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Comprenez-vous la

Les faits Dans un pays où la «darija» est la langue parlée couramment et quotidiennement par les Marocains, comment font les autres citoyens qui ne savent ni comprendre, ni parler l’arabe classique ?

Comprenez-vous la

«Je ne lis et ne comprends ni l'arabe classique ni la “darija” (dialecte)», confie Mae. Avant d’ajouter : «maintenant que je vis au Maroc depuis deux ans, j'ai fait quelques efforts au niveau de la compréhension, mais ce n'est pas encore tout à fait bon», ajoute la jeune fille. Elle travaille dans un milieu totalement en adéquation avec son «handicap». Issue d'une famille mixte d’un père marocain et d’une mère espagnole, Mae n’a jamais communiqué en arabe chez elle et même son père ne s'exprimait pas non plus dans sa langue natale avec elle.

Née à Metz (en France), la jeune journaliste venait en vacance au Maroc tous les ans depuis ces treize ans environ. Mais là encore, elle a séjourné dans un environnement francophone puis qu’elle allait à l'hôtel, accompagnée de ses cousins de France. Ainsi, aucun d’entre eux ne parlait arabe, mais malgré cela, lors de ses vacances, Mae n’a «jamais ressenti le poids de la barrière de la langue». Soit parce qu’elle était entourée de personnes francophones, soit parce que son père et les autres s'exprimaient à sa place.
Selon Mae, «au final, sa situation n'est pas handicapante au quotidien». Toutefois, elle confesse que cela n'est pas toujours facile. Puis de reprendre. «Je vis seule et par conséquent je dois me débrouiller. Quand il faut appeler le plombier, l'électricien, le gardien ou autre, c'est moi qui dois m'en charger et bien souvent, ces gens-là sont arabophones. La plupart du temps, j'arrive à me faire comprendre en brodant quelques mots en “darija”. Sinon, ma technique infaillible est d’appeler mon père au téléphone (qui habite toujours en France) afin qu’il explique en arabe, ce que je souhaite dire à la personne en face de moi», déclare-t-elle. Même si elle avoue ne pas être fière d’avoir besoin de faire appel à son père (car la jeune fille a pris l'habitude de se débrouiller seule) elle assure ne pas être tant dérangée que cela par la non-maîtrise de l’arabe.

Par amour
À quelques bureaux de là, Aya connait elle aussi quelques soucis quotidiens vis-à-vis de sa langue maternelle. Aya est née à Casablanca, mais elle a dû quitter le pays à l’âge de trois ans. «Ayant un frère malade, mes parents ont pensé que quitter le pays lui offrirait plus de chance de vivre convenablement avec sa maladie», raconte Aya. «Et avant de partir, j’étais scolarisée à la crèche de mon quartier, donc je lisais quelque peu l’arabe», explique-t-elle. Mais une fois arrivée en France, la jeune fille n’a plus jamais étudié l’arabe. Pourtant, cela ne l’a pas empêché d’apprendre à parler la «darija». «Heureusement, mes parents ont fait le choix de me parler en arabe à la maison, ou plus précisément en “darija”. Donc grâce à cela, je peux maintenant m’exprimer aisément avec ma famille et avec toutes les personnes que je rencontre au sein du Royaume. C’est pour cela que j’ai décidé de revenir habiter au Maroc. Pour moi, la barrière de la langue n’était pas si importante puisque je maitrisais la “darija”, enfin c’est ce que je pensais avant. Un jour, j’ai dû remplir des papiers en arabe et je me suis sentie gênée de demander de l’aide. À partir de ce moment-là, j’ai décidé de prendre des cours pour devenir autonome. Mais cette langue n’est vraiment pas simple à apprendre !», révèle la jeune femme.

Si certains sont Marocains de naissance, d’autres le deviennent par choix. Et ce choix est celui d’Océane qui a voulu venir habiter au Maroc quand son mari, né à Tanger, a eu une proposition d’embauche dans sa ville natale. Vivant à Paris depuis leur mariage en 2007, cela a été un vrai chamboulement pour Océane. Maintenant, cette dernière et son mari Mohamed vivent au Maroc depuis deux ans et la jeune femme s’est mise à apprendre le dialecte marocain. «Je me suis fait aider par une amie marocaine», indique Océane. «Au début, j’étais très motivée pour apprendre l’arabe. Soutenue par mon mari et aidée de mon amie Leila, je n’ai pas abandonné même si ce n’était pas simple. Maintenant, même si je ne peux pas dire que je parle couramment l’arabe, pour ce qui est du basic en “darija”, je m'en sors plutôt bien.

Il est vrai que d’être immergée m’a beaucoup aidée. Toutefois, je sais que je ne parlerai pas aussi bien l’arabe que mon compagnon, du jour au lendemain. Mais enfin pouvoir discuter avec ma belle mère dans sa langue natale, c'est très amusant. Aujourd’hui, Océane s’est convertie à l'islam et elle se nomme désormais Souad». Elle a confié, par ailleurs, que malgré la barrière linguistique, les Marocains sont très chaleureux et qu’ils la mettent tout de suite à l’aise.

Noureddine, quant à lui, a hérité de ses origines marocaines de ses parents, mais il a toujours vécu en Angleterre, jusqu’au jour où il a rencontré sa future femme. «Ma femme Nora est 100% Marocaine et j’ai décidé de rentrer au pays et de vivre avec elle à Benguerir. Moi qui ne comprenais presque aucun mot à la langue, j'ai décidé de me mettre à l’apprendre», raconte Noureddine. «Et c’est comme cela que j'ai trouvé un site très bien fait. Mais après quelques semaines, cela m’a rapidement énervé de ne pas faire beaucoup d’effort et j’ai décidé de laisser tomber. Je parle couramment l’anglais et le français. Pour ce qui est de la “darija”, j’en comprends maintenant quelques mots.

Et cela m’est totalement suffisant», explique-t-il. À quelques kilomètres de là, au cœur de Marrakech, Lori, sort à peine de son travail. Cette jeune française travaille dans un centre d’appel. Elle habite avec Nawfel, son fiancé, depuis deux ans. Et elle avoue que quand elle a emménagé au Maroc pour la première fois, elle se sentait frustrée. «Depuis que nous nous sommes rapprochés de ma belle famille, cela me dérangeait beaucoup que mon fiancé parle en arabe à côté de moi», confie Lori. «J’ai eu l’impression que parfois il parlait de moi et cela m’énervait beaucoup de ne rien comprendre. J’ai même failli rompre mes fiançailles et retourner en France. Mais une collègue, à qui j’avais expliqué ma situation, m’a fait comprendre que c'était normal que ma belle-famille parle arabe. Ainsi, elle m’a fait comprendre que ce n'est pas une volonté de m'exclure, mais tout simplement qu’utiliser leur langue maternelle est plus naturel pour eux. D’ailleurs, elle m’a conseillé d’apprendre la “darija” et c’est vrai que depuis que je leur ai demandé de m’apprendre des mots, le contact est beaucoup plus détendu entre nous», se réjouit Lori.

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