Ayant des problèmes d’équilibre, Brahim éprouve des difficultés quand il marche sur des trottoirs étroits. «J’ai peur de tomber lorsque je croise d’autres piétons, car même si je suis âgé et avec une canne les gens ne s’écartent pas lorsqu’ils croisent ma route», raconte-t-il.
C’est donc à lui d’éviter les gens en circulant parfois même sur la chaussée. «Outre les autres piétons, je dois aussi zigzaguer entre des deux roues mal parqués ou des poubelles déposées sur le trottoir. C’est fatigant pour moi, je n’ai plus 20 ans, alors je circule sur la chaussée», poursuit la même source. Cependant, le vieil homme est conscient du danger qu’une telle action représente. «Il m’arrive d’être surpris par le dépassement d’un véhicule circulant à grande vitesse. Marcher sur la chaussée n’est, certes, pas la meilleure chose à faire, mais a-t-on le choix, nous autres pauvres piétons ? “Ils” sont capables de goudronner cinq fois une même chaussée qui n'est pas en si mauvais état que ça, mais les trottoirs c’est une autre histoire !» se lamente Brahim. Échafaudages de chantiers, parasols ou stores, panneaux de signalisation, lampadaires, supports publicitaires suspendus, branches, ne devraient pas exposer le piéton au risque de se heurter la tête. Et pourtant, Mohamed, 72 ans, raconte : «Il m’est arrivé de me heurter à des obstacles tels que des branches d’arbre non taillées provenant d’une propriété. Les gens laissent pousser leurs plantations jusqu’à ce que celles-ci encombrent la chaussée». Celui-ci remet également en cause les panneaux de circulation ou les stores de commerce, bien trop bas à son goût.
«Ils sont parfois à hauteur de tête et je ne suis pas grand de taille. Mon fils s’est blessé à la tête un jour en ne faisant pas attention…», se rappelle ce père de famille. Ayant quelques problèmes de vue, ceux-ci s’intensifiant avec la tombée du jour, il préfère emprunter les chemins les mieux éclairés la nuit. «Je peux ainsi facilement identifier les obstacles au sol et je me sens davantage en sécurité. Mais cela n’est valable que pour les grands boulevards, malheureusement». Samir se dit outré par le comportement de certains automobilistes qui n’hésitent pas à garer leur véhicule sur le trottoir, obligeant les piétons à marcher sur la chaussée.
«J’étais avec ma mère, qui ne peut marcher qu’avec une canne d’un côté et prend appui sur une personne de l’autre. Quand une voiture vient se garer juste devant nous sur le trottoir. Je lui demande aimablement de dégager le passage, mais celui-ci me fait signe depuis son véhicule de faire le tour. Si j’avais pu lâcher ma mère, je lui aurais refait le portrait ! Au lieu de ça, bah, j’ai fait le tour… Et l’automobiliste ingrat quitta le trottoir quelques secondes plus tard», explique-t-il, encore furieux.
Naïma, 54 ans, a un problème à la hanche et peine à parcourir une pente raide, vu son manque de force. Elle nous explique ce qu’elle appelle «le phénomène des trottoirs-escaliers»… «Tout le monde sait ce que c’est, je leur ai simplement donné un nom», plaisante-t-elle avant de poursuivre en expliquant qu’il s’agit «d’un trottoir n’ayant jamais la même hauteur» notamment à cause des commerces qui «délimitent leur territoire». «En tant que piétons, en ligne droite c’est un peu comme gravir une montagne : un coup on monte, puis on descend…». Et puisqu’on parle hauteur, venons-en à celle des trottoirs. «Certains font au moins 50 cm ! Je suis en pleine forme physiquement et j’ai du mal à monter sur le trottoir, je me demande comment font les personnes à mobilité réduite», s’interroge Meryem, 19 ans.
Les jeunes ne sont, en effet, pas épargnés. Lamia, 24 ans, est une femme active et coquette. Le tailleur et les talons sont de rigueur dans sa profession, mais les trottoirs lui rendent la vie dure : trous non rebouchés, racines apparentes… Les raisons de faire une mauvaise chute ne manquent pas pour la jeune femme. «Je peux me rendre au travail à pied, cela n’est qu’à 10-15 minutes de chez moi. Mais les trottoirs sont en si mauvais état que je suis obligée de faire un détour de 15 autres minutes. Après avoir chuté plusieurs fois ou y avoir laissé un talon, je pars maintenant en tailleur-baskets et je me chausse en arrivant au travail. Pas très glamour, mais plus sûr», confie-t-elle.
