Ils se font de plus en plus rares à Rabat, mais ils continuent d’exister. Ce sont les antiquaires. Ces commerçants-artistes sont en quête constante d’objets rares et de qualité qu’ils revendront ensuite. Les plus connus ont des magasins à l’intérieur du «Derb Khalaf R’bati» connu plutôt sous le nom «Joutia» à l’ancienne médina. Il s’agit d’une dizaine de boutiques étroites contenant des merveilles remontant des fois au 17e siècle.
El Haj, un antiquaire, s’est installé dans la médina depuis 20 ans déjà. Il a appris le métier grâce à un autre antiquaire chez qui il travaillait comme assistant avant d’ouvrir son propre magasin.
En l’absence d’une école pour former les antiquaires comme en France, ce métier continue à s’apprendre sur le tas. Il se transmet souvent de père en fils, mais on peut débuter également comme assistant. C’est le cas de Abderrahim, un employé dans l’une de ces boutiques. Cet homme qui exerce ce métier depuis 18 ans déjà est devenu un spécialiste dans les articles d’antiquité. Aujourd’hui, grâce à sa longue pratique, cet employé peut reconnaître un objet rare d’un seul regard. «Il suffit que je regarde l’article et que je le touche pour définir s’il est authentique ou imité», explique-t-il. Ce commerçant reconnaît que les articles antiques deviennent plus chers quand ils ne sont plus reproduits. Un service de porcelaine de Manchester datant d’un siècle qui n’est plus fabriqué peut coûter 40 000 DH. Néanmoins, ce n’est pas toujours facile de dénicher une bonne affaire. «Un antiquaire peut passer jusqu’à trois mois pour trouver un article authentique», explique Abderrahman. En effet, ces chineurs vont de plus en plus loin pour trouver du mobilier ancien et des objets d'art de grande qualité. Ils fréquentent les souks et les grands marchés. «Des fois, nous tombons sur un article d’une grande qualité mis en vente à un prix très bas. Souvent, le spéculateur n’ayant aucune culture artistique ignore complètement la vraie valeur de certains objets. J’ai moi-même acheté un tableau à 25 DH pour le revendre à 700 DH», ajoute-t-il.
Cette tentation de trouver des articles pareils pousse cet employé à fréquenter assidûment les lieux de vente. Cela lui permet d'acheter les pièces qui garniront la boutique, et de se tenir au courant de l'évolution du marché. Mais ce quadragénaire n'est pas seulement un marchand. Connaissant bien l'histoire de l'art, les techniques et les styles – sur le tas –, aujourd’hui cet homme allie art et commerce. D’ailleurs, il lui arrive même de conseiller ses clients. Son sens de l'observation et son savoir artistique grâce à ses longues années d’exercice lui permettent d'identifier les pièces et de distinguer les authentiques des copies.
De plus, il connaît les techniques de restauration ou le plus souvent des restaurateurs d'art qui remettent en état les objets ou meubles détériorés. «C’est cette garantie d'authenticité qui distingue fondamentalement l'antiquaire du brocanteur», affirme-t-il avec fierté. En effet, cette différence fait qu’une boutique de vente d’antique est plus sollicitée par la classe huppée de la société vu que les prix sont au-dessus du niveau d’achat de monsieur tout le monde. «La plupart de nos clients sont des gens riches et instruits. Ils sont les seuls à connaître la vraie valeur de ses objets et le plus important est d’avoir les moyens de les acquérir», affirme Mustapha, antiquaire.
