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Vous avez dit architecture écologique ?

L’architecture écologique est de plus en plus en vogue dans le monde. Plusieurs pays investissent dans la construction d’infrastructures souvent moins coûteuses, moins polluantes, et plus économes en énergie. La construction durable se développe timidement au Maroc en dépit des nombreuses potentialités en la matière dont regorge le Royaume. La méconnaissance de ce style d’architecture et le manque de formation d’architectes dans ce domaine constituent aussi des entraves majeures.

Vous avez dit architecture écologique ?
Un modèle d'architecture qui a le vent en poupe.

En ces temps de crise, toutes les alternatives semblent appropriées pour réduire les dépenses tout en obtenant des résultats satisfaisants. La construction durable ou architecture écologique en est une. Ce type d’architecture permet à la fois de réaliser des infrastructures moins coûteuses et respectueuses de l’environnement. Pour mieux connaître les avantages de ces constructions, ne conviendrait-il pas de décrire ces bâtiments verts ? En effet, l’architecture écologique fait intervenir des matériaux naturels tels que l’argile, le pisé, la terre, etc., ou les matériaux recyclables. «Techniquement l’architecture écologique se différencie par ses performances, il faut qu’elle soit au final très peu consommatrice d’énergie. Tout d’abord l’architecture doit être passive, et chercher à atteindre zéro perdition, donc être orientée de manière optimale, parfaitement isolée et tenter d'exploiter toutes les matières premières à disposition (l’eau, le soleil, les vents). Une architecture écologique jusqu’au-boutiste ira jusqu’à réaliser un bilan carbone de sa réalisation et donc fera en sorte d’être la moins polluante possible», nous indique Layla Skali, présidente de l’Association marocaine de l’architecture écologique.

L’architecture écologique pas en vogue au Maroc

À vrai dire, l’architecture écologique n’est pas très développée au Maroc. L’architecture classique, symbolisée par les nombreuses constructions en béton, reste toujours de mise, malgré ses coûts souvent très onéreux. Ces derniers temps, on constate tout de même une prise de conscience de la part des entreprises qui essaient de promouvoir la construction durable. De plus en plus, les sociétés réfléchissent à des concepts de projets économiques ou sociaux qui intègrent la dimension environnementale. D’où le concept de «croissance verte». Toutefois, plusieurs obstacles entravent aussi l’édification de ce genre de bâtiment. Parmi ceux-ci, le manque de formation de certains architectes en la matière. D’après Layla Skali, beaucoup d’architectes et de bureaux d’étude ne maîtrisent pas certains concepts inhérents à la construction durable. Seuls quelques-uns d’entre eux s’investissent dans la formation personnelle pour essayer de maîtriser ces outils. Il faudrait aussi, selon elle, que les architectes sensibilisent davantage leurs clients sur les avantages qu’offre cette forme d’architecture qui pourrait leur permettre de diminuer de 80% la facture électrique de l’eau chaude solaire. «Aujourd’hui, on constate que la demande est là, mais l’offre n’est pas assez conséquente. Il est réconfortant de constater que l’Ordre des architectes développe de petites formations de type écologique. Une dynamique est en train de se mettre en place», se réjouit-elle.

Mise en place d’un label sur la construction durable

L’autre entrave, c’était l’absence d’un label de construction durable. Ce gap poussait certaines personnes à utiliser ce concept à des fins mercantilistes.

«C’est pour cela que nous avons voulu créer cette association pour le développement de l’architecture écologique marocaine, de manière à créer un réseau de professionnels et de personnes passionnées, pour faire valoir tout ce qui se fait de positif dans le domaine et tenter de passer de l’effet de mode à un mode opératoire…», révèle-t-elle.
Aujourd’hui, cette certification dénommée «HQE» (Haute qualité environnementale) a vu le jour, afin de réglementer le secteur et d’annihiler toute anarchie. L’association marocaine pour le développement de l’architecture écologique souhaite encourager ce mode de construction. Elle avait organisé du 25 au 28 avril 2012 le premier symposium sur l’architecture écologique au Maroc. La deuxième édition qui devait se tenir en novembre 2013 a été annulée.
L’association a actuellement mis en place un groupe pluridisciplinaire pour le suivi des projets, notamment la construction de plus de 140 logements à moyen standing à Rabat, en collaboration avec une société immobilière de la place. 


Trois Questions à Layla Skali, présidente de l’Association marocaine pour le développement de l’architecture écologique

«Une architecture au service des habitants»

L’architecture écologique n’est pas très connue du grand public. De quoi s’agit-il concrètement ?
L'architecture écologique peut avoir plusieurs définitions selon l’angle d’approche, idéologique, militant ou économique. Celui qui m’intéresse est avant tout pragmatique et culturel : nous avons un patrimoine architectural extraordinaire qui mérite d’être sauvegardé et valorisé ainsi qu’un grand besoin de mieux être pour une partie de la population (issue des bidonvilles, des médinas surdensifiées), l’équation est claire : réhabiliter l’existant pour qu’il permette à notre population marginalisée de mieux vivre, c’est là à mon avis la première définition de l’architecture écologique marocaine. Techniquement l’architecture écologique se différencie par ses performances, il faut qu’elle soit au final très peu consommatrice d’énergie. Tout d’abord l’architecture doit être passive, et chercher à atteindre zéro perdition, donc être orientée de manière optimale, parfaitement isolée et chercher à exploiter toutes les matières premières à disposition (l’eau, le soleil, les vents). Une architecture de type écologique jusqu’au-boutiste ira jusqu’à réaliser un bilan carbone de sa réalisation et donc fera en sorte d’être la moins polluante possible.» L’utilisation des matériaux locaux fait partie des incontournables (hélas très rarement utilisés, le béton ayant pris toute la place…) Une architecture écologique savamment étudiée aura fait l’objet d’un bilan thermique (réalisée par des bureaux d’étude spécialisés permettant de calculer les différentes options de construction, par exemple épaisseur de l’isolation nécessaire). Ainsi, pour conclure, la grande différence est le confort intérieur, c’est donc quelque chose qui se ressent, mais qui ne se voit pas de prime abord. Cela demande d’être très pointu et tatillon sur les détails de construction, mais seuls les habitants, après exploitation des lieux, pourront sentir la différence.

Quels sont les avantages économiques et environnementaux de l’architecture écologique ?
Le grand avantage économique est celui de la réduction de la facture d’électricité à la fin du mois ! C’est donc une architecture au service des habitants, et beaucoup moins des promoteurs qui, eux, y voient plutôt un surcoût, sans être certains d’avoir une clientèle prête à investir dans ce surcoût du départ (faute de sensibilisation
à la question, car plusieurs investissements écologiques sont rentabilisés en 3 ou 4 ans).
Le Maroc a une position stratégique par, notamment, son développement conséquent des énergies vertes. De même, le confort de vie est très important pour nous Marocains, qui sommes la fois très frileux l’hiver, et souffrons vite des grandes chaleurs… Entre du marbre au sol et une température ambiante agréable, dotée d’une facture moins salée, je crois que si l’on donnait le choix aux habitants, beaucoup opteraient pour la deuxième proposition…

Lors de votre premier symposium organisé l’année dernière à Fès, vous aviez mis l’accent sur la réhabilitation de bâtiments dans certains douars. Dans quel but ?
Bien entendu, il s’agit d’un équilibre à l’échelle du pays, quel intérêt aurions- nous si seuls certains militants se mettaient à construire leur propre maison dans les règles de l’art de l’écologie, si le reste de la population continue à s’entasser dans les périphéries des périphéries dans des constructions de très mauvaise qualité qu’il faudra détruire avant qu’elle ne finissent par exploser telle une bombe à retardement. C’est à l’origine que le problème doit être résolu, et la réhabilitation des douars de manière à épancher l’hémorragie du problème de l’exode est une des solutions, la seconde est celle des médinas, qui méritent d’être mises à niveaux, non comme des musées, mais comme des lieux de vie. Fès semble ouvrir une nouvelle ère de réhabilitation des maisons menaçant ruine ; et enfin, troisième action, construire qualitatif et non quantitatif. Arrêter la frénésie quantitative de la construction pour aller vers la réhabilitation qualitative de notre patrimoine. Bien entendu il ne s’agit pas d’arrêter de construire, mais il est temps de se poser les bonnes questions : quels matériaux, que m’ont enseigné mes ancêtres ? Comment perfectionner leur enseignement ? Comment obtenir des constructions performantes passives, avec quelle isolation ? Comment valoriser les énergies renouvelables ?

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