L’occasion pour «le Matin» de faire un focus sur cette grande métropole africaine qui vient d’accueillir le Président du Sénégal Macky Sall, mise en scène par Hollywood dans son fameux film «Casablanca» et à travers un ouvrage collectif qui vient de paraître : «Le grand Casablanca : la décennie de la Renaissance». Une ville qui impressionne par son effervescence, son énergie. C’est la plus grande ville du Maghreb, la quatrième du continent africain, qui abrite 10% de la population, 55% des unités productives, le tiers du réseau bancaire national, en attendant Casablanca Finance City qui fera du Maroc un hub financier régional, 50% de la population active du Royaume et 50% de la valeur ajoutée au niveau national, comme le souligne Mohamed Chafiq Benkirane, président du Conseil de la région du Grand Casablanca qui appelle à la mise en place d’un schéma régional économique, à la mobilisation des ressources financières et à la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés, élus, autorités et société civile, autour d’une vision claire et partagée du modèle de développement et d’un système de gouvernance adapté.
On connaissait l’ouvrage référence d’André Adam, professeur et expert de l’Unesco, «Histoire de Casablanca des origines à 1914», publié en 1968. Un autre ouvrage, plus récent, «Casablanca, mythes et figures d’une aventure urbaine», est paru en 1998, fruit de près d’une décennie de recherches de Jean-Louis Cohen et Monique Eleb et traduit en anglais. Il présente la ville comme une collection exceptionnelle d’espaces urbains, de maisons et de jardins. Une ville d’aventures, une ville étrange et troublante où tout peut arriver, mais aussi lieu d’invention et de modernité, une figure de lieu d’expérience, un champ d’expérimentation réglementaire, technologique et culturel, notamment avec les architectes urbanistes Prost et Ecochard. Ville marchande, ville internationale et marocaine à la fois, ville métissée où les différents génies nationaux et régionaux se sont composés, aux croisement des cultures méditerranéennes et d’un processus d’américanisation, Casablanca est, selon les auteurs, le théâtre de conflits à géométrie variable entre investisseurs, municipalité et État. Elle aura permis la constitution d’un répertoire de formes et d’espaces d’une extraordinaire variété dans lequel les courants de la modernité ont trouvé des occasions fécondes...
Aujourd’hui, l’ouvrage collectif «Le grand Casablanca, la décennie de la Renaissance», aux Éditions économiques du Maroc, fruit d’un partenariat entre plusieurs institutions, dont le CRI, sous l’égide de son directeur Hamid Ben Elafdil et de son équipe, et la CDG, sous l’égide de son DG Anass Houir Alami, tombe à propos avec les célébrations de la Fête du Trône. Il donne le tempo d’une formidable vitalité et énergie d’une capitale économique en pleine mutation et en construction. «L’avenir de notre territoire, écrit Hamid Ben Elafdil, est en train de se dessiner sous nos yeux, chacun de nous peut y apporter sa touche». Casablanca est en mouvement, avec ses tours, ses galeries, ses mosquées, elle préfigure le Maroc de demain. C’est cette dynamique que l’on retrouve dans l’ouvrage, à travers notamment les chapitres consacrés aux «Regards sur la ville», «l’Essor de la ville» et les chantiers de l’avenir avec une ville qui se redessine. Nous publions quelques-uns des extraits des contributions des partenaires de l’ouvrage qui portent cette énergie, signe d’une formidable vitalité.
Mohamed Kabbaj, ancien ministre et ancien wali de Casablanca
Le Maroc a subi, depuis la fin du siècle dernier, des changements profonds induits par la Mondialisation et les progrès technologiques spectaculaires. Il y a répondu par une politique courageuse d'ouverture politique et économique menée par S.M. le Roi Mohammed VI. Casablanca se devait de s'y adapter rapidement. Sa structure, tant au niveau des facteurs de production qu'en termes d'infrastructures, était essentiellement orientée vers le marché local et, par conséquent, inadaptée à la compétitivité internationale.
Il devenait ainsi urgent de reconfigurer le positionnement stratégique de la ville grâce à une nouvelle politique de développement économique et social, et identifier de nouvelles sources de financement nécessaires à cette politique.
C'est ainsi que Casablanca a structuré son offre économique sectorielle, en faisant le choix gagnant de se positionner sur des créneaux innovants et différentiés à forte valeur ajoutée, tels l'offshoring, l'aéronautique, les énergies renouvelables ou les nouvelles technologies, plutôt que de se limiter aux industries légères, de transformation, à bas salaires.
Parallèlement à une politique de développement ambitieuse axée sur de nouveaux secteurs d'activité, la métropole a aussi entrepris de moderniser ses secteurs traditionnels, tels que le textile, les services ou le tourisme, en y apportant de la valeur ajoutée par le design, le marketing, mais également les plus récents moyens de communication et de télécommunication.
Pour répondre à ce nouveau positionnement et rattraper le retard accusé par la ville, le Grand Casablanca a lancé et accompagné une vague de chantiers sans précédent. C'est ainsi que les grands projets de la métropole ont vu le jour. Ils répondent chacun à un objectif de développement précis et contribuent, chacun à son niveau, à l'amélioration de l'attractivité de la ville. Une politique sociale basée sur l'éradication des bidonvilles et sur l'INDH constitue le ciment indispensable à cette politique.
Casablanca est depuis toujours une ville d'entrepreneurs et de bâtisseurs.
Elle dispose aujourd’hui d'atouts considérables pour se positionner au niveau des grandes métropoles mondiales. Il lui faudra de l'audace et de l'habilité et lutter contre le conservatisme ambiant et la peur du profès. Casablanca a non seulement toutes ses chances, mais aussi toute la légitimité pour figurer en bonne place dans la compétition internationale.
Mohamed Aouzai, directeur général de l’Agence urbaine de Casablanca
Ville cosmopolite et ouverte sur le monde, Casablanca revendique sans faillir un meilleur positionnement sur la scène internationale, en mettant en valeur son potentiel humain et économique et en s'appuyant sur sa position géographique privilégiée. Casablanca peut, du reste, se prévaloir d'avoir acquis une expérience séculaire en matière d'urbanisme, atout majeur qui fait que son espace urbain a toujours été planifié et qui en fait un modèle d'urbanisme au Maroc. Depuis janvier 2010, la région du Grand Casablanca est régie par un nouveau SDAU (Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme) qui s'appuie sur un plan de développement stratégique (PDS) définissant une stratégie de développement durable jusqu'à 2030 et les moyens juridiques, fonciers et financiers de sa mise en œuvre, en particulier la réalisation des plans d'aménagement devant couvrir l'ensemble du territoire de la région. Ces plans, qui précisent les droits d'utilisation du sol, sont réalisés par l'Agence urbaine de Casablanca, en étroite concertation avec les administrations et les assemblées élues et après enquête publique.
En définitive, le Grand Casablanca disposera à fin 2013 d'un plan d'aménagement par commune et, partant, d'un fonds de document d'urbanisme qui recèlent une banque de projets ; ce plan constituera sans nul doute une sorte de feuille de route et un guide pour les édiles locaux soucieux d'aboutir à un développement local maitrisé et harmonieux.
Casablanca a toujours été une ville au regard tourné vers l'avenir. Le développement futur du Grand Casablanca, surtout au cours des 20 prochaines années, représente plus qu'un enjeu local, un dessein à caractère national. L'État, convaincu que la métropolisation est un vecteur de compétitivité internationale, considère que Casablanca constitue le fer de lance de sa stratégie pour moderniser le pays et attirer l'investissement, rehausser le niveau de formation et de technicité.
Mohamed Sajid, maire de Casablanca
La ville de Casablanca a connu, ces dernières années, une croissance sans précédent. En une décennie, la ville a initié nombre de chantiers, de grands projets et des investissements structurels lourds, qui ont façonné, année après année, les contours d'une grande métropole d'avenir. Elle a été et reste la locomotive de la croissance nationale. Mais pour continuer à accomplir convenablement ce rôle, l'agglomération a dû se réorganiser et se restructurer sur elle-même et dans ses périphéries, en veillant à satisfaire au mieux les besoins immédiats de ses habitants. Le Grand Casablanca change finalement d'apparence, de dynamique, il y règne parfois un désordre apparent, caractéristique des grandes villes qui se transforment, mais la ville, Casablanca, reste vivante, dynamique, créative. Le défi qu'elle s'est donné est à ce point ambitieux qu'il devient nécessaire aujourd'hui d'y instaurer un système de gouvernance efficace et des instances exécutives de qualité, seuls garants de la pérennité d'une gestion urbaine efficiente qui se place au-delà des seuls intérêts individuels ou politiques. Le processus de déconcentration administrative et de décentralisation territoriale permettra assurément de pallier les effets négatifs de ce jeu d'acteurs multiples et à géométrie variable, en dotant la ville d'une seule et unique vision d'avenir, partagée par l'ensemble de ses ressources vives. Un cap nouveau qui permettra à son tour à la ville de jouir de plus d'autonomie et de fonder le principe de l'autorité et de la gouvernance sur un nouveau socle de confiance entre la ville, la région et l'autorité centrale.
Mohamed Boussaid, wali de la région du Grand Casablanca
Avec l’émergence des premiers instruments de la démocratie locale, le Grand Casablanca a su saisir les nouveaux enjeux géoéconomiques internationaux, en perpétuels changements, et a adopté une vision d’avenir qui allie les moyens financiers, l’excellence technologique, les préoccupations environnementales et le capital humain.
C’est aujourd’hui un challenge en cours d’être relevé sur la base de grandes réalisations. Des zones d’activités tertiaires, industrielles et touristiques sont déployées au profit des acteurs privés. La mobilité est améliorée, des pôles urbains nouveaux sont déployés pour répondre à la demande des citoyens. Le Grand Casablanca est aussi un centre urbain de la connaissance, assis sur la recherche, l’innovation et la créativité. La volonté commune et partagée par tous les acteurs est de faire de Casablanca, sous la conduite éclairée de Sa Majesté, «une grande métropole ouverte sur le monde, conviviale où il fait bon de vivre et travailler». Sa dynamique économique sera performante, diversifiée, rassemblant autant les technopoles et les industries de pointe que les activités touristiques et commerciales. Le Grand Casablanca renforcera à l’avenir son positionnement comme un grand centre urbain, florissant de connaissance et de culture, sensible aux préoccupations environnementales, en somme une nouvelle Cité-monde aux valeurs nationales.
Anass Houir Alami, directeur général du groupe CDG
À L'heure où le Maroc connait une dynamique de développement territorial sans précédent, le groupe CDG accompagne tout naturellement le processus de régionalisation du pays, qui revêt une importance stratégique, via le développement de projets structurants, conçus dans le cadre d'une démarche intégrée. La ville de Casablanca illustre parfaitement cette démarche, de par la multitude de projets emblématiques développés par le groupe : le projet d'Anfa qui accueillera la place financière «Casa Finance City», l'aménagement de la ville nouvelle de Zenâta qui constitue l'un des plus grands projets d'envergure d'aménagement urbain au monde, la marina de Casablanca, la ville verte «Casa Green Town» et la zone offshore Casaneashore... Tous ces projets contribuent à créer une nouvelle dynamique économique non seulement pour la ville, mais pour toute la région, offrant ainsi une meilleure qualité de vie aux citoyens et rendant le Grand Casablanca plus attractif. Cette nouvelle vision du développement territorial est de nature à rehausser l'image et la compétitivité de Casablanca et, in fine, celles du Maroc.
Hamid Ben Elafdil, directeur du CRI de la région du Grand Casablanca
La décennie 2002-2012 marquera sans doute l'histoire moderne du Grand Casablanca. En effet, notre région a pu décliner sur le territoire les orientations de Sa Majesté le Roi relatives à la gestion déconcentrée de l'investissement permettant ainsi de faire émerger une nouvelle approche du développement économique régional. Cette nouvelle approche pourrait être résumée en 5 étapes : benchmark, concentration, stratégie, outils de mise en œuvre et pilotage.
Fidèle à cette approche, et en phase avec l'esprit de la lettre royale sur la gestion déconcentrée de l'investissement, le Grand Casablanca s'est fait fort de tenir son rôle de locomotive de la croissance nationale en se dotant d'une nouvelle stratégie régionale de développement économique pour la période 2002-2020.
C'est ainsi que durant une décennie, l'action territoriale s'est structurée autour de 5 moteurs de croissance régionale : le plan Émergence pour l'industrie et les services IT, le Programme de développement touristique, la politique des grands projets (infrastructures, nouvelle armature urbaine), mais également la déclinaison régionale du plan Rawaj, et enfin, le développement de nouvelles niches sectorielles à vocation régionale (Europe Middle East &Africa) pour capitaliser sur les atouts intrinsèques de Casablanca.
Casablanca est aujourd'hui une grande métropole, mais pour devenir la métropole internationale à laquelle l'ambition des Marocains la porte pour 2030, il faudra capitaliser sur les expériences de la dernière décennie, et faire preuve, à l'avenir, de plus de pragmatisme pour relever les défis qui entravent l'envol de l'économie régionale. Casablanca fut la première ville où était expérimenté l'urbanisme moderne. N'est-il pas temps que Casablanca redevienne un laboratoire des nouvelles approches urbaines et de développement économique solidaire ?
Selma Zerhouni, architecte, directrice de publication d'«Architecture du Maroc»
Dans les années 90, Casablanca bénéficie de l'euphorie économique du secteur de la construction et de grands édifices se sont accommodés de son tissu urbain souple. Des réalisations d'envergure comme les Twins signées Riccardo Bofill et Élie Mouyal ou le Technopark de Omar Essakali et feu Benembarek ont vu le jour. Les résidences en habitat groupé et sécurisé s'étendent sans interruption vers Californie et Dar Bouazza sous la houlette de l'architecte promoteur Rachid Khayatey…
En 2006, la CGI démarre la Marina, le plus ambitieux des projets de Casablanca. Sur 24 hectares gagnés sur la mer, face à la médina, des tours atteignant 16 étages d'élèvent dans le ciel Casablancais. Le master plan a été confié à l'architecte Yves Lion, tandis que les IGH de bureaux, commerces, résidences, posés sur une double galette de parkings, seront l'œuvre des architectes nationaux : Omar Alaoui et Groupe A3, Aziz Lazrak, Saad Benkirane, Abderrahim Sijilmassi. Transformant radicalement la sky line, un palais des congrès, un aquarium, des hôtels viendront égayer le vécu des Casablancais.
L'ONCF intègre les grands projets mitoyens et valorise son foncier, naguère consacré aux services techniques de la gare de Casa-port, pour libérer l'espace au profit du citadin et du voyageur. Casa-port est amené à être l'une des plus grandes gares intermodales du Royaume grâce aux futures lignes RER et au tramway. Le groupe A3 architectes y travaille pour un aménagement cohérent entre la Marina, la Médina qui doit retrouver son lustre, Casa City Center, la grande Mosquée, l’Avenue royale, la presqu’île d'El Hank, Sindibad, qui sera ludique, et enfin le Morocco Mall. Inauguré en 2011, ce centre commercial du groupe Aksal est conçu par David Padoa pour devenir rapidement l'attraction des Casablancais. Les investissements étrangers et nationaux forcent la construction sur le domaine des Eaux et forêts en bord de mer, jusque sur le sable. À l'instar du Mégarama (Patrick Collier) et du Morocco Mall, les résidences/bureaux d'Anfa Place Living Resort de Foster & Partners défient l'écologie et la topographie. Des richesses naturelles du littoral.
Avec le tramway, la mobilité dans la ville s'accélère, redécouvrant les territoires délaissés des quartiers périphériques et des zones industrielles. Les quartiers résidentiels du boulevard Gandhi, l'Oasis, Palmiers, sont investis par des agences, des écoles privées, des cliniques ou d'autres entreprises de services. Chacun de ces petits édifices est allé chercher d'autres horizons stylistiques, tout en gardant le même gabarit urbain. L'architecte Youssef Nejmi et le designer Hicham Lahlou planchent sur le mobilier urbain. C'est ainsi que les bancs, les poubelles, les arrêts de bus s'harmonisent enfin dans une écriture sobre.
