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Les femmes fumeuses s’assument davantage en public

Révolu le temps où la cigarette était tabou. Aujourd’hui, les femmes ne craignent plus d’afficher au grand jour leur dépendance à la nicotine.

Les femmes fumeuses s’assument davantage en public
Des lycéennes âgées de 15 à 17 ans voient dans le fait de fumer en public une forme d’émancipation et de liberté.

Avant, au Maroc, fumer était une habitude réservée exclusivement à la gent masculine. Pour fumer, la femme devait se cacher des regards de ses proches, de ses voisins, mais aussi des inconnus qui pourraient la surprendre en «flagrant délit» de consommation de nicotine. Et pour cause, une image négative et une mauvaise réputation sont attribuées aux femmes fumeuses.

Mais peu importe. Les temps ont changé et aujourd’hui certaines femmes refusent de se plier aux normes traditionnelles et déclarent haut et fort leur indépendance et leur liberté. Et le moyen que beaucoup d’entre elles ont choisi pour le faire (surtout les jeunes), c’est d’afficher leur accoutumance à la nicotine en arborant fièrement leur cigarette au coin des lèvres ou entre leurs doigts, que ce soit sur les terrasses des cafés, dans les gares ou même dans la rue. «Je connais plusieurs filles qui ne peuvent pas fumer librement en public, parce qu’elles ne peuvent pas supporter le regard de la société. En ce qui me concerne, je ne souffre pas de ce problème parce que je suis une femme libre et que j’assume ce que je fais. La seule personne qui devrait me juger et qui pourrait avoir le droit de me demander d’arrêter de fumer c’est moi, parce que c’est ma santé qui est en jeu», indique Karima, 22 ans.

Même son de cloche chez Maria, 23 ans: «mes parents savent que je fume, alors pourquoi dois-je me cacher aux regards des autres ? Je sais que fumer est mauvais pour la santé, mais je ne pense pas choquer quelqu’un en brûlant une cigarette dans la rue. Je pense que les temps ont changé et que les mentalités ont évolué», estime-t-elle. En effet, la société marocaine est en phase de développement, mais cela ne signifie pas pour autant que les clichés ont disparu. «Le travail de la femme, sa contribution dans les ressources financières du foyer et ses études poussées ont contribué à travailler les mentalités et corriger quelques préjugés.

Malheureusement, ce constat n’est valable que pour quelques grandes villes marocaines» , explique Mohssine Benzakour, psychosociologue. Et d’ajouter : «À une époque donnée, fumer pour un homme était un signe de virilité au Maroc. Aujourd’hui, est-ce qu’on est en train de dire que la femme libre est celle qui peut sans gêne fumer en public ? C’est vraiment une représentation qui ancre la ségrégation à travers un geste anodin qui en plus est un danger éminent pour la santé et de la femme et de l’homme. D’autant plus que le fait de fumer en public ne veut en aucun cas prouver la liberté ou la virilité. Fumer n’est pas un privilège d’une classe sociale cultivée et aisée ou un signe d’émancipation. Les femmes vont donc un jour ou un autre, prendre conscience que pour changer le regard de la société ce n’est pas du tout en fumant, mais par des actes courageux de participation, de complémentarité, de partage et d’amour. Dans un contexte où les inégalités sociales restent une réalité difficilement contournable, les préjugés sont des attitudes comportant une dimension évaluative à l’égard de l’autre».

Un avis que ne semble pas partager un grand nombre d’adolescentes fumeuses. Ces lycéennes âgées de 15 à 17 ans voient dans le fait de fumer en public une forme d’émancipation et de liberté. «Je fume si j’en ai envie et personne n’a le droit de me dire ce que je dois ou non faire. C’est vrai que lorsque les passants nous voient fumer dans la rue, ils nous regardent d’une manière hautaine, mais cela ne me dérange pas. Chacun est libre de faire de sa vie ce qu’il veut et cela s’applique sur moi aussi», affirme Nora, 16 ans. «Non seulement je ne me cache pas pour fumer, mais en plus je proteste si quelqu’un se permet de me faire une remarque désobligeante sur ce sujet. Je ne suis plus une enfant, mais une jeune femme libre et indépendante», lance Doha, 15 ans et demi. Et pourtant cette manie de fumer en public chez les adolescents en choque plus d’un, surtout les hommes. «Voire une jeune fille ou une femme tenant une cigarette entre les doigts est devenu très fréquent. Plusieurs de mes collègues femmes au travail fument tout le temps.

Tant qu’il ne s’agit pas de ma sœur ou de ma fiancée, cela ne me dérange absolument pas. Elles sont libres de faire ce qu’elles veulent de leur santé et de leur vie. Personnellement, je n’ai pas de problème avec ce genre de filles, je peux lier amitié avec elles ou sortir en leur compagnie, mais une chose est sûre : jamais je ne me marierai avec une femme qui fume. Elles sont trop ouvertes et modernes à mon goût». En effet, beaucoup d’hommes avouent que le tabagisme chez une femme peut être un critère dans le choix de l’épouse. Le psychosociologue explique cela par le fait que les stéréotypes et les préjugés font partie de notre héritage culturel, ils sont transmis par notre culture au même titre que les normes, les habitudes et les façons de faire que l’on partage avec les autres. «Vu les rapports, les positions hiérarchiques, les rôles sociaux et les comportements, cela donne plus au moins de la discrimination. Si les hommes redoutent les femmes qui fument, c’est d’une manière ou d’une autre de peur de perdre leurs avantages sociaux», conclut Benzakour.

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