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«Avec la rareté de l’oxygène, j’ai eu l’impression d’étouffer»

La rencontre avec Nacer Ibn Abdeljalil a eu lieu le jour même où Edmund Hillary, un Néo-Zélandais a gravi l’Everest pour la première fois, il y a 60 ans. Coïncidence ?

«Avec la rareté de l’oxygène,  j’ai eu l’impression d’étouffer»
Nacer Ibn Abdeljalil a réussi un exploit inédit en escaladant l’Everest et devient ainsi le premier Marocain à gravir les 8 848 mètres du plus haut sommet du monde.

Le lieu choisi pour nous raconter son périple n’était autre que l’endroit le plus en hauteur à Casablanca : le Twin Center. Mais avant de revenir sur l’exploit d’un homme - et la fierté d’une nation - il est bon de faire le point sur l’enfance de l’alpiniste. «Enfant, je ne vivais que pour le sport et j’ai toujours rêvé d’être champion dans un domaine, n’importe lequel d’ailleurs», souligne Nacer Ibn Abdeljalil. Au début, c’était vraiment le tennis qui le passionnait, mais ses parents, quant à eux, voulaient simplement qu’il se concentre sur ses études et qu’il réussisse sa carrière scolaire. Dans sa jeunesse, Nacer aimait beaucoup courir et c’est donc tout naturellement qu’il fait son premier semi-marathon à l’âge de 16 ans. Courir pendant 4 heures était déjà le top pour lui. Son meilleur temps pour en marathon est de 2 h 55. Pas mal pour ce qui est de l’effort continu.

L’aventure
Mais ce n’était pas assez pour celui qui se dit amoureux de l’effort long. Nacer a passé toute son enfance au Maroc jusqu’à ses 18 ans. Puis, il a mis le cap sur l’Angleterre pour un travail de financier. Et ce n’est qu’à l’âge de 23 ans qu’il a commencé l’alpinisme, grâce à son voisin de bureau à Londres. En effet, ce dernier était alpiniste et avait pour objectif de gravir les sept plus hauts sommets de chaque continent. C’est ainsi que le jeune homme a eu, lui aussi, l’envie de tenter cette expérience. Étant le plus haut sommet du monde et l’un des plus difficiles, escalader l’Everest est le défi que les alpinistes laissent normalement en dernier. Mais étant de nature impatiente, le Marocain, âgé de 33 ans, n’a pu attendre. D’ailleurs, quand il a annoncé la nouvelle aux membres de sa famille, tous pensaient qu’il n’allait pas le faire et avaient pris le projet à la légère. «Puis, quand j’ai eu mon premier sponsor, c’est là que ma famille s’est dit : “mince, il va vraiment le faire !”», explique le sportif. «À partir de ce moment là, même s’ils avaient peur, ils m’ont soutenu», ajoute-t-il.
La première étape du périple de Nacer Ibn Abdeljalil a été la phase de préparation : «je faisais beaucoup de course à pied, puis j’ai fait des triathlons dont les trois épreuves pouvaient durer jusqu’à 10 heures environ, j’aime l’effort long» souligne l’alpiniste.

Puis a commencé toute la phase de recherche : «j’avais besoin d’un endroit spécifique pour me préparer au mieux à cette épreuve et je l’ai trouvé, en Écosse. Alors en février, j’ai quitté mon travail pour faire des stages réguliers. Parallèlement, je m’entrainais à gravir les montagnes des Alpes françaises, qui sont moins hautes que les montages en Écosse, mais plus dures d’accès. D’autre part, à côté de mes deux stages, je faisais beaucoup de vélo», indique Nacer. Ensuite, il lui a fallu trouver la meilleure équipe pour l’accompagner lors de l’expédition. «D’ailleurs, mon stage en Écosse m’a permis d’être pris parmi leur équipe vu qu’ils ont ainsi pu voir de quoi j’étais capable», affirme-t-il. En effet, cette année, son équipe a connu 100% de réussite.  La deuxième étape a consisté à trouver des sponsors. L’expédition coûtant 800 000 dirhams, Nacer n’aurait pas pu réaliser son rêve tout seul : «Je pensais que les entreprises étatiques allaient me suivre dans mon projet, mais cela n’a pas été le cas.

C’est pourquoi j’ai contacté environ une centaine de sponsors et au final 4 d’entre eux m’ont suivi dans cette aventure». Enfin, la troisième et tant attendue dernière étape était l’expédition qui se compose en deux parties : la première est celle de l’acclimatation. Elle dure environ un mois et consiste à habituer le corps au manque d’oxygène. C’est à ce moment que le jeune homme a perdu environ 7 kg. Il préfère d’ailleurs en plaisanter : «Mesdames si jamais vous souhaitez perdre du poids, il n’y a pas mieux comme régime». D’ailleurs, les premières semaines ont été très dures mentalement et physiquement pour Nacer : «Je me suis demandé plusieurs fois qu’est ce que je faisais là-bas. Toutefois, grâce aux encouragements de ma famille et de mes amis, j’ai tenu bon. En réalité, quand je parlais avec eux, je ressentais un double sentiment, car d’un côté cela me faisait du bien, mais de l’autre, je sentais l’angoisse dans leur voix. Et c’est pour eux que je me suis promis de ne pas prendre trop de risques. De plus, je suis quelqu’un de très croyant et je ne cessais de me dire que “Quand Dieu ferme une porte, il en ouvre dix autres”», révèle Nacer Ibn Abdeljalil. La montée se faisait de nuit, car c’est à ce moment que la neige est plus ferme et moins compacte. C’est-à-dire qu’il y a moins de risques, mais évidemment, Nacer et les autres alpinistes on fait face à des avalanches sur leur chemin. «Ce qui me plaisait alors dans ces moments était de prier devant ces magnifiques paysages».
La deuxième phase de l’expédition était l’attente d’une fenêtre (moment où le vent épargne un peu le sommet) : «On a du l’attendre une semaine et à ce moment, comme je l’ai précisé sur les réseaux sociaux qu’on a été bloqué au camp», explique Nacer.

La panne d’oxygène
«Entre le troisième et le quatrième camp, j’ai connu le moment le plus difficile de mon expédition», raconte le jeune alpiniste. En effet, j’ai fait face à une panne d’oxygène vers les 7 500 m d’altitude. En partant du troisième camp, j’ai compris qu’il y avait un souci avec ma bouteille d’oxygène quand, à un moment, j’ai vu que tout le monde me dépassait. Seul sur la montagne, deux choix se sont proposés alors à moi : rebrousser chemin ou attendre. J’ai préféré me mettre sur le côté et attendre l’arrivée d’un sherpa (guide). Il a fini par arriver et l’étape qui devait durer normalement 5 heures aura duré 9 heures», ajoute-t-il. Quand il a fait face à ce manque d’oxygène, Nacer confie qu’il avait l’impression d’étouffer et de respirer dans le vide.
Ce moment-là a été le plus dur de toute l’expédition de Nacer : «Mais je me suis dit que je devais le faire pour le Maroc. Et d’ailleurs, quand j’ai vu le message de S.M. le Roi, j’étais encore au camp et vraiment Son message m’a beaucoup honoré. Je ne vous cache pas que quelque part dans ma tête lors de mon ascension, j’ai pensé au plaisir que cela Lui ferait de voir le drapeau du Maroc flotter aussi haut. Et évidemment, cela m’a fortement encouragé à aller jusqu’au bout.

De plus, je m’étais préparé mentalement, je savais que cela allait être difficile, mais je ne me suis pas assez préparé, c’était plus dur que ce que je pensais. C’est vrai qu’au bout de deux semaines j’ai pleuré. Je n’ai pas honte de le dire. Mais je suis quelqu’un de très croyant et cela m’a beaucoup aidé», déclare le sportif. Suite à cette expérience, Nacer avoue avoir un regard différent sur la vie : «c’est la première fois de toute mon existence que je prends autant de risques et cela à plusieurs reprises. Avant de partir, je m’étais fixé une limite que j’ai dépassée bien des fois. De plus, je suis parti avec des gens que je ne connaissais pas. Donc oui, il y a eu des tensions et beaucoup de compétition surtout on s’approchant du sommet», confie l’alpiniste. Nacer ajoute savoir que «l’alpinisme n’est pas un sport populaire au Maroc. Mais j’ai été très étonné et agréablement surpris de voir à quel point mon aventure a pris de l’importance sur les réseaux sociaux, entre autres. Je pensais être suivi seulement par mes amis et ma famille». Et c’est très modestement qu’avant de partir, Nacer Ibn Abdeljalil nous lance qu’il espère que son histoire nous a plu et qu’elle inspirera les Marocains.


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