Chaque année à la même période, les Casablancais, à l’image de tous les Marocains, voient leur ville prendre des allures particulières. Des commerces et des garages aménagés fleurissent dans les artères et ruelles de la métropole pour accueillir une marchandise peu commune : des moutons. En effet, les jours précédant l’Aïd Al-Adha une descente massive d'ovins envahit la ville. Les instigateurs de ces commerces, de plus en plus nombreux, savent pertinemment qu’il y a des affaires à saisir et offrent aux citadins la possibilité d'acheter sur le pas de leur porte.
Nombreux sont ceux, parmi les habitants, qui y trouvent leur compte. Cela est de nature à leur épargner le déplacement jusqu’à l’un des souks de la métropole, économisant également une demi-journée consacrée à l’achat du mouton. Mieux encore, les tenants de ces commerces qui investissent les quartiers peuvent garder le mouton et s’en occuper jusqu’à la veille de l’Aïd, moyennant une poignée de dirhams contre «l’hébergement» et le fourrage.
Des attitudes controversées
Mais ces moutons dans la ville suscitent plusieurs attitudes controversées. Aubaine pour certains adultes, ils sont aussi une source d’amusement pour les plus jeunes. Ces derniers y trouvent un spectacle inhabituel dans leur quartier, alors que d’autres n’y voient qu’un pur désagrément et une source de pollution sonore et olfactive.
Cependant, ce que la majorité des gens ignorent, c’est que ces commerces ne sont pas soumis à une quelconque autorisation. Sous couvert d’anonymat, un haut responsable de l’autorité explique que ces commerces saisonniers obéissent à ce que l’on appelle communément «Al Ôrf», l’équivalent du droit coutumier. «Cette activité saisonnière date de la nuit des temps, avant même l’époque moderne. Nomades et éleveurs regagnaient les villes pour les approvisionner en bétails de toutes sortes. Ils n’avaient nullement besoin d’autorisation à l’époque. Cette coutume a accompagné l’avènement du concept de la ville tel qu’il est aujourd’hui, et ces commerçants ont perpétué cet acte, mais seulement durant la période de l’Aïd et sur une durée qui ne dépasse pas la dizaine de jours», souligne-t-il. Aussi, l’installation de ces commerces est tolérée par les autorités, car elle s’avère également être une activité génératrice de revenus, créant un ensemble de petites activités autour, entre ceux qui donnent un coup de main au tenant du commerce, le livreur de fourrage, le marchand de charbon, etc.
Moyennant un loyer oscillant entre 3 000 et 10 000 DH pour une dizaine de jours, voire plus selon l’arrondissement de prédilection, les locaux destinés à abriter ce commerce saisonnier sont pris d’assaut chaque année et aucun quartier n’est épargné. Qu’ils soient éleveurs ou simples spéculateurs, ces commerçants arrivent d’un peu partout : Settat, Berechid, El-Kelaâ, Béni-Mellal et autres, Casablanca étant un pôle d’attraction vu les prix pratiqués, dépassant significativement ceux qui existent dans les autres villes et petits patelins.
