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Benkirane An I : Un bilan mitigé

La porte de l’an 2012 refermée, symbolisant déjà le passé, c’est l’autre porte, celle de 2013 qui s’entrouvre, porteuse d’un avenir dont on perçoit à peine les contours, à un moment où la politique est invitée à affronter de grands défis dans un contexte historique difficile. Le moment coïncide avec le premier an du gouvernement Benkirane, le cabinet de celui-ci ayant été officiellement installé, il y a exactement un an, le 3 janvier 2012. Un moment propice donc au bilan, même si celui-ci a été largement initié dès le 29 novembre 2011, date de la nomination du gouvernement d’Abdelilah Benkirane.

Benkirane An I : Un bilan mitigé
Face aux tirs nourris de ses détracteurs, Benkirane semble imperturbable, accusant même la presse d’en rajouter, s’agissant de la cohésion de son cabinet.

À lire la presse quotidienne hebdomadaire ou mensuelle, la charge est lourde ! Un an après son arrivée aux commandes, le gouvernement de Benkirane, selon cette presse, a déçu tout le monde, comme le souligne un hebdomadaire qui titre «La déception Benkirane», tandis qu’un autre hebdo titre, lui, «La grande désillusion» et qu’un mensuel met l’accent sur «L’année blanche», l’année de transition qui selon cet autre hebdo «s’achève et qui emporte avec elle tous les espoirs qui s’étaient levés au lendemain du Printemps arabe, de l’émergence de l’exception marocaine, de l’adoption d’une nouvelle Constitution et de l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition gouvernementale conduite par un PJD triomphant !» Regret aussi quant au rythme du changement, trop lent, qu’accompagne un certain délitement de la vie politique et une montée de tension et de confrontation au Parlement, l’Exécutif servant de punching-ball aux débats souvent biaisés. Pour les opposants, le gouvernement actuel est frileux, manque d’audace pour exercer le pouvoir, il est démagogue, inexpérimenté, revient sur ses promesses électorales, n’est responsable de rien, manque de compétences et pire encore a développé une politique sécuritaire fondée sur la force et la répression...

Après de telles critiques, le bilan de la première année ne pouvait être que «maigre et misérable» avec un agenda législatif resté au point mort ! Face aux tirs nourris de ses détracteurs, Benkirane semble imperturbable, accusant même la presse d’en rajouter, s’agissant de la cohésion de son cabinet. «Au sein du gouvernement, nous sommes d’accord sur l’essentiel, même s’il y existe des divergences, somme toute normales dans le jeu politique». Concernant sa relation avec la nouvelle équipe de l’Istiqlal, il dit attendre le mémorandum qui lui sera remis cette semaine par le SG du parti, Hamid Chabat. Il rejette toute idée de désaveu ou de manque de confiance en rappelant avoir «constamment les preuves du soutien et de l’encouragement de la part de la population qui s’intéresse davantage à la politique et même de la part d’une partie importante de la communauté des Internautes...» Les citoyens, dit-il, s’intéressent aujourd’hui à la politique. Une question de fond : au-delà des attaques et des contre-attaques, quel premier bilan peut-on faire du gouvernement de Benkirane ?

Des inflexions de fond : proximité, solidarité et rappel des règles

L’année 2012 aura été marquée par des inflexions de fond : la première, que certains qualifient de populisme, c’est le rapprochement d’une élite politique de la société marocaine, qui met fin à la distance qui se creusait entre gouvernants et gouvernés, entre «eux et nous». Cette inflexion suffira-t-elle à mettre entre parenthèses l’abstention et le rejet du politique, dans lequel la société se reconnaissait de moins en moins ? La question trouvera sa réponse lors des prochaines élections communales prévues pour la fin 2013, mais il est sûr que le gouvernement Benkirane, qui bénéficie d’un certain soutien populaire, même si quelques villes comme Figuig ou Marrakech connaissent une exacerbation des protestations contre la vie chère. Autre inflexion de fond, l’organisation des solidarités sociales et la remise de ces solidarités au cœur du processus politique avec un objectif : tisser le lien social dans une société mise à mal par la brutalité de la crise économique. En témoigne la création du Fonds de solidarité de 2,5 milliards de DH pour couvrir, dans un premier temps, les dépenses du RAMED qui touchent plus de 2 millions de personnes inscrites, les aides aux handicapés, la baisse des prix de quelque 320 médicaments, qui constitue, selon le ministre de la Santé, «une étape concertée avec la profession, importante sur la voie de la consolidation du droit constitutionnel d’accès aux soins de santé», l’augmentation des bourses des étudiants, l’accélération du programme Tayssir qui touche aujourd’hui 12 régions, soit 50 provinces et 434 communes rurales (1 544 écoles et 296 collèges).

Ce sont près de 800 000 élèves qui bénéficient de ce programme au travers de l’aide distribuée par Barid Al-Maghrib, une institution présente un peu partout et surtout dans les communes rurales. Fonds de cohésion, de solidarité, programmes d’aides et de soutien... témoignent d’une politique publique attentive à aider et renforcer les capacités individuelles et collectives des citoyens en leur donnant accès aux secteurs de la santé, de l’éducation, etc. «Un axe que j’ai développé, nous déclare Abdelilah Benkirane, avec le Conseil de l’Europe dans le cadre du Forum mondial de la démocratie qui s’est tenu au début du mois d’octobre, en rappelant les répartitions inégales des richesses entre le Sud et le Nord et les répartitions inégales entre les riches et les pauvres au sein d’une même société qui engendrent des risques d’explosion, d’où la nécessité d’une meilleure répartition des richesses dans le monde et dans nos pays du Sud.» La troisième inflexion qui commence à porter ses fruits, c’est la volonté du gouvernement de remettre à jour «des règles justes qui doivent être appliquées par tous, pour permettre notamment le bon fonctionnement de l’administration, garante de l’intérêt général : à mon arrivée, souligne M. Benkirane, nombre de locaux de l’État étaient occupés, les grèves étaient incessantes…

Nous avons travaillé sur des mesures que je qualifierais de déontologiques : interdiction de tout favoritisme et accès à la fonction publique par concours ouvert à tous les diplômés, chasse aux fonctionnaires fantômes, défalcation sur salaires pour toute absence non justifiée, interdiction aux médecins et enseignants du public de travailler dans le privé, conformément à l’article 15 du Code de la fonction publique qui stipule qu’“Il est interdit à tout fonctionnaire d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Il ne pourra être dérogé à cette interdiction qu’exceptionnellement et pour chaque cas par décision du ministre duquel relève l’agent intéressé après approbation du président du conseil. Cette décision, prise à titre précaire, est toujours révocable dans l’intérêt du service.” Le Respect des règles, précise Abdelilah Benkirane, touche aussi cet immense chantier qu’est la lutte contre la corruption qui ne se fait pas du jour au lendemain, et contre l’économie de rente par la consécration d’une politique de transparence, de gouvernance de reddition de comptes. C’est le sens donné à la publication des différentes listes des bénéficiaires des différents agréments et licences qui est suivie par la mise en place progressive de stratégie, du code des marchés publics, du lancement d’une campagne de sensibilisation à la lutte contre la corruption.»

S’agissant de son incapacité actuelle d’agir face à l’impunité, le chef du gouvernement rappelle «qu’en une année, il y a eu un nombre important de “ripoux” dans la justice qui ont été interpellés, grâce à la vigilance du ministre de la Justice, totalement engagé dans cette grande réforme de la justice». L’année 2013 serait l’année des réformes, mais aussi l’année des dangers, si les objectifs n’étaient pas partagés par tous, si le poids de la crise ne devait peser que d’un côté. À côté de la réforme de la loi organique des Finances, de la réforme de la régionalisation, de la décentralisation et de la déconcentration, il y a celle très attendue de la décompensation. La charge supportée par la Caisse de compensation qui n’a cessé d’augmenter au fil des mois est devenue insoutenable, nous déclare Abdelilah Benkirane, qui rappelle que les 20% les plus riches bénéficient de 43% de la Caisse et les 20% les plus pauvres de 9% seulement ! Sur 50 milliards de DH, 20 milliards bénéficient aux 20% les plus riches, les 20% les plus pauvres ne bénéficient que de 4 milliards de dirhams. «Pour mener à bien cette réforme, nous allons, nous confie-t-il, nous occuper des plus pauvres qui vont bénéficier d’un transfert monétaire, déjà expérimenté par le biais de programmes comme Tayssir, qui nécessite un bon ciblage, une bonne couverture, une aide conséquente, qui ira aux femmes, car elles nous ont prouvé leur capacité de bonne gestion des foyers et une gouvernance sans faille.»

À la question de savoir s’il était confiant quant à la mise en œuvre de cette réforme qui ne manquera pas d’avoir des répercussions, il répond : «Je fais confiance au bon sens des citoyens qui sont raisonnables et qui comprendront le sens et l’esprit d’une telle réforme qui ira progressivement, car nous allons également travailler sur l’accompagnement des secteurs qui seront touchés par cette réforme et sur une mise en œuvre progressive de la décompensation des produits. Nous serons attentifs aux voies et moyens de préserver, la cohésion sociale et le pouvoir d’achat des citoyens les plus démunis. Il reste, dit-il, que les partis politiques devront adhérer à ce chantier majeur sans entrer dans les jeux politiciens, comme cela a été le cas avec les diplômés chômeurs, ce qui a créé des amalgames dangereux !» Autres réformes qui représentent des bombes sociales : celles des retraites et de la fiscalité. La première est difficile, mais nécessaire, et qui, si elle est bien menée, laissera un répit de 10 ans, compte tenu des évolutions démographiques. La seconde, celle de la fiscalité, nécessite une mobilisation et une concertation, ce à quoi s’engage le chef du gouvernement qui va dans le sens des déclarations du président de la commission de la fiscalité à la CGEM, Abdelkader Boukhriss : «les Assises nationales sur la fiscalité, dit cet expert, seront l’occasion d’engager une réflexion de fond pour faire évoluer notre système fiscal.

Une société n’est démocratique dans le fond et la forme que si elle tisse des liens de solidarité pour assurer des conditions de vie acceptables à toutes les catégories socio-économiques. Cette réforme ne pourra réussir qu’avec l’implication d’opérateurs éclairés.» «La fiscalité, qui doit être lisible, transparente et équitablement répartie en intégrant d’une manière ou d’une autre le secteur de l’informel, est en effet au cœur du pacte social, souligne M. Benkirane, qui présente les trois priorités de la loi de Finances 2013 : faciliter la vie à l’entreprise qui pourvoit à l’emploi et crée de la richesse. Dans ce sens, plusieurs dispositions en faveur de l’entreprise ont été prorogées. Je suivrai personnellement ce dossier et je tiendrai au moins une réunion par mois pour traiter de questions aussi diverses que l’export ou la fiscalité. L’autre point nodal, c’est le rétablissement des équilibres macro-économiques : nous avons une dette de 550 MMDH, soit près de 60% du PIB et il faut tout faire, dit-il, pour éviter le scénario de la Grèce, ou celui du mur budgétaire, et ceci tant que nous avons encore une marge de manœuvre. Troisième priorité et non des moindres, il faut s’attaquer aux disparités sociales et spatiales. Nous avons un programme gouvernemental, précise-t-il, nous avons fixé un cap et nous irons jusqu’au bout de notre mission, malgré toutes les difficultés...» Il faudrait pour cela concilier le temps politique avec le temps social.

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