«Boum, boum, Taratatatata boum», il est presque impossible de passer une journée sans entendre ces bruits dernièrement. Il faut le deviner, Achoura, le dixième jour du mois de Moharram, est pour bientôt. Les sifflements des «fusées» et l'explosion de la «Grenade» font partie de notre quotidien en cette période, au grand dam des citoyens. «Je n’arrive plus à dormir en paix à cause de tous ces bruits. On dirait que nous sommes en pleine guerre», «C’est très dangereux de faire peur aux gens de cette façon, surtout si c’est une femme enceinte ou une personne cardiaque par exemple», «Il faut une loi qui interdit définitivement ces explosifs»…
Pas plus loin que la semaine dernière, quelque 140 000 pétards prêts à être revendus à des détaillants ont été saisis par les éléments de la police judiciaire à Casablanca. Trois personnes ont été arrêtées lors de cette opération qui s’inscrit dans le cadre d’une campagne menée contre la vente de pétards lors de la période des festivités de l'Achoura.
Certes, la police judiciaire fait de son mieux pour lutter contre ce phénomène, mais cela semble insuffisant.
Ces «jeux explosifs» hérités de génération en génération persistent toujours de façon illégale. «Quand j’achète un pétard, j’ai l’impression que je vais acheter de la drogue. Les vendeurs sont très discrets. Quand ils aperçoivent des gamins ou de jeunes ados comme moi en train de chercher un vendeur, ils se contentent de dire le mot de passe pour savoir si on est intéressés ou pas. Après les “Zidane”, il y a quelques années, cette année ce sont des “Ronaldo” et des “Messi”», confie Adil, un lycéen de 15 ans.
Dangers
L'utilisation irresponsable des pétards transforme parfois la joie de fête en affliction. «J’étais assise dans le salon avec ma sœur quand un pétard jeté par la fenêtre de notre maison (qui est au rez-de-chaussée) s’est explosé entre mes pieds. Heureusement qu’il n’y avait pas de tapis. Le pire est que nous n’avons même pas pu trouver les gamins responsables, parce que ça aurait pu être plus grave», raconte Mina, mère de famille dans la quarantaine. Les dangers des pétards ne concernent pas l’entourage uniquement.
Les utilisateurs de ces explosifs sont, en effet, les personnes les plus à risque. Ces enfants subissent les conséquences de leur insouciance et de la non-surveillance des parents. D’après une étude rétrospective menée au service d’ophtalmologie pédiatrique au CHU Ibn Rochd de Casablanca, au cours de la période de Achoura 2001 portant sur tous les dossiers des patients hospitalisés, ces jeux occasionnent des traumatismes oculaires et faciaux plus au moins graves. Dans leur bilan, des ophtalmologues du CHU ont rapporté 15 observations de malades traités au Service d’ophtalmologie pédiatrique de l’Hôpital 20 août de Casablanca. L’âge moyen des patients était de 12 ans et demi, avec des extrêmes de 3 et 25 ans. Selon ces médecins, les pétards, la première cause des accidents (50%), ont occasionné des contusions oculaires avec parfois un œdème de Berlin.
L’atteinte oculaire par fusée a occasionné un éclatement du globe et une plaie de paupière. Les bombes de carbone ont été responsables de brûlures de deuxième degré palpébrales et conjonctivo-cornéennes avec de multiples corps étrangers cornéens profonds.
Les «étoiles» et la limaille de fer ont provoqué des brûlures cornéennes moins graves avec des corps étrangers superficiels. Les pistolets à bille ont été responsables de contusions oculaires.