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Tenue correcte exigée à l’école !

Les faits : Les vêtements des élèves, soumis aux injonctions de la mode, sont parfois mal perçus dans les établissements scolaires.

Tenue correcte exigée à l’école !
À Marrakech, 20 000 élèves avaient eu droit à un uniforme composé d’un pantalon, d'un gilet et d'une chemise pour les garçons. Idem pour les jeunes filles qui, à la place du pantalon, ont eu droit à des jupes.

Victimes de la mode, les adolescents le sont et l'admettent volontiers. «Ils ont besoin de s'identifier à des idéaux, souvent extraits de personnages des groupes musicaux et quelques fois des clubs sportifs comme ceux du foot», explique Bernard Corbel, psychologue. Selon le spécialiste, ces ados se cherchent encore. «Les adolescents, par définition, traversent une crise identitaire. Ils ne se sentent plus, à juste titre, des enfants, et pourtant leurs vives émotions et leur imaginaire débordant les y attachent encore», affirme celui-ci.
C’est pourquoi ils soignent leur look, qu’ils soient garçons ou filles. Mais leurs tenues vestimentaires posent parfois quelques problèmes dans les établissements scolaires.

En effet, les écoliers sont influencés par les jeunes stars internationales de la musique, de la mode, ou celles vues dans leurs séries télévisées préférées. Ainsi, les T-shirts courts laissent le ventre nu et font fureur chez les jeunes filles depuis plusieurs années. À l'intérieur comme à l'extérieur des établissements scolaires, de la même manière que les décolletés ou les mini-jupes. Par ailleurs, elles n'hésitent pas à se tartiner de maquillage. Les blouses, obligatoires, sont bien souvent «customisées» ou raccourcies. D’autres, encore, emportent avec elles des vêtements dans leur cartable pour se changer, une fois arrivées à l'école. Les garçons ne sont pas en reste. Ils ne sont, eux, pas tenus de porter la blouse, communiquant ainsi volontiers sur la couleur de leur caleçon, dépassant d'un pantalon baggy (deux fois trop grand) ou tombant sur les cuisses en l'absence de ceinture…

Pour Bernard Corbel, il n’y aurait rien d’anormal là-dedans tant que l’établissement «veille aux débordements». «L’école est un lieu d'apprentissage de la vie sociale.
Il convient d'inculquer un certain nombre de valeurs comme le respect des personnes. Parce que sans cela la vie ensemble n'est plus possible», explique-t-il avant de poursuivre : «En contrepartie, les adultes doivent comprendre ces jeunes qui se cherchent et qui ont besoin de partager des signes de reconnaissance avec les autres adolescents. Avec ces signes, ils forment une véritable communauté définie par des problématiques et des normes spécifiques, c'est rassurant pour eux et ils ressentent une grande force de groupe». Les vêtements et chaussures de marques sont aussi à l'origine de perturbations, plus ou moins graves, dans la vie de l'établissement.

Pour ou contre l’uniforme scolaire ?

Les cas de vol de baskets ne sont pas rares. Des adolescents désargentés en viennent parfois à racketter les autres pour pouvoir s'offrir la dernière paire à la mode. Faut-il alors en revenir à l’uniforme ? Pas question pour notre spécialiste «On n'est pas dans une dictature socialiste ou dans une école américaine prestigieuse», conclut-il finalement. Rappelons que le débat avait été lancé par l’ex-secrétaire d’État chargée de l’Enseignement scolaire, Latifa Laâbida, qui a souhaité remettre au goût du jour l’uniforme scolaire dans les écoles publiques pour la rentrée scolaire 2009-2010. L’initiative, qui portait la griffe du ministre Ahmed Akhchichine, avait alors mobilisé une enveloppe budgétaire de 100 millions de dirhams et concernait 750 000 élèves du primaire et de l’enseignement collégial.

À Marrakech, par exemple, 20 000 élèves avaient eu droit à un uniforme composé d’un pantalon, d'un gilet et d'une chemise pour les garçons. Idem pour les jeunes filles qui, à la place du pantalon, ont eu droit à des jupes. Cet uniforme coûtait 115 dirhams, financé en intégralité par le ministère. En 2004, le port de l’uniforme avait déjà été appliqué dans certaines villes. On laissait le soin aux élèves de choisir leurs tenues.

À Casablanca, par exemple, l’uniforme coûtait à l’époque 250 DH, pris des poches des parents. Somme à multiplier par deux pour que l’élève puisse se changer et le laver. L’Académie régionale de Tanger-Tétouan avait, pour sa part, préféré généraliser la blouse : rose pour les filles et blanche pour les garçons. Aujourd’hui, l’élan s’est essoufflé et force est de constater que l’uniforme à quasiment disparu des écoles publiques, reste encore les blouses. En ce qui concerne le privé, c’est plutôt les écoles américaines ou anglaises qui rendent l’uniforme obligatoire.


Explications : Bernard Corbel, psychologue

«Les parents participent au cadre acceptable qu'il convient d'établir»

Pourquoi tant d’excentricité chez les jeunes ? Est-ce une recherche d'identité, d'appartenance à un groupe ? Est-ce pour eux un signe de modernité, une échappatoire ?
Les adolescents, par définition, traversent une crise identitaire. Ils ne se sentent plus, à juste titre, des enfants. Et pourtant, leurs vives émotions et leur imaginaire débordant les y attachent encore. À côté de cela, ils n'ont pas encore construit une identité définitive : ils ont besoin de s'identifier à des idéaux, souvent extraits de personnages des groupes musicaux et quelques fois des clubs sportifs comme ceux du foot, et en même temps ont un besoin incoercible de partager des signes de reconnaissance avec les autres adolescents. Avec ces signes, on forme une véritable communauté définie par des problématiques et des normes spécifiques, c'est rassurant et on ressent une grande force de groupe. D'où les adaptations des vêtements qui sont plus prisées lorsqu'elles sont aussi synonymes de contestation. La contestation est tous azimuts : sociale (vêtements troués, déchirés, usés, militaires rebelles) et sexuelle (mélange des genres, exagération des genres, exhibitionnisme léger à la ceinture du slip, du caleçon ou du string).

Existe-t-il un lien avec les médias ? Les émissions dites «télénovellas» que les jeunes regardent en rentrant de l'école, ou les téléréalités qu'ils peuvent visionner avec le câble sur des chaînes étrangères ont elles une réelle influence ?
Tous les moyens sont bons pour propager le besoin de communauté, les médias y contribuent bien sûr comme ils contribuent aux évolutions sociales et aux contestations de tout genre. Pas plus que les signes que se donnent les ados, il ne peut être question de les supprimer. Comme il s'agit de contester «on n'est plus des gosses et on ne veut pas être comme vous, pas tout à fait du moins, avec des valeurs» ! La meilleure pratique que les adultes puissent avoir est de pratiquer l'écoute de cette communauté, de la comprendre, de laisser faire en partie tout en encadrant de loin, car il ne faut se prémunir que contre d'éventuels excès ou débordements.

On en revient au débat de l'uniforme... Serait-ce la solution au Maroc ?
L'uniforme ne pourrait avoir de valeur que si, en tant que symbole, il peut supporter les besoins de valorisation des ados : j'ai trouvé mieux que la contestation, j'ai l'uniforme de mon établissement ! Non, on n'est pas dans une dictature socialiste ou dans une école américaine prestigieuse. La signification de l'uniforme s'oppose trop aux besoins évoqués plus haut, il serait contourné, reçu avec résistance et finalement rejeté.

Quel rôle doit jouer les parents dans tout cela ? Il arrive parfois que les parents autorisent certaines choses que l'établissement refuse. Comment l'enfant peut-il ainsi trouver un juste milieu ?
Les parents participent au cadre acceptable qu'il convient d'établir. En tout état de cause, grâce aux réunions de parents d'élèves ils peuvent tenter de faire valoir leur point de vue, mais ne peuvent pousser leur enfant à désobéir aux instructions de l'établissement. Dire simplement aux jeunes qu'ils les comprennent bien et que ça serait bien que les choses évoluent, mais que, présentement, il n'y a pas d'autres choix que de respecter le règlement de l'établissement. Aider les jeunes à accepter les limites et contraintes de l'établissement, telle est leur mission.

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