La crise grave qui touche les deux rives de la méditerranée nous incite à rester optimistes, tout en orientant notre action vers une politique audacieuse basée sur des concepts de co-investissement et de colocalisation. Le Maroc, malgré des perspectives prometteuses, se doit de conforter ses exportations comme sa balance des payements et de réduire le déficit de son commerce extérieur.
C’est ainsi que le CDS a organisé à Rabat, un forum sur l’Intégration africaine, qui a connu un franc succès, grâce à la participation de nombreuses personnalités marocaines, africaines et françaises. Le Maroc est idéalement placé pour servir de hub aux investisseurs étrangers en Afrique. Sa position géographique au confluent de l’Atlantique et de la Méditerranée, son histoire, la religion, les liens humains et l’expertise de nos entreprises font de notre pays un partenaire proche et apprécié des acteurs économiques subsahariens. La France, quant à elle, est par ailleurs le premier investisseur au Maroc, avec un milliard d’euros annuels, et elle découvre tout l’intérêt que présente une alliance avec des entreprises marocaines qui ont accumulé un grand capital de confiance en Afrique.
Il y a donc eu un appel de l’Afrique. Ce continent est l’objet de toutes les convoitises. Dans cette ruée, le Maroc est idéalement placé pour jouer un rôle de hub pour les IDE (investissements directs étrangers). Tel a été le souhait exprimé par le Président Hollande. Pourquoi aller chercher plus loin ? On nous aime au nord de la Méditerranée et au sud du Sahara. Notre espace naturel s’étire du nord au sud et beaucoup moins d’est en ouest où je ne vois que guerres et déchirements intérieurs ou fâcheries.
L’objectif du CDS est de fournir un cadre cohérent pour pérenniser cette nouvelle vision. C’est ainsi qu’est née l’idée très forte d’un partenariat franco-marocain et plus tard maroco-méditerranéen pour participer au formidable décollage économique de l’Afrique, dont les indicateurs succincts que je vais vous énumérer confortent le choix pour s’orienter vers ce continent dans un cadre de codéveloppement. Notre objectif est de fournir un cadre pérenne, de donner une cohérence aux multiples initiatives qui se prennent sous nos yeux et de défricher de nouvelles opportunités.
L’Afrique, la nouvelle frontière
L’Afrique n’est pas qu’un gisement de matières premières où les multinationales multiplient les investissements, elle est surtout à la veille d’un décollage identique à celui de la Chine il y a 30 ans, comme cela a été affirmé par la Banque mondiale. La croissance de la consommation en Afrique fait rêver. De 860 milliards de dollars en 2008, elle sera de 1 400 milliards de dollars en 2020. Elle assure plus de la moitié de la croissance industrielle. Concernant la démographie, la population est d’un milliard en 2012. En 2050, elle sera de 2,1 milliards. C’est-à-dire : un terrien sur quatre sera africain, et c’est la population la plus jeune du monde : 4 sur 10 ont moins de 15 ans. L’Afrique aura, en 2050, 60% des terres arables disponibles au monde. La croissance annuelle moyenne, ces cinq dernières années, a été de 5,4% hors pétrole, contre 3,2% pour le reste du monde en 2012.
La malédiction a donc disparu, et l’Afrique n’est plus un problème, elle est la solution. L’Afrique est devenue le moteur de la croissance mondiale. C’est pour cette raison que le Forum du CDS sur l’intégration africaine a été un élément déclencheur d’une dynamique nouvelle et un message fort adressé aux entrepreneurs marocains, qui orientent leur développement comme leurs investissements vers l’Afrique. De nombreux secteurs industriels, financiers, et commerciaux ont compris que la présence du Maroc en Afrique est un choix stratégique, conforté par d’excellentes relations séculaires que le Maroc entretient avec ce continent, et sa taille comparable à la moyenne des États africains en fait un pays peu suspect de volonté néo-coloniale. Dans ce continent prometteur, il y a tout à faire. Il faut créer les infrastructures, améliorer l’éducation, réduire les inégalités et assurer une révolution technologique, comme une politique d’aménagement du territoire et d’urbanisation. En dépit des conflits et des problèmes de gouvernance, l’Afrique connait dans nombre de pays une plus grande stabilité politique, une meilleure gouvernance, la baisse de son endettement et de grands progrès dans l’éducation. Cette Afrique est prête à coopérer davantage avec le Maroc. Pour quelles raisons ? parce que le Royaume a développé des stratégies sectorielles qui pourraient convenir à des adaptations à l’Afrique.
Lors de notre forum, nous avions conclu : «pourquoi ne pas faire ensemble ce que l’on peut faire seul ou à deux». Nous avons évoqué la recherche d’une perspective de codéveloppement que les entreprises marocaines ont parfaitement décliné sur le terrain africain. Il est vrai que le Maroc compte de grandes entreprises, des pôles d’excellence dans l’industrie, les services et les finances, qui figurent parmi les plus importantes du continent, et parfois même ont atteint une envergure mondiale, comme l’OCP et Maroc Telecom, pour ne citer que ces deux dernières.
Maroc Telecom fait de la recherche pour réduire la fracture numérique son cheval de bataille, c’est ainsi qu’en 2012, Maroc Telecom a reçu le prix de l’entreprise la plus performante du continent africain. Maroc Telecom est l’unique opérateur en télécommunications dans le monde qui figure dans le classement Forbes des cent entreprises les plus innovantes. L’opérateur prévoit 4 milliards de dirhams d’investissements entre 2013 et 2015, pour poursuivre son extension en Afrique. La contribution de ses filiales au chiffre d’affaires du groupe est en forte progression : ces dernières ont contribué à 23% du chiffre d’affaires du groupe Maroc Telecom en 2012, alors que leur contribution n’était que de 15% en 2009. Enfin, pour renforcer la commercialisation de ses filiales avec le reste du monde, le groupe Maroc Telecom a réalisé un énorme chantier de câbles terrestres de 5 380 km, pour créer une autoroute de l’information vers Agadir, Dakhla, Nouakchott, Ouagadougou et Bamako. La réduction de la fracture numérique se manifeste aussi par le désenclavement des régions reculées, la baisse généralisée des tarifs, et des innovations comme le m-paiement. Quant à l’OCP, il a opéré un investissement de 600 millions de dollars pour faciliter la distribution d’engrais aux petits fermiers. Il a surtout développé une ligne d’engrais spécifique pour les sols africains. C’est ce qu’avait indiqué à Rabat le président de l’OCP : «fertilisons nos relations» dans une démarche de codéveloppement et de colocalisation, où la rentabilité économique et sociale se conjugue avec l’intérêt bien compris de la collectivité. Une politique d’encouragement, d’accompagnement et de financement en faveur des PME permettra à tous nos pays de rendre concrète, productive, et avantageuse cette notion de colocalisation vers un partenariat et un codéveloppement dans tous les secteurs, pour une plus grande croissance de cet ensemble que nous pourrions d’ores et déjà baptiser Eurafrique.
Le CDS a organisé des rencontres sur les Villes nouvelles, dont les conclusions ont contribué à une nouvelle politique dans la réalisation de la stratégie de la ville et de l’urbanisme. Nos conclusions pertinentes constituent un modèle dont les Africains ont salué l’intérêt dans le cadre de leur politique d’aménagement des villes et de l’urbanisation. Le CDS organisera, le 23 mai prochain à Rabat, un troisième forum sur le préscolaire. Car il est conscient de l’intérêt vital de ce secteur pour la formation des générations futures, en vue de réduire les inégalités qui handicapent la formation de l’esprit citoyen chez nos enfants, car on ne nait pas citoyen, on le devient.
Enfin, en octobre prochain, le CDS organisera, à Ouarzazate, un forum euro-africain, où il invitera des entrepreneurs, des politiques, des représentants de la société civile, comme des corps élus des deux continents. Ce sera l’occasion de débattre ensemble sur le renforcement des liens d’affaires et de codéveloppement, et d’établir une feuille de route qui pourrait déboucher sur des initiatives concrètes, et qui pourrait être le maillon d’une collaboration euro-africaine, à laquelle se joindront, nous l’espérons, les autres pays de l’Europe du Sud, tels que l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Nous apporterons ainsi notre pierre à l’édifice d’un pôle de développement régional à l’instar de l’ALENA (États-Unis, Canada, Mexique) ou du pôle asiatique bâti autour de la Chine et du Japon.
