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«Le projet de loi de Finances n’a pas été élaboré selon une logique comptable»

Le ministre du Budget Idriss Azami Al Idrissi défend avec conviction les dispositions du projet de loi de Finances au titre de 2014. Il réfute les critiques de l’opposition et estime que le gouvernement a pris en compte, lors de l’élaboration de ce texte, la nécessité de la mise en œuvre des réformes ainsi que le rétablissement des équilibres macro-économiques. M. Azami indique que l’approche prônée n’est pas d’ordre comptable, mais plutôt politique.
Il tient par ailleurs à mettre en avant les avantages des choix gouvernementaux sur le plan fiscal au niveau
tant de l’imposition du secteur agricole qu'au niveau de l’élargissement de l’assiette de la TVA.

«Le projet de loi de Finances n’a pas été élaboré selon une logique comptable»
Idriss Azami Al Idrissi ministre du Budget

Le Matin : Que répondez-vous à l’opposition qui reproche au gouvernement d’avoir ficelé un projet de budget selon une approche purement comptable ?
Idriss Azami Al Idrissi : Le projet de loi de Finances vise à accélérer la mise en œuvre des réformes (compensation, justice, fiscalité…), la promotion de la croissance, de l'emploi et de la cohésion sociale. Il ne s’agit donc pas de répondre à une logique comptable.
Il faut faire des choix. Le rétablissement des équilibres macro-économiques fait également partie des choix d'ordre politique. Il permet de donner de la visibilité aux opérateurs et de promouvoir l’attractivité de notre pays et sa compétitivité. Le rétablissement des équilibres macro-économiques revient à asseoir une situation saine avec moins de dettes pour les générations futures et les conditions d'une croissance élevée créatrice de richesses et d'emplois.
Par ailleurs, agir sur la trésorerie de l’entreprise tant au niveau de la TVA que de la transparence fiscale s’avère de la plus haute importance au même titre que l’intérêt porté à la cohésion sociale.
En somme, c’est un projet de réformes, de croissance et de cohésion sociale avec des choix politiques très clairs quoique la conjoncture soit difficile. C’est une optimisation entre les contraintes et les attentes. Nos choix politiques dans le cadre du projet de loi de Finances sont assumés.

Le budget d’investissement de certains secteurs sociaux notamment la santé et l’éducation enregistre une baisse par rapport à 2013. Comment expliquez-vous cette situation alors que le gouvernement dit qu’il prône une approche sociale ?
Au niveau du budget général, les crédits alloués aux secteurs sociaux représentent plus de 133 MMDH soit plus de 53% des crédits ouverts.
Les secteurs sociaux doivent être traités selon une vision consolidée de l’investissement. Que ce soit pour l’éducation ou pour la santé, l’exécution ne se fait pas au niveau central, mais régional à travers notamment les académies régionales et les universités. Ainsi, il faut combiner le budget du département à celui des académies régionales ou des universités. La démarche est, donc, globale et consolidée. Par ailleurs, au niveau de la promotion des investissements, on continue de soutenir l’entreprise notamment la PME à travers les programmes d’appui (Moussanada, Imtiaz). L’appui à l’exportation figure aussi au menu de nos actions. On rentre dans la phase de croisière en ce qui concerne la mise en place de la stratégie Maroc-Export à travers notamment la formation aux métiers de l’export et l’accompagnement des entreprises. Autre point important à signaler : le début de la mise en œuvre du taux de 20% des marchés publics au profit des PME marocaines.

Quid de la mise en œuvre de cette mesure qui devait être appliquée en septembre ?
Sur le plan pratique, le travail a déjà commencé au niveau du ministère et avec les départements concernés. C’est d’ailleurs l’une des causes du retard de l’entrée en vigueur de cette mesure qui était prévue le 1er septembre. On l’a ajournée de quatre mois pour pouvoir réaliser un travail de formation, d’accompagnement, de préparation et de vulgarisation pour la mise en œuvre du décret. 20% ne constitue que le seuil minimal. Les PME peuvent en avoir plus.
Ensuite, il s’agit de la simplification des dossiers d’appel d'offres ainsi que de la transparence et la concurrence en la matière à travers le circuit électronique ainsi que les papiers demandés. Le dossier administratif demandé est désormais plus simple. Et le dossier complet sera demandé à la société adjudicatrice du marché. Cette démarche vise à simplifier la tâche à la PME qui peine à accéder aux marchés publics.

Les mesures fiscales ont fait l’objet de plusieurs critiques. Sur quelle base s’est fait votre choix ?
La fiscalité occupe une place importante dans le corps de la loi. En premier lieu, il s’agit de l’amélioration des recettes de l’État selon les recommandations des assises de la fiscalité. Sur le plan de l’élargissement de l’assiette, cette année, on n’aura plus de nouvelles exonérations. Un travail sur la récupération des exonérations en fonction de leur utilité économique et sociale commence à être fait progressivement.
En matière de fiscalité agricole, l’application de la loi sera faite de manière progressive en prenant en considération la spécificité du secteur ainsi que les objectifs de la stratégie Maroc vert.

Comment comptez-vous concrètement mettre en œuvre cette imposition agricole sachant que plusieurs entreprises agricoles ne sont pas structurées ?
Le travail ayant trait à l’élargissement de l’assiette et de la fiscalisation n’est pas toujours facile. En ce qui concerne les agriculteurs, l’année 2014 sera une année de démarrage et les bénéfices ne seront imposés qu’à partir de 2015 sur la base des revenus de 2014. Nous allons pouvoir bénéficier de cette période transitoire puisqu’on commence avec un chiffre d’affaires très élevé de 35 MDH et on arrive en 2020 vers 5 MDH. La progression concerne le chiffre d’affaires et aussi le taux à appliquer. Le taux de droit commun ne sera appliqué qu’après une période transitoire de cinq années. On commence avec un taux réduit au regard de la spécificité du secteur. Il faut prendre en compte aussi que la fiscalisation doit servir à accompagner les agriculteurs afin d’atteindre les objectifs du Maroc vert qui prendra fin début 2020.
Sur quelle base le gouvernement a-t-il fait le choix pour fixer le seuil d’imposition du secteur agricole ?
Il est important de clarifier que le chiffre d’affaires n’est pas la base de l’imposition. Il est plutôt le critère de fiscalisation. Les entreprises et les personnes qui seront fiscalisées sont les entreprises qui atteignent un certain chiffre d’affaires. On commence par 35 MDH,
20 MDH, 10 MDH et on arrive à 5 MDH. Le chiffre d'affaires n’est pas un critère de calcul et de paiement de l’impôt.
Le chiffre d’affaires résume et la superficie et la productivité ainsi que le rendement d'une exploitation. L’imposition ne sera pas forfaitaire. La fiscalisation se fera comme le droit commun sur la base du bénéfice. Si on gagne, on paie. Si on ne gagne pas, on ne paie pas. Le bénéfice résume la rentabilité de l’exploitation ainsi que les conditions climatiques. C’est le critère le plus proche de la réalité de l’entreprise agricole.

L’imposition de l’achat du matériel agricole a suscité des remous chez les professionnels. Cette mesure ne va-t-elle pas impacter aussi les petits agriculteurs ?
L’imposition à la TVA du matériel agricole se fera de manière progressive. Elle ne concerne qu’une partie de ce matériel. Le choix s’est fait sur la base de plusieurs critères notamment l'importance et la nécessité du matériel pour le plan Maroc vert et l’état d’avancement de la mécanisation.
Il est à souligner que la fiscalisation à la TVA du matériel agricole rentre dans le cadre d’une démarche globale relative à la réforme de la TVA qui est parmi les plus importantes recommandations des assises. Telle qu’elle est appliquée aujourd’hui, la TVA impacte tant l’entreprise que le consommateur pour certains secteurs qui connaissent une multiplicité des taux en amont et en aval. Ainsi, on se retrouve avec une taxe sur le chiffre d’affaires. Finalement, cette situation grève le coût de production de l’entreprise et se répercute sur le consommateur. L’idée de la réforme est d’aller vers deux taux : 10 et 20%. En réduisant le nombre du taux, on va plus vers une taxe sur la valeur ajoutée finale, en réduisant la rémanence au niveau de la chaîne de production. Le coût de production est ainsi réduit. On fait, ainsi, bénéficier l’entreprise de la liquidité, car elle aura moins de butoirs et ainsi, elle recourra moins à d’autres financements…

L’opposition et certains économistes n’ont pas le même regard sur cette réforme amorcée de la TVA. Ils estiment que l’élargissement de l’assiette fiscale de la TVA aura un impact négatif sur le pouvoir d’achat des citoyens. Qu’en pensez-vous ?
Tout dépend du regard qu’on porte sur la réforme. Il ne s’agit pas de simples augmentations des taux. Le changement des taux de la TVA rentre dans le cadre d’une démarche globale. On est en train de converger progressivement vers deux taux en vue de libérer la liquidité pour l’entreprise. Cette année, on supprime la règle de décalage pour les entreprises. Cette mesure se chiffre à 3 MMDH. Cette réforme se fera sur cinq années, car elle est très coûteuse pour le budget de l’État. On libère par année 
600 MDH. Ce qui va impacter positivement le coût de production.
En faisant converger les taux vers 10 et 20% et réduisant le nombre des taux, on règle en partie la question du «butoir» qui impacte le coût de la production ; chose qui se répercute sur le consommateur.
On allège, de ce fait, la trésorerie de l’entreprise. Avec la concurrence, à chaque fois qu’une entreprise gagne sur son coût de production, elle le fera répercuter sur le consommateur.

En dépit des critiques, les comptes spéciaux du Trésor gardent dans le projet de loi de Finances la même position que les années précédentes. Où en est la réforme de ces caisses qu’on qualifie de «noires» ?
Les comptes spéciaux du Trésor sont comme le budget général de l’État et les services de l’État gérés de manière autonome.

Sont-ils contrôlés ?
Bien sûr, ils le sont. La phase de la programmation se fait comme celle relative au budget général et aux SEGMA. Et le recouvrement des recettes, autorisé par l’article 1 de chaque loi de Finances, se fait dans le cadre de la loi, selon les mêmes règles appliquées pour le recouvrement des impôts et taxes. Il faut que les recettes des comptes spéciaux soient instituées par la loi et recouvrées de la même manière.
En outre, le budget des comptes spéciaux est voté au Parlement de la même manière que le budget général.
En termes de transparence, un rapport annuel est établi. Concernant les dépenses, ce sont les mêmes règles appliquées au budget de l’État. En somme, les comptes spéciaux du trésor, créés par les lois de Finances conformément à la loi organique des Finances, ne sont pas de caisses noires.

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