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l'enseignement public marocain

l'enseignement public marocain
L’illettrisme augmente dans des proportions alarmantes, 50% des élèves quittent l’école après 5 ou 6 ans de scolarisation.

L'abandon scolaire

Au Maroc, 350 000 cas d’abandon scolaire (primaire, secondaire et lycée) sont enregistrés chaque année, selon une étude présentée lors du Colloque international sur l’éducation. L’abandon scolaire concerne certaines catégories d’enfants, l’écart étant plus accentué selon le genre, l’âge ou le milieu de résidence. Les filles sont les plus concernées, et ce, pour plusieurs raisons qui peuvent être liées, entre autres, aux traditions, à la difficulté d’accès et, parfois même, à cause de l’absence de sanitaires dans l’école.
La difficulté d’accès à l’école reste, toutefois, un facteur déterminant. La région du Grand Casablanca, dans l’immensité de son territoire et la diversité de ses provinces et communes rurales, revêt l’aspect d’un laboratoire où cohabitent toutes les facettes de l’abandon scolaire. À titre d’exemple, au niveau des communes rurales Oulad Saleh, Bouskoura, Dar Bouâzza, Sidi Moumen ou Tit Mellil, l’arrêt des études concerne plus les étudiants du cycle universitaire, vu que l’accès à la faculté, en termes de transport, relève du parcours du combattant.

La violence

La violence en milieu scolaire est devenue un problème social d’une importance croissante. On entend de plus en plus parler de violences entre élèves, d'agressions contre les professeurs, de saccages ou de dégradations des locaux scolaires… Si au Maroc, la violence dans les établissements scolaires n’a pas atteint les niveaux enregistrés dans d’autres pays comme les États-Unis, ce phénomène constitue de plus en plus un véritable danger sur l’intégrité physique des élèves, mais aussi des enseignants. D’après le dernier rapport du ministère de l’Éducation nationale sur la «violence dans et autour des milieux scolaires», 800 cas d’agressions verbales ou physiques ayant entrainé des blessures, voire la mort, ont été enregistrés entre septembre 2012 et juin 2013. Dans la même période, pas moins de 25 cas de viols ont été déclarés un peu partout à travers les établissements du pays. Dans son rapport, le ministère souligne que 77% des cas ont été enregistrés en milieu urbain contre 23% en milieu rural. Casablanca détient le pourcentage le plus important de violences scolaires, avec 14% des cas enregistrés. Les provinces du Nord, par contre, sont les moins concernées par ce phénomène.

Les moyens financiers : insuffisants ou mal gérés

Le budget du ministère de l'Éducation nationale connait une croissance annuelle continue. Pour cette année ce département était l’un des rares à échapper à «la rigueur budgétaire». L’enveloppe que lui réserve le projet de loi de finances 2014 s’élève à près de 46 milliards de DH contre 43 milliards en 2013, soit une hausse de 8,5%. Ce budget a été présenté par le nouveau ministre, Rachid Belmokhtar, devant la commission de l’enseignement de la Chambre des représentants. Par ailleurs, la part consacrée à l’investissement va baisser de 8% avec un total de 4,9 milliards de DH en 2014 contre 5,4 en 2013. Ce sont en fait les dépenses de fonctionnement qui accaparent la plus grande part du budget, à savoir 43,4 milliards de DH. Malheureusement, ces investissements demeurent insuffisants au vu des retards accusés par le Maroc dans ce domaine.

Volonté politique, pas assez de résultats

Le Maroc a jusqu’à présent du mal à mettre en place la Charte nationale de la réforme de l’éducation. D’après Omar Azziman, président délégué du Conseil supérieur de l’enseignement, cette situation est principalement due à un décalage entre le temps politique et le temps de l’enseignement dans notre pays. «L’enseignement exige un travail qui s’inscrit dans le long terme. Toute réforme pédagogique doit s’inscrire dans la capitalisation. Elle exige un suivi, un accompagnement et une évaluation», a expliqué M. Azziman lors du colloque international sur l’éducation en octobre dernier. En d’autres termes, si la charte constitue un acquis, les décisions sont freinées avec chaque nouveau gouvernement.

Enseigner la darija : un faux débat

L’introduction de la darija dans l’enseignement est le débat qui a fait fureur ces derniers temps. La proposition récemment émise d’opter pour la langue dialectale comme langue d'apprentissage dans le préscolaire a créé la polémique. Les questions de la langue d’apprentissage et la place de la darija dans les curricula scolaires ont ainsi été abordées lors du colloque dernièrement organisé par la Fondation Zakoura, par le président de cette ONG Noureddine Ayouch, qui a insisté sur la nécessité de l’utilisation de la langue maternelle dans l’enseignement préscolaire et primaire au profit des enfants au lieu de la langue arabe littéraire, relevant que l’enfant trouve des difficultés à communiquer avec l’enseignant qui fait usage d’une langue totalement différente de celle qu'il entend ou qui est en usage chez soi. M. Ayouch avait même plaidé, dans une émission télévisée, pour une langue «médiane» entre le dialecte et l’arabe littéraire, ajoutant que l’appel à l’utilisation du dialecte dans l'enseignement vise à donner plus de rayonnement à cette langue, comme c’est le cas dans d’autres pays arabes. Toutefois, tout donne à croire que cette proposition ne sera pas appliquée dans l'immédiat.

Illettrisme, le mal perdure

Si l’analphabétisme concerne les personnes n’ayant jamais fréquenté l’école, et qui ne comprennent pas le langage écrit ni le calcul, l’illettrisme concerne les personnes scolarisées pendant des années, mais qui n'ont rien retenu et ont perdu la maîtrise de ce qu’ils ont appris. Au Maroc, grâce aux efforts du ministère de l’Éducation nationale ainsi que des différents acteurs sociaux, l’analphabétisme a connu un net recul. En revanche, l’illettrisme augmente dans des proportions alarmantes, 50% des élèves quittent l’école après 5 ou 6 ans de scolarisation, sans acquis et finissent par oublier tout ce qu’ils ont appris quelques années plus tard. Il y a aussi le cas des étudiants illettrés dans les deux langues d’enseignement. Une enquête menée dans les universités de Casablanca démontre que sur les 11 000 étudiants interrogés, 40% sont illettrés en français et aussi en arabe. Ils n’arrivent ni à comprendre les cours ni à prendre de notes.

Les plus pauvres sont les laissés pour comptes

La vision universelle de l’éducation veut que les enfants aient le droit de bénéficier gratuitement d’un enseignement primaire de qualité. Cette conception reste malheureusement un objectif loin d’être atteint au Maroc. La précarité et le manque de moyens font que la scolarisation, notamment celle des filles, est loin d’être un acquis. Nombreux sont les parents qui, face à l’incapacité d’assurer financièrement la scolarisation de leurs enfants, optent à leur place pour l’apprentissage d’un métier. D’autres ont une logique toute différente et estiment que l’enfant doit aider financièrement la famille. Les petites bonnes qui sont encore exploitées par des ménages sans scrupules sont l’exemple vivant de cette logique, alors que sous d’autres cieux, leur place est sur les bancs d’école. Cette réalité n’est pas le propre du monde rural, vu que cette logique n’épargne pas le milieu urbain non plus, notamment dans les arrondissements périphériques. Combien même la scolarisation dans l’école publique reste gratuite, le peu d’investissement que nécessite la scolarisation d’un enfant est parfois hors d’atteinte pour les parents. Cela reste également tributaire du fait que les écoles ne disposent pas du matériel pédagogique élémentaire : manuels, tableaux, papier et stylos.

Comment reconcilier Public et privé

L’échec avéré de l’enseignement public au Maroc a boosté le marché des écoles privées. La demande est telle que ces établissements poussent encore comme des champignons. Le manque de crédibilité qui a atteint l’école publique a enfanté des comportements loin de toute logique. En ce sens, des parents vivant dans la précarité n’hésitent pas à débourser une poignée de sous pour assurer une scolarisation relativement correcte à leurs enfants. C’est le cas d’une sorte de crèches «low coast» ayant vu le jour, moyennant des frais dérisoires de l’ordre de 100 ou 150 DH, qui est pris d’assaut par des parents soucieux de la qualité de prise en charge de leurs enfants dès leur plus jeune âge et par ricochet, de leur avenir.
Les familles à revenus très limités ont également la possibilité de mettre leurs enfants dans des écoles accessibles aux petites bourses.
La scolarité dans certains établissements primaires commence à partir de 300 DH et, faut-il le reconnaître, ils connaissent un succès hors normes, au point de refouler du monde. C’est dire la rupture de confiance qu’il y a eu entre le citoyen lambda et l’école publique. Pour ceux qui en ont les moyens, la scolarisation primaire dans certains établissements se fait rubis sur angle, avoisinant les 4 000 DH mensuels. Et ce n’est pas le coût qui dissuade certains parents.

Manque de débouchés après l'université

L’inadéquation entre la formation et le marché de l’emploi est l’un des principaux maux dont souffre l’enseignement universitaire au Maroc. Selon ce conseiller communal impliqué dans l’enseignement, «il est impérieux de développer une vision globale autour de chaque filière, car certains licenciés se retrouvent dans la rue à cause de la nature de leur formation et du savoir qu’ils ont acquis, n’offrant aucun débouché, car leur domaine de prédilection n’existe aucunement dans le marché de l’emploi, notamment au niveau régional.

Arabisation, la grande méprise

Le Maroc est de facto le seul pays de la planète terre où l’étudiant, une fois passé du lycée à l’université, se voit contraint de changer de langue pour l’enseignement scientifique. Il est avéré que le concept de l’arabisation a fait l’objet d’une précipitation irresponsable et non réfléchie, donnant du fil à retordre même aux enseignants.
Quoiqu'il ne soit pas le seul «coupable», le facteur linguistique reste toutefois l’une des causes principales ayant tiré l’enseignement vers le bas et, au passage, ayant contribué à l’abandon universitaire.
Devant le fait accompli, il faudra bien trouver une issue et arrêter cette hémorragie qui n’a que trop duré.
Cependant, les spécialistes de l’enseignement se posent des questions sur la meilleure façon de rectifier le tir : arabiser l’enseignement scientifique universitaire ou retourner à l’usage de la langue française dans le secondaire ? D’aucuns estiment que cette dernière option reste la meilleure pour remettre en phase les deux niveaux de l’enseignement.

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