouvelle collection qui, selon lui, s’inscrit dans la continuité de celle qu’elle a exposée en 2010 à la galerie. «C’est toujours dans la même thématique où la femme est au centre des préoccupations de Majida qui n’hésite pas à répondre à des questions d’actualité vues par son regard d’artiste contemporaine, tout en faisant allusion aux travaux orientalistes».
D’après la critique d’art, Marie Deparis-Yafil, les photographies de Majida Khattari apparaissent comme éminemment picturales. «Car celle-ci s’attache à créer une œuvre photographique qui ne cherche pas à se substituer à la peinture, mais qui s’inscrirait plutôt dans une sorte de continuité, dans une différence de processus engendrant néanmoins un rendu volontairement pictural. D’une certaine manière, ces photographies, dans la richesse de leur composition, offrent à la fois l’effet de surréel propre à la précision photographique et cette possibilité contemplative spécifique à la peinture. Captant ainsi le regard, elles induisent très certainement une identification entre les images qu’elles donnent à voir et les référents de l’Histoire de l’art, renvoyant à notre mémoire iconographique, créant une sorte d’immédiate proximité», explique-t-elle.
Ses photographies, dont la majorité convoque l’Orientalisme, sont une relecture politique de ce mouvement artistique dont on perçoit les prémices dès la fin de la Renaissance et qui trouve sa forme la plus connue chez les peintres français du 19e et du début du 20e siècle. «Mais, ce “post-orientalisme” des photographies de Majida Khattari ne relève ni de la citation picturale ou de l’exercice de style, ni encore d’une étrange nostalgie folklorique. Il s’agirait plutôt d’une tentative de retournement du regard occidental sur l’Orient : vouant hier une fascination romantique pour la “splendeur orientale” et ses promesses de volupté, pour reprendre le mot de Baudelaire, il se nourrit aujourd’hui d’un fantasme de violence et se fait, hâtif, synonyme de danger extrémiste, de guerre et de terreur. Ici, imposant une autre vision critique, Majida Khattari fait se renvoyer les préjugés occidentaux sur l’Orient en mettant en lumière les paradoxes historiques», ajoute Marie Deparis-Yafil. Tout en revisitant les clichés qui dominent la peinture orientaliste, Majida Khattari reconstitue des décors identiques aux célèbres compositions orientalistes, «contemporanise» ses personnages en les dotant d’un statut incertain qui tient à la fois du fantasme et de la réalité photographique.
Difficile de savoir si Majida Khattari orientalise ou désorientalise l’Orient dans ses tableaux photographiques : on y retrouve la liberté et la sensualité qu’avaient fait découvrir à l’Occident les peintres orientalistes, mais les codes et les expressions visuelles de la représentation y sont imperceptiblement déplacés et détournés, dans un foisonnement et une saturation poussées au maximum.
Les exploits de cette artiste résidant à Paris n’ont pas manqué de subjuguer le public parisien lors de sa prestation du 6 octobre dernier où elle a organisé un défilé, place de la Concorde. Cet événement, qui montre l’une des formes les moins habituelles de l’art contemporain, a été salué par la presse internationale et s’est suivi par une belle exposition, le 2 février à l’auditorium du Musée du Louvre, en compagnie de l’artiste iranienne Shirin Neshat.
