Traiter d’une telle problématique n’est nullement le fruit du hasard ou l’envie extravagante de vouloir sombrer dans la définition des concepts clés tels (Maison/École), qu’un grand nombre d’écrits et un grand nombre de débats nationaux et internationaux ont déjà traité amplement et de manière exhaustive et de ce fait ont inondé et nourri largement les revues spécialisées et garni la bibliothèque scientifique. Mais, s’engager à s’inscrire dans cette optique est le prolongement tout à fait logique et normal de l’intérêt porté à ce secteur depuis si longtemps et à cela s’ajoute le désir violent et émotionnel de vouloir expliciter et de déboucler le nœud du pourquoi et du comment de la montée inquiétante et vertigineuse de l’insatisfaction de part et d’autre (école et famille), chacun de son côté tout bonnement et tout gentiment incrimine l’autre comme étant le responsable de la détérioration de leurs rapports et chacun veut faire porter le chapeau à l’autre. Alors que l’échange d’informations entre eux est une condition sine qua non pour la bonne marche et de leur rapport et de la réussite de l’enfant.
Le relationnel observé est parfois mis à régime de blocage et de détresse, consciemment ou inconsciemment, ce qui prête à penser que l’enjeu est de taille et qu'il ne fait qu’éloigner les points de vue au lieu de les rapprocher pour l’intérêt et le bien-être de l’apprenant .par ce modeste travail, nous visons à diagnostiquer le schéma actuel du rapport qui prévaut entre la famille et l’école, à partir des constats formulés par certains parents, pour ensuite proposer une autre façon de faire, qui les rapprocherais davantage pour une union fusionnelle constructive et participative. Puisque, tout compte fait, ils restent par excellence, les acteurs déterminants, potentiels et dynamiques, du développement de toute société. Chemin faisant, ceci nous amènera immédiatement à nous demander quel modèle de vie et quel type de personnes on veut avoir pour cohabiter et construire ensemble un devenir, ou chacun se sentira à l’aise, s’épanouira et s’investira intégralement et avec dévouement dans la mission qui lui sera attribuée. C’est un projet de société dont il s’agit finalement, qui nécessite, de prime à bord, ouverture, flexibilité et pleine participation au travail, car c’est à partir du travail de tout un chacun que tout se décide, comme l’a souligné Durkheim en mettant l’accent sur le fait que c’est à partir du travail qu’on s’intègre à la société et à travers elle qu’on tire notre identité, notre sentiment de bon citoyen et notre fierté d’appartenance. C’est également à partir de l’acceptation de l’autre, malgré sa différence qu’on arrive à construire et à réussir ensemble et d’ailleurs certains pays vont même jusqu’à insérer dans leur constitution que c'est la différence qui fait la richesse de la société.
En tout temps, la famille a été et reste toujours la pièce maîtresse et la cheville ouvrière de la société. C’est à partir d’elle que se trace la trajectoire sociétale dans toutes ses dimensions. Elle est le noyau et la turbine sensible et dynamique qui permet d’oxygéner la société viscéralement et rationnellement et lui assurer pérennité, prospérité et développement. C’est le noyau capital qui active et nourrit toute action sociétale. Et comme l’ont souligné plusieurs poètes, si l’on veut vraiment améliorer la société et lui apporter des changements et des retouches manquantes, nous devrons d’abord être en mesure d’établir et de fixer le modèle de personnes qu’on veut et commencer par éduquer nos enfants suivant ce prototype voulu en conformité avec notre réalité socioéconomique et culturelle et écumé par la suite par d’autres ingrédients, d’autres sociétés reconnues conventionnellement pour être valides, crédibles, et facilitatrices du développement de la société d’aujourd’hui. Pour que, finalement une fois mariés, ils puissent automatiquement produire ce modèle en créant la famille. Mais, cela ne suffit pas, il faut que tout le panel «environnement sociétal» (droit, éducation, jurisprudence, politique, économie, formation, enseignement et rapports sociaux) suivent, redynamisent et consolident ce layon. C’est un grand projet de société qu’il faudra ériger, c’est difficile, dira l’autre. Effectivement, mais le fait de vouloir s’inscrire dans cette logique nous donne déjà les prémisses du relationnel qu’il faut avoir dans la société, affiné par la foi et magnétisé par la persévérance. Par la suite, il faut veiller à le mémoriser, l’intégrer dans notre dynamique mentale et le faire passer à notre agir quotidien en le fructifiant et en le positivant pour qu'il puisse ensuite s’engager dans l’unification et l’harmonisation de notre système éducatif. Ceci ne serait possible que si nous intégrions dans notre façon de faire les mêmes valeurs et les mêmes normes. Ce serait l’idéal et «la cité idéale» où la vertu est monnaie courante et dénominateur commun pour tout un chacun.Certes la société a connu des changements successifs, carabinés d’une part et potentiels d’autre part, et des bouleversements inopinés dus à des tamponnements économiques, politiques et technologiques, par rapport au modèle d’autrefois. Les parents ont commencé à se rapprocher certes de leurs enfants, à s’ouvrir davantage à eux et à essayer de les comprendre. Cela reste vrai, chez certaines familles, qui font parfois un peu trop, poussées par leur affectif trop exagéré et trop expressif, comme si dans leur subconscient remontait l’envie folle du rachat d’une erreur enfouie ou une carence subie quelque part et qui les conduit à agir de la sorte et à n’en faire qu’à leur tête. Les parents ont envie de vivre pour eux en ayant un certain détachement de l’éducation qu’ils ont reçue, en sachant mieux faire la part des choses et traiter leurs enfants en sujet et non en objet. Le poids des traditions a évolué et les jeunes parents d'aujourd'hui se sont approprié leur propre temps et leur propre espace. Ce sont des ménages avec des parents qui travaillent tous les deux et qui ont besoin de temps à autre de se retrouver avec leurs enfants pour discuter avec eux et les faire sortir pour mieux les comprendre, voulant coûte que coûte faire état des enseignements reçus en psychologie, en éducation, en médecine, etc., et les mettre à contribution au service de leurs enfants. Ils sont beaucoup plus imprégnés de la science avec toutes ses filiales qu’autrefois et sont en état de surveillance, de veille et d’écoute du développement de leur enfant sur le plan biologique, physiologique et psychologique. Leur prise de conscience fait d’eux des parents à facettes multiples, s’engageant dans la logique de toujours vouloir comprendre profondément, le fin fond de leurs enfants pour mieux les servir.
Parfois, certains parents de cette catégorie, saisis par l'excès de zèle, veulent trop en faire et entrent en conflit gratuit avec l’école qui fonctionne bien, avec un système de pédagogie institutionnalisée, une règlementation en vigueur et un lexique de déontologie assurant la bonne marche de l’établissement, tout en respectant une grille de lecture préétablie. Certains parents que nous avons rencontrés n’ont pas hésité une seconde, à nous faire part de leur insatisfaction et de leur mécontentement quant à l’accueil et la qualité de la communication de «l’école privée». Le blocage commence parfois à l’entrée de l’établissement avec tout un arsenal de questionnement, genre, avez-vous un rendez-vous ? C’est à quel sujet ? connaissez-vous le patron ? voulez-vous nous laisser vos coordonnées pour vous rappeler ? Tout cela, empaqueté dans un moule d’investigation et d’audition assourdissant. À cela s’ajoute un récital harcelant et désappointant et je vous fais grâce des détails. A-t-on donné des directives dans ce sens, ou c’est tout simplement une affaire d’excès de zèle ? Il y a des bâtisses et il faut le reconnaître, flamboyantes et rutilantes de par l’architecture et l’agencement des couleurs, c’est beau, mais malheureusement, la dynamique mentale animatrice et organisatrice ne suit pas du tout. Il y a vraisemblablement un malaise quelque part. C’est vraiment dommage et c’est là où le bât blesse. D’autres nous ont affirmé amèrement et tristement qu’il est parfois pratiquement difficile d’avoir accès au décideur de l’établissement... (Monsieur est en réunion, Monsieur est au téléphone, Monsieur n’est pas là et des choses de ce genre). À ce niveau, des propositions ont été émises par des parents qui ont le cœur à la bonne communication, et c’est par elle, que tout passe, vont jusqu’à dire qu’il faut chercher des profils qui s’imposent et parfois il est nécessaire de passer par des formations continues destinées aux décideurs, genre psychologie positive, techniques et stratégies de résolution de problèmes, art et efficacité de l’écoute, communication «résultante de la psychologie comportementale et de la méthodologie de travail», crédibilité en tant que levier principal chez le gestionnaire en éducation et en formation, comment expliquer et convaincre, etc.
D’autres, affichent manifestement, à cor et à cri leur satisfaction sur tous les plans : accueil, accompagnement, activités parascolaires, enseignement et tout ce qui en découle. Dans ce cas, la lotion magique est simple, c’est que l’école s’ouvre et de manière flexible pour sentir et réaliser, comment les parents la perçoivent et quelle image ils ont de l’enseignement. Car, parfois, une mauvaise perception peut conduire à une mauvaise interprétation et c’est le conflit interminable qui se déclenche et les tensions gratuites qui se déchaînent et donnent naissance à des tiraillements dont l’enfant sera le premier à payer les pots cassés. Il sera marqué et peut être démotivé et c’est ce qui le conduira vers le décrochage scolaire. Après, il faut engager toute une panoplie d’interventions pour y remédier. De quoi avons-nous besoin, m’interpellent certains ? Et bien, nous avons tout simplement besoin qu’on s’occupe un peu de nous, d'un peu de dignité et que soit arrêté le processus de nous considérer comme des objets. Nous sommes par la force des choses des parties prenantes du système et on doit être considérés comme des partenaires. Quand on se présente à l’école pour s’enquérir des informations concernant notre enfant, il faut que l’école soit à notre écoute pour comprendre notre requête.
Il faut donc un accueil sur mesure et une simplicité dans le rapport, l’écoute, la bonne communication et qu'on laisse parler les parents, le temps d’évacuer leur malaise. Il faut tenir présent à l’esprit comme règle générale en communication interpersonnelle «on réagit selon la perception qu’on fait de l’autre lors de notre face à face». Quand on est courtois, avec un visage détendu et souriant, toutes les tensions et les résistances tombent et s’effondrent et naissent à leur place des énergies et des volontés positives qui bloquent et assiègent les «énergivores»
La radioscopie des rapports actuels entre l’école et la maison nous permet de relever les cas de figure suivants :
Le premier cas se présente de la manière suivante : on a l’école d’un côté, en forme de carré et la famille de l’autre côté, en forme de cercle. Le carré en quelque sorte, fait référence à cet ensemble de règlements, d’instructions officielles, de circulaires (une certaine rigidité), etc., qui permettent à l’école de progresser en bonne et due forme et de pouvoir œuvrer dans l’organisation, l’ordre et la sérénité et où le support valeurs et normes oriente, la politique du climat organisationnel et de locomotion. C’est-ce qu’on appelle en psychologie positive le cerveau intellectuel qui est régi par la logique et tout ce qui est gestion, coordination, planification et synchronisation des différents scénarios d’apprentissage. Plus on lui présente les choses claires et bien organisées, plus on lui facilite la tâche de compréhension et d’intégration au nouvel environnement. Quant au cercle, qui est la famille, c’est en quelque sorte la sphère ou prédomine la liberté d’action, un affectif débordant, pas ou peu de discipline et le cerveau qui y prévaut est celui de l'affectif, qui n’a aucune logique et qui fonctionne par notion de plaisir. C’est de l’énergie dévastatrice lorsque la sphère intellectuelle ne s’y mêle pas, le réservoir des instincts qui est aveugle, par rapport au cerveau intellectuel. Chacun tient à son modèle (et l’école et la maison) de fonctionnement, ce qui gomme toute communication et rend les rapports conflictuels et antagonistes. Le carré veut que son modèle soit transféré à la maison, mais la maison refuse.
Le deuxième cas, c’est le modèle, cercle (maison) qui repose en général sur ce qui est permissible, flexible, élastique et expansible. Une fois en contact avec l’école la famille ne veut rien savoir, elle reste collée à son schéma familial habituel et désire que l’école soit le prolongement de la maison. Emballée dans cette approche relationnelle unilatérale et despotique, la famille ne fournit aucun effort pour actualiser un dialogue constructif et pragmatique et ne fait que sombrer dans une subjectivité exacerbée et exaspérée. C’est ce qui fait place à des bras de fer et à un panel d’interventions musclées. Certes, cet état de fait, aura certainement des répercussions néfastes sur le cheminement scolaire de l’enfant. C’est insensé et absurde de ne pas pouvoir s’expliquer, nous sommes par essence des experts communicateurs et par conséquent sociables. En des moments pareils, il est conseillé de réveiller en nous le cerveau intellectuel qui saura comment gérer notre cerveau affectif, qui, chez certains, est trop amplifié, délirant, sourd et déstabilisant.
Nous avons un patrimoine très riche, prédisposé à construire, dieu nous a doté d’une force extraordinaire, «énergie divine» qu’il faut juste booster et la machine intérieure se met à vibrionner à plein régime pour bâtir et édifier le climat organisationnel le plus compatible à notre situation de résolution de problème.
Pensons tout le temps au plus profond de nous-mêmes de manière positive et faisons-nous confiance les uns les autres, ainsi nous arriverons à nous comprendre (je fais confiance à l’autre, il me fait confiance et je finis par avoir confiance en moi), élément indispensable à notre épanouissement. Ce positionner sur cette plate-forme intrinsèque, tangible, responsable et constructive, nous permet d’être maître de notre émotionnel et nous oriente à perfectionner notre discours et notre agir.
Le troisième cas, quant à lui, c’est que le carré «école» fait des efforts pour essayer de percer la bulle familiale, pour découvrir, connaître et mieux communiquer pour que le travail pédagogique se fasse et que la bonne solution s’établisse. La famille, pendant ce temps, est elle aussi en train de chercher la logique qui s’impose pour s’y aligner en se détachant tant soi peu, du package éducationnel, d’usage et de mœurs de la maison, en vue de percer le carré institutionnalisé. Cet état de fait marque une toute petite partie d’intersection par où passent les échanges. Mais il reste beaucoup à faire
Le dernier cas c’est l’école et la famille qui sont en plein dans la communication et qui cherchent ensemble à perfectionner leur agir et leur verbatim pour réussir ensemble dans l’éducation et l’enseignement de l’enfant. Mais statistiquement cela reste insignifiant.
Une autre catégorie de famille est mitigée entre le traditionnel et le moderne et ne sait au juste vers quel côté opter, ce qui parfois laisse libre cours à une ambivalence dans le discours et le comportement. De ce fait ces gens sont prêts à être influençables lorsqu’ils sont face à des personnes expertes et qui maîtrisent bien la dynamique du comment convaincre. Quand ils se déplacent à l’école, pour s’enquérir des résultats scolaires, ils se présentent avec toute une stratégie de victime qui veut défendre son enfant quand les résultats sont catastrophiques. De ce point de vue ils accusent à tort l’institution, qui, à leurs yeux, est totalement responsable des résultats scolaires de leur enfant. Et s’il n’a pas réussi, c’est que le travail en classe n’a pas été bien fait. C’est une manière de signer en gras et en rouge «la démission et le manque de maturité intellectuelle et affective». Ils viennent à l’école, prêts à tirer leurs boulets de mécontentement et à dégainer. Et là, il faut toute une gymnastique intellectuelle pour les dissuader et les remettre à l’ordre et à l’esprit de responsabilité. Une catégorie dépassée par les évènements et complètement marginalisée, méconnaissant les rouages du fonctionnement pédagogique et institutionnel, demande à être orientée et épaulée pour que soit tracé un bon cheminement pour leur enfant. D’autres sont comme des bombes à retardement, tant que tout marche bien et il n'y a pas de problème avec l’école, les visites se font rares. Mais, dès qu'il y a un problème, c’est tout à fait une autre paire de manches. Ils défendent illogiquement leurs points de vue, s’acharnent et s’obstinent à faire prévaloir leur logique.
À mon sens, en cas de mésentente et pour temporiser, fructifier et donner bonne configuration aux rencontres et aux réunions, famille/l’école et école/famille, l’intervention d’un troisième corps est souhaitable, en la personne d’un médiateur qui pourrait être, psychologue scolaire, psychopédagogue, psychoéducateur, etc. En s’inscrivant dans cette logique, on permettra au spécialiste choisi de mettre sa contribution au service de l’école et des parents, ainsi que son savoir-faire et son savoir-être. Cela permettra aux uns et aux autres de trouver ensemble une approche, la plus compatible qui soit avec la nature du problème à traiter. Ainsi, chacun misera pleinement, de son côté avec plaisir et avec amour à poser son plus beau jalon dans la généreuse bâtisse qu’est «l’éducation et la formation» pour garantir un bel avenir à nos enfants.
Par Omar Benyahya :
Dr en psychopédagogie et andragogie.
M.A. en psychopathologie.
Ex-maître assistant au centre des études ethniques et interculturelles de l'Université de Montréal.
Ex-consultant international auprès du S.S.I., service social international de Genève.
Professeur universitaire et directeur du centre d'accompagnement, d'aide psychologique et de coaching.
