Le Matin : Quelles sont selon vous les principales causes des accidents de circulation ? Et ces causes ont-elles évolué depuis l’introduction du nouveau Code de la route ?
Najib Boulif : L’analyse des accidents de la circulation au Maroc montre que le comportement humain est le 1er facteur responsable de la majorité des accidents. Les facteurs les plus fréquemment cités sont : l’excès de vitesse, le défaut de maîtrise des conducteurs, le non-respect des règles de circulation et la fatigue ou la somnolence pour les conducteurs professionnels. Cette analyse corrobore les études de l’accidentologie réalisées au niveau mondial et qui montre que 80% des accidents de la circulation routière sont dus essentiellement au comportement humain du conducteur. Le Code de la route est un arsenal juridique qui a notamment pour objectif d’agir positivement sur le comportement des usagers de la route. Les principales nouveautés introduites à ce sujet par la loi 2.05 portant Code de la route notamment le permis à point, les stages d’éducation à la sécurité routière, la formation qualifiante initiale et continue des conducteurs professionnels, l’automatisation du contrôle et la mise à niveau de l’enseignement de la conduite, sont en cours de mise en œuvre. L’évaluation de leur impact sur l’amélioration du comportement des usagers ne peut être perceptible qu’à moyen terme.
Certains parlent d’un échec de ce Code surtout que le nombre de morts sur les routes ne diminue pas, qu’en pensez-vous?
Pour lutter contre le fléau de l’insécurité routière, le Maroc a adopté en 2003 une stratégie nationale de la sécurité routière dont la mise en œuvre s’effectue à travers des plans triennaux (plans stratégiques intégrés d’urgence PSIU) articulés autour des axes suivants :
• Coordination et gestion de la sécurité routière à haut niveau
• Législation
• Contrôle et sanctions
• Formation des conducteurs et réforme de l’examen du permis de conduire
• Amélioration des infrastructures et des voiries urbaines
• Amélioration des secours dispensés aux victimes des accidents
• Communication, sensibilisation et éducation routière
À ce jour, trois plans ont été élaborés, couvrant les périodes 2004-2006, 2008-2010 et 2011-2013. Le Code de la route qui constitue l’une des actions du deuxième axe qui est la «législation» ne peut à lui seul apporter des améliorations. Cela implique la mise en œuvre de l’ensemble des actions prévues dans les PSIU simultanément et d’une manière intégrée. Or, le Code de la route qui devrait apporter la crédibilité à l’action du contrôle n’est entré en vigueur qu’en octobre 2010 et sa mise en œuvre a coïncidé avec des circonstances nationales et régionales qui l’ont ralenti notamment en ce qui concerne la montée en charge du contrôle routier. Cependant la mise en œuvre de la stratégie a permis de rompre avec le rythme croissant du nombre des tués qui augmentait d’environ 4,5% par an durant la période 1996-2003. Ce nombre est passé de 2 807 en 1996 à 3 878 en 2003.
Les résultats enregistrés après 2003 restent mitigés, mais marquent une stagnation du nombre de tués malgré l’augmentation du trafic routier et du parc automobile (par véhicule ce nombre baisse).
D’ailleurs l’année 2012 a été marquée par un retour léger à la baisse et les 10 premiers mois de 2013 enregistrent à présent selon les statistiques provisoires une diminution de 9,25% dans le nombre des tuées et 8,33% dans le nombre des blessés graves en comparaison avec les 10 premiers mois de 2012. Ces résultats traduisent les efforts déployés en matière de pérennisation du mode de gouvernance de la sécurité routière et de la montée en charge soutenue de la mise en œuvre des dispositions du Code de la route, notamment en matière de contrôle routier.
Avez-vous prévu des changements au niveau du Code ?
S’agissant de la révision des dispositions du Code de la route, elle concernera les dispositions difficiles à mettre en œuvre, notamment les sanctions privatives de liberté, suite aux accidents corporels. Le ministère a recueilli les propositions de toutes les administrations concernées ainsi que celles des représentations professionnelles. Le projet de loi modifiant la loi 2.05 sera mis dans le circuit d’approbation avant le mois de décembre 2013.
Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le fléau ?
Le gouvernement accorde une priorité particulière pour ce dossier. Des réunions régulières sont tenues sous la présidence du Chef de gouvernement qui a fixé des orientations claires et précises pour la période 2013-2016 avec un plan d’action qui s’articule autour des actions
suivantes :
• Renforcement du contrôle de la vitesse hors agglomération en y introduisant en plus du contrôle par radars fixes, le contrôle par radars patrouilles.
• Redynamisation des brigades mobiles de contrôle routier BMCR relavant de la sûreté nationale pour le renforcement du contrôle du respect des règles de la circulation en agglomération.
• Adoption de nouvelles technologies dans le contrôle routier des autocars affectés au transport public des voyageurs (GPS, éthylotest anti démarrage,
• Amélioration de l’infrastructure en adoptant un programme spécial d’aménagement sécurité routière estimé à 3 milliards de dirhams sur la période 2014-2017 dont 1,5 milliard pour le traitement des points noirs.
• Amélioration du secours à travers la mise à niveau du parc ambulancier pour la prise en charge des victimes sur le lieu d’accident et durant leur transfert aux urgences.
• Renforcement et consolidation des efforts en matière de sensibilisation.
