Nombreuses sont les femmes qui commencent à appréhender le moment de connaitre le sexe de leur bébé, peu après avoir découvert qu’elles sont enceintes.
Avoir un bébé garçon serait l’idéal, surtout lorsqu’il s’agit de la première grossesse. En effet, malgré l’évolution de la société, on ne peut pas dire que les mentalités ont vraiment changé. Les Marocains accordent toujours beaucoup d’importance au sexe du bébé. Même si, scientifiquement il a été prouvé que c’est l’homme qui détermine le sexe de son enfant, ce sont les femmes qui sont les plus incriminées et pointées du doigt. Elles sont aussi les premières à en subir les conséquences.
Elles sont souvent amenées à se transformer en «machine à accouchement de filles» avant d’atteindre, ou pas, l’objectif fixé : donner naissance au garçon tant attendu. Bien que cela soit choquant, plusieurs femmes, quel que soit leur niveau de vie ou leur niveau intellectuel, se mettent la pression à ce sujet pour diverses raisons. «Depuis que j’ai appris que je suis enceinte, je n’arrête pas de penser si ça va être un garçon ou une fille. Aujourd’hui, je vais enfin savoir. Mon mari attend avec impatience l’arrivée de son “prince héritier”, j’espère que je ne vais pas le décevoir», lance Jihane 29 ans, cadre dans une importante multinationale de la métropole avant d’entrer dans la salle de consultation d’un grand cabinet de gynécologie à Casablanca.
Après une quinzaine de minutes, la jeune femme sort en sanglotant. Jihane a, en effet, piqué une crise depuis que le médecin lui a annoncé qu’elle était enceinte d’une fille. C’était comme s’il lui avait dit qu’elle portait une malédiction dans le ventre.
«Comment pourrais-je annoncer cette mauvaise nouvelle à mon mari ? Il va certainement se mettre en colère et m’en vouloir. Même s’il s’agit de ma première grossesse, j’aurais préféré avoir un garçon pour assurer l’avenir de notre couple. Je n’ai aucune envie de vivre la tragédie de ma sœur aînée. Après sept ans de mariage et trois enfants, des filles, son mari s’est remarié pour avoir le garçon. Les membres de sa belle-famille n'arrêtaient pas de la critiquer, de la juger et de l'ennuyer à cause de ce problème…», confie Jihane en larmes.
Quand on est «mère de filles» (Oum al banat), on est généralement l'objet de plusieurs jugements et accusations des membres de la belle-famille.
Pour ces derniers, ces femmes sont incapables d'assurer la descendance de la famille et elles sont les seules responsables. «Je me suis mariée à l’âge de 33 ans. Heureusement, je suis tombée enceinte deux mois après mon mariage. J’ai donné naissance à une adorable petite fille, mais mon mari et surtout sa famille n’étaient pas satisfaits. Ils voulaient “Le garçon”. Nous avons réessayé une deuxième puis une troisième fois, mais rien à faire. Nous sommes maintenant parents de trois filles et ma belle-mère me rend la vie impossible.
Elle me dit qu’à cause de moi, leur nom de famille va s’éteindre et que je dois trouver une solution sauf que je ne sais pas ce que je dois faire ?!!», confie Nadia. Pour Mohcine Benyachou, psychologue, la question de l’héritage est l’une des principales causes qui poussent certains couples à être obsédés par l’idée d’avoir un garçon. «Quand on n’a que des filles, les autres membres de la famille peuvent facilement partager notre héritage.
Tandis que quand on a “Le garçon”, on est comme immunisé», explique-t-il. Et d’ajouter : «Aussi, notre culture arabo-musulmane joue un rôle dans ce sujet. Tout le monde sait qu’avant on enterrait les filles vivantes juste après leur naissance. Un bébé de sexe féminin n’était jamais le bienvenu et être parents de filles était mal vu, alors qu’être parents d’un garçon était une fierté. Je crois que ces idées règnent toujours dans notre société».
