À l’heure où le projet de loi relatif au droit d’accès à l’information est dans sa dernière ligne droite avant sa discussion au niveau du Parlement, les acteurs de la société civile se serrent les coudes pour préparer un mémorandum prévoyant des réformes de la mouture qui se trouve actuellement entre les mains du secrétariat général du gouvernement. Très irritée par sa non-implication dans le processus d’élaboration de ce projet de loi, la société civile ne compte pas rester les mains croisées. C’est ainsi qu’elle multiplie les rencontres de sensibilisation à l’importance de ce texte et aux avantages que présente ledit mémorandum. La conférence de presse tenue vendredi dernier à Rabat par le Réseau marocain pour le droit d’accès à l’information et l’association Adala s’inscrit justement dans cet esprit.
Cette rencontre, à laquelle ont pris part des experts internationaux et des représentants d’organismes de défense des droits de l’Homme, rentre dans le cadre des activités de plaidoyer menées par les deux associations afin de renforcer la prise de conscience autour de l’importance de l’accès des citoyens aux informations, qu’elles soient d’ordre personnel ou relatives à la gestion de la chose publique. «Vu l’extrême importance du droit de l’accès à l’information dans le processus d’approfondissement de la démocratie en tant que valeurs, principes et pratiques, nos deux ONG veilleront à accompagner ce projet de loi à travers la manifestation des critiques et la présentation de propositions susceptibles d’améliorer la qualité de ce texte et garantir par conséquent le droit des citoyens à un meilleur accès à l’information», a annoncé Mme Jamila Sayouri, présidente de l’association Adala. En effet, si la mise en œuvre de cette loi représente une traduction effective et concrète des dispositions de la Constitution et de ses implications juridiques et institutionnelles, elle est aussi la garante d’une bonne pratique de la liberté d’expression, de l’édition et un appui de taille à la presse et aux médias en général. Or l’article 40 de ce projet de loi stipule que la mise en œuvre de cette loi est tributaire de la publication d’autres textes organiques, sans qu’une date de publication soit fixée. Cette imprécision est considérée par Foukahi Abderrahim, coordinateur du REMDI, comme étant une tentative du gouvernement de manipuler le texte de loi ou, pis encore, de l’étouffer dans l’œuf. M. Foukahi appelle dans ce sens l’Exécutif à élaborer une stratégie globale et claire qui définit les objectifs et les moyens à adopter pour accompagner cette loi une fois promulguée, et ce, en concertation avec la société civile.
Une idée largement appuyée par Mme Misako Ito, la représentante de l’UNESCO, qui a souligné dans son intervention l’importance qu’accorde son organisme depuis dix ans à la question de l’accès à l’information, précisant à cet égard l’adhésion de la majorité des pays membres à la stratégie de l’UNESCO à travers l’élaboration et l’adoption de textes de loi garantissant le respect de ce droit. «Le Maroc devra adhérer à son tour à ce mouvement à travers l’adoption de cette loi. Dans ce sens, l’UNESCO apportera son soutien durant trois ans au REMDI dans son action d’accompagnement de ce projet de loi à travers des formations dispensées à ses membres et un financement de ces projets de sensibilisation», affirme l’experte onusienne. Aussi et pour mieux garantir la bonne application de ce futur texte de loi, le REMDI a adopté 10 principes essentiels qu’il espère intégrer dans l’élaboration de la version finale de la loi. Ces principes, qui seront intégrés au mémorandum et communiqués au gouvernement au mois de juin prochain, s’inspirent, d’après M. Foukahi, des meilleures législations et pratiques internationales en matière d’accès à l’information.
Ces principes insistent notamment sur le fait que le droit d’accès à l’information s’applique au pouvoir exécutif, législatif et judiciaire ainsi qu’à l’administration consultative et à toutes les entités privées accomplissant des fonctions publiques. En outre, le REMDI insiste pour que ce droit s’applique à toute information élaborée, reçue ou détenue par les entités publiques indépendamment du support sur lequel elle est stockée et pour que le refus d’accès à l’information soit par conséquent limité et dûment motivé. Enfin, le Réseau recommande, entre autres, la création d’une agence ou d’une commission spécifique indépendante qui aurait pour mission d’examiner les cas de refus d’accès à l’information et les cas d’absence de réponses aux demandes d’information. Cet organe sera chargé également de promouvoir l’accès à l’information et d’encourager son développement au sein de la société.
