Cela fait dix ans que le dossier épineux de la réforme des systèmes de retraites est ouvert, sans pour autant aboutir aux résultats escomptés. La sonnette d’alarme a été tirée en 2003 par le gouvernement Jettou. Plusieurs rencontres ont été tenues pendant cette décennie pour établir le diagnostic et mettre en place les différents scénarios. Mais, la concrétisation de la réforme tarde toujours à voir le jour. Cette situation s’explique, selon M’hammed Grine, membre du conseil de présidence du PPS, par des «hésitations politiques» et la quête «à tout prix» du consensus entre les différentes parties concernées. «Or, dans ces questions-là, on ne doit pas chercher le consensus. Il faut, certes, de la concertation et une approche participative pour écouter les différents points de vue. Mais, c’est au gouvernement de décider et de prendre ses responsabilités. Il faut mettre fin aux tergiversations.»
Cet avis n’est pas partagé par les centrales syndicales. Larbi Habchi, parlementaire et membre du bureau central de la FDT, estime que le consensus est on ne peut plus nécessaire entre les différentes parties afin de garantir les intérêts des employés et mettre en œuvre la réforme tant souhaitée.
Le gouvernement est appelé à accélérer la cadence pour rattraper le retard pris, pendant des années. Les centrales syndicales déplorent le gel des travaux de la Commission nationale chargée de la réforme des régimes de retraite sous le mandat de Abbas El Fassi. Le secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT) Miloudi Moukharik fait endosser la responsabilité du retard dans la mise en œuvre de la réforme aux différents gouvernements. Pourtant, la volonté de lancer ce chantier a toujours été exprimée par les responsables gouvernementaux. L’actuel gouvernement a affiché la couleur dès son investiture. Dans la déclaration gouvernementale en janvier 2012, Abdelilah Benkirane s’est engagé devant les députés à veiller à la mise en œuvre d'une réforme intégrée du système de retraites de manière à préserver la pérennité et l'équilibre financier des caisses et d’élargir la base des bénéficiaires afin d’englober les professions libérales, le secteur informel, l’artisanat, l’agriculture, la pêche artisanale et côtière et les coopératives.
Et ce, selon une approche participative avec les partenaires sociaux et économiques. Benkirane a promis également d’améliorer la gouvernance de gestion des caisses de retraite en vue de garantir l’efficience de leur rendement et la qualité de leurs services. Il a fallu attendre un an pour que la Commission nationale chargée de la réforme des régimes des retraites soit tenue (janvier 2013) sous la présidence du chef du gouvernement qui a assuré que l'État «œuvrera à trouver une formule consensuelle fondée sur l’esprit de citoyenneté dans le but d’adopter une réforme appropriée pour notre pays en s’inspirant des expériences réussies dans ce domaine au niveau international». Abdelilah Benkirane a aussi mis l'accent sur la nécessité de prendre en considération, dans le cadre de la réforme globale et profonde des régimes des retraites, le coût social et politique élevé de la «non-réforme».
Quelques mois plus tard, la lettre de cadrage du projet de loi de Finances soulignait l’impératif d’entamer la réforme.
Le gouvernement envisage de mener une réforme paramétrique du régime des pensions civiles géré par la CMR à même de repousser l’horizon de sa viabilité. Une vision qui ne semble pas recueillir l’aval des centrales syndicales. D’après Larbi Habchi, la réforme paramétrique signifie, entre autres, une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite et une hausse des taux de cotisations. «Ce qui affectera largement le pouvoir d’achat des salariés», précise-t-il.
