Le Ramadan est l’occasion pour nos chaînes, trop peu regardées durant l’année, de se réconcilier avec le public marocain. On y enregistre souvent en cette période un fort taux d’audience. En témoignent les statistiques récentes fournies par Marocmétrie. Ce rapport fait état d’un taux d’audience de 73,7% réparti sur l’ensemble des chaînes nationales du pôle audiovisuel public. Or ce n’est encore que l’arbre qui cache la forêt. La qualité des programmes laisse à désirer. Nos chaînes nationales ont déployé de gros moyens financiers pour la réalisation de programmes de divertissement, de séries humoristiques, de films et de sitcoms.
Censée répondre aux attentes de millions de téléspectateurs marocains qui exigent des programmes de qualité, cette grille s’est montrée encore sans consistance et sans respect pour le public marocain. Sans saveur, décevante et lamentable. Le nomadisme cathodique bat son plein. Sur la toile, on parle aussi de la piètre qualité des programmes de télévision «Spécial Ramadan». Il y a des pages entières dédiées à ce sujet. Sur Facebook, Twitter, YouTube, entre autres réseaux sociaux, tout le monde parle d’un travail à la va-vite, de producteurs et de comédiens «has-been», un peu «parachutés» et qu’on qualifie aussi de «récidivistes». Le public se voit donc obligé de recourir son mode de critique de prédilection : la télécommande. Il cherche dans les productions étrangères ce qui assouvirait sa soif de divertissement.
C’est ce que constate également Fouad Khaïri, animateur et producteur pour qui nos chaînes nationales refusent catégoriquement de faire confiance à de jeunes producteurs. «Dans leur esprit, on ne change pas une équipe qui gagne. Pourtant, ce ne sont pas les idées qui manquent ni les jeunes producteurs», surenchérit-il. Mais la principale lacune demeure la mauvaise gestion de la production. Ceci s’explique par la tradition qui fait que les produits télévisuels dans la plupart des cas sont souvent confiés au producteur exécutif de la télévision. «Ici, il est question de rompre avec cette tradition et d'adopter un nouveau mode de gestion au niveau de la production. Mais ceci exige impérativement qu’il y ait des boîtes de production indépendantes, autonomes, capables de s’investir de A à Z.
Donc, il est plus que jamais temps que la télévision ait un nouveau mode de production où les contrats sont transparents, la gestion de l’argent claire et se faisant selon un cahier des charges bien détaillé», explique le critique de cinéma Mohamed Bakrim. C’est ce que le ministre de la Communication a exigé cette année des responsables du pôle audiovisuel national. Les résultats n’ont pas été tout à fait probants. La transparence a bel et bien été au rendez-vous, mais au détriment de la qualité. Pour le critique de cinéma Ahmed Sejilmassi, cela est dû, surtout au délai court réservé à la préparation de ces produits. «La précipitation et l’improvisation des responsables d’exécution restent les principales causes qui entravent la réalisation de produits acceptables aussi bien sur le plan de l’image que sur celui du contenu. La problématique de l’hégémonie et de l’accaparement de l'offre ramadanesque par certaines sociétés de production depuis plusieurs années contribue à cet état de fait», souligne-t-il.
Du même avis, Rachid El Ouali, réalisateur de la série «Nass El Houma», diffusée sur la chaîne 2M, indique que son équipe à dû travailler de «manière marathonienne» pour être dans les délais. «Le tournage de la série a démarré deux mois et demi avant le mois du Ramadan», précise-t-il. À cela s’ajoutent l’écriture des scénarios et les mille et un dysfonctionnements dont souffre l’expérience marocaine dans ce domaine. Driss Idrissi, réalisateur de la série «Haoulou Ala Mastour», diffusée sur la chaîne Al Aoula juste avant la rupture du jeûne, conforte ce constat. Pour lui, nombreuses sont les défaillances dont souffre l’expérience des sitcoms dès son introduction au Maroc. Et comme chaque année, le Ramadan a encore sonne le glas d’une guerre de l’audimat. C'est là un secret de Polichinelle. Dans l’univers audiovisuel, la publicité représente la principale ressource. De ce fait, les mesures audiométriques qui orientent les annonceurs servent de boussole pour un bon placement publicitaire. Et le téléspectateur se trouve au cœur même de ce duel médiatique. Peut-être qu’il ne parvient pas à saisir la portée économique de cette mêlée, mais une chose est sûre : durant le ramadan, le Marocain jette encore son dévolu sur les chaînes nationales. Mais la «zappette» du téléspectateur à tendance à devenir de plus en plus vive.
