Après «Sara» de Said Naciri et «Derrière les portes fermées» de Mohamed Ahed Bensouda, deux fiascos que l’on préfère oublier, «Saga» relève le niveau, mais nous laisse perplexes…
Le pitch : Lahcen (Fehd Benchemsi) s’en veut d’avoir rejeté son père la veille de sa mort. Noyé dans la culpabilité, il quitte son village de l’Atlas marocain pour rejoindre son ami d’enfance à Tanger, un certain Omar Foulane (Omar Lotfi) qui trempe dans le trafic d’organes. Attirés par l’argent, Omar et le docteur Ouazzani (Mohamed Ayad) ôtent la vie de leurs patients pour récupérer leurs organes et les envoyer en Europe. Lahcen, n’acceptant pas de voir son meilleur ami tuer sous ses yeux, s’exile dans l’Atlas marocain. Quarante ans plus tard, sur son lit d’hôpital à Casablanca, il est mis en cause dans une affaire de trafic d’organes. Ali (Mourad Zaoui), son fils, tente de découvrir les dessous de cette histoire en espérant blanchir l’honneur de son père. Durant son périple, il tombe sur Said (Said Bey), son supposé frère et se lie d’amitié avec lui. Ensemble, ils remontent les pistes jusqu’à Sebta et décrochent (presque) le fin mot de l’histoire.
Il faut l’avouer, au départ, l’histoire nous accroche plutôt bien. L’univers est sombre, mais pas complètement noir, le décor «année 1969» fonctionne assez bien, on s’attache vite aux personnages principaux même si on focalise beaucoup trop sur les cheveux de Omar Lotfi et sur son accent latino-russe improbable. Bravo à Fehd Benchemsi pour sa performance bien au-dessus des autres, malheureusement Lahcen nous quitte beaucoup trop tôt. Le film nous installe dans un monde, nous plante le décor, nous déballe l’intrigue, mais ne nous laisse pas le temps de nous mettre à l’aise. Les années défilent (trop vite) et le film reprend quarante ans plus tard… Difficile de ne pas perdre le fil, le décor change du tout au tout, les personnages aussi, on a la sensation d’avoir raté un épisode, peut-être même deux…
On repart donc en 2013 avec de nouveaux personnages, Ali le beau gosse de famille aisée et Said, le méchant délinquant meurtri par la vie. La rencontre entre ces deux «soi-disant» frères tourne au vinaigre et se termine en vinaigrette ! D’abord ennemis jurés prêts à se faire exploser la cervelle, ils deviennent (en moins de 48 heures) les meilleurs amis de la terre. Une deuxième partie décidément difficile à avaler avec en prime un Mourad Zaoui peu convaincant et un Said Bey au faciès très (trop) dur qui agresse le spectateur davantage qu’il ne le touche. Petit bémol également pour les effets spéciaux pas totalement maitrisés…
On note l’intention de Othman Naciri d’aborder la thématique des femmes délaissées dans les contrées marocaines, sans ressources ni protection, mais le thème est survolé et relégué au second plan par cette histoire de trafic d’organes qui prend déjà beaucoup de place.
Dans l’ensemble, Othman Naciri réalise une prestation correcte pour son premier long métrage. Les idées sont là, le potentiel aussi, mais la trame de l’histoire n’est pas suffisamment bien ficelée pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Une fois que le spectateur perd le fil, difficile de reconquérir son attention. Trop de personnages qui ne nous laissent pas le temps de développer toute une série de sentiments à leurs égards. «Saga : l’histoire des hommes qui ne reviennent jamais» reste un film «à voir», car on sent qu’il y a un vrai potentiel derrière. Un vrai coup de cœur pour la luminosité des images et pour la bande originale qui est formidablement belle. Othman Naciri a de la suite dans les idées et on a hâte de le voir évoluer et de découvrir ses prochaines réalisations…
