La pièce «À mon âge, je me cache encore pour fumer» se déroule dans un hammam à Alger. Neuf femmes d’âge et de conditions diverses se dévoilent et se mettent à nue dans l’intimité de cet espace clos où la parole est libre. Rayhana, l’auteure de la pièce, est une comédienne et dramaturge, originaire de Bab El Oued en Algérie, qui puise la force de ses écrits dans ses drames personnels. Rayhana a vécu une période sombre de l’Algérie, lorsque le terrorisme des années 90 détruisait le quotidien de la population. Aujourd’hui, l’artiste se revendique féministe et se bat pour changer le regard que l’on porte sur les femmes.
Adil Madih, metteur en scène marocain, dit avoir été séduit en découvrant cette pièce sur l’étagère d’une bibliothèque à Paris. «J’ai tout de suite apprécié l’atmosphère de la pièce et la thématique abordée. J’ai bien aimé cette idée de la femme arabe qui se confie dans un lieu intime», déclare l’artiste. En rentrant au Maroc, il partage sa découverte et ses impressions avec la troupe du Téatron, une compagnie théâtrale qui officie depuis 1998 à la Fondation des arts vivants de Casablanca, et d’un commun accord, ils décident de monter la pièce ensemble. Adil Madih se plonge dans la pièce et en fait sa propre adaptation. Une adaptation qui n’est, toutefois, pas très différente de la version originale : «Certains passages dans la pièce se réfèrent au terrorisme algérien que nous, en tant que Marocains, n’avons pas vécu. En accord avec l’auteure Rayhana, nous avons décidé d’alléger davantage la pièce et de la jouer un peu à notre façon». Pour Adil Madih, il n’était pas question de «marocaniser» la pièce, mais seulement de la rendre plus «accessible» au public marocain. Le metteur en scène se dit très fier des comédiennes qui, bien qu’elles ne soient pas algériennes, ont parfaitement réussi à s’accaparer l’histoire de leur personnage.
L’artiste ne nie pas avoir également ajouté sa petite touche personnelle en introduisant le personnage masculin (Kader). Ce dernier existait déjà dans la version originale de la pièce, mais en tant que voix off uniquement. Le metteur en scène a décidé, lui, de lui donner plus de présence en le faisant apparaître sur scène dans des séquences de flashback. La pièce revient sur la condition des femmes en Algérie, mais fait également écho à la violence portée à la gent féminine dans le monde arabe. Adil Madih perçoit la pièce de Rayhana comme «un cri de la part d’une femme qui a vécu une période difficile de l’Algérie». Pour lui, cette pièce est «une façon de dénoncer l’héritage culturel machiste de la société». La thématique abordée dans la pièce trouve son sens dans les circonstances actuelles où les femmes se battent de plus en plus pour faire reconnaître leurs droits.
Aucun calcul de la part du metteur en scène qui avoue ne pas avoir fait le rapprochement entre la pièce et le contexte actuel à l’époque où il a commencé à travailler sur la pièce, il y a presque un an. Il reconnait toutefois avoir peut-être été inconsciemment touché par un sujet qui, pour une fois, rend hommage aux femmes. «À mon âge, je me cache encore pour fumer» est la première pièce écrite en français de l’auteure Rayhana. Elle sera donc jouée en français le 28 juin prochain au Complexe culturel d’Anfa. Cependant, le metteur en scène ne cache pas son envie d’adapter la pièce en arabe dans l’espoir de toucher un public encore plus large.
